Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 07/07/2022

Mme Catherine Morin-Desailly attire l'attention de Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques sur les droits de diffusion du tournoi de Roland-Garros.
La fédération française de tennis et la direction du tournoi de Roland-Garros ont décidé en 2021 de créer des sessions de matchs de nuit (à partir de 21 heures), permises grâce aux équipements du nouveau court central de Roland-Garros.
Ces sessions de nuit ont fait l'objet d'un lot séparé dans l'appel d'offres sur les droits de diffusion du tournoi, qui a été remporté par Amazon Prime, France-télévisions diffusant les matchs du tournoi en journée. C'est à ce titre qu'Amazon Prime a diffusé le match très attendu opposant les champions serbe et espagnol.
Outre le fait que France-télévisions, diffuseur historique depuis plus de 30 ans de Roland-Garros, a été écarté au profit d'un opérateur américain et payant, les Français ont été largement privés de cet évènement sportif majeur.
En effet, si le match opposant les deux champions a été diffusé gratuitement sur Amazon Prime, une inscription ou création de compte sur Amazon était nécessaire afin de suivre le match, ce qui est synonyme de fourniture de données personnelles à Amazon.
De plus, contrairement à la télévision, largement accessible sur l'ensemble du territoire grâce à la télévision numérique terrestre (TNT), la diffusion de ce match était conditionnée à un accès internet suffisant.
Le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l'application de l'article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit qu'une vingtaine d'évènements sportifs dits « d'importance majeure » sont protégés par une diffusion dite « en clair ».
Ce décret dispose en son article 1er qu'un éditeur de services de télévision à accès libre est considéré comme tel dès lors que « le financement ne fait pas appel à une rémunération de la part des usagers et dont les émissions peuvent être effectivement reçues par au moins 85 % des foyers de France métropolitaine ».
Le tournoi de Roland-Garros ne fait pas partie de la liste des évènements sportifs majeurs du décret alors même qu'il est suivi par plusieurs millions de téléspectateurs français.
Elle souhaite donc savoir si, comme l'a demandé à maintes reprises le Sénat, le Gouvernement entend prendre des mesures en faisant notamment évoluer le décret de 2004 et ce, afin de garantir à l'avenir une diffusion de ces sessions de nuit dont les conditions d'accessibilité seraient les mêmes que pour les matchs se déroulant en pleine journée.

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Réponse du Ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques publiée le 24/11/2022

Pour la transposition des dispositions de la directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989, dite directive « Télévision sans frontières », aujourd'hui reprise à l'article 14 de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 dite directive « Services de médias audiovisuels », l'article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que " les événements d'importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité d'une manière qui aboutit à priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre." Le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l'application de ces mêmes dispositions législatives fixe la liste limitative de ces événements d'importance majeure (EIM) et détermine notamment les conditions s'imposant aux éditeurs de services de télévision pour la diffusion de ces événements sur le territoire français. Cette liste, qui comprend aujourd'hui uniquement des événements sportifs au nombre de 21 (dont certains sont constitués de plusieurs épreuves ou rencontres, soit 26 (1) compétitions sportives à ce jour), a été élaborée conjointement par le ministère de la culture et le ministère en charge des sports en concertation avec les professionnels des secteurs audiovisuel et sportif. Pour répondre à la qualification d'EIM, un événement doit répondre aux critères fixés par la directive « Services de médias audiovisuels », lesquels ont été précisés par la Commission européenne et sont contrôlés par elle à l'occasion de la notification par un État membre d'un projet de modification de sa liste d'évènements. La Commission européenne vérifie ainsi que l'évènement répond à deux des quatre critères suivants :  il rencontre un écho particulier dans l'État membre ; il participe à l'identité culturelle nationale ; l'équipe nationale y participe s'agissant d'une compétition de sport collectif ; il fait traditionnellement l'objet d'une retransmission sur une télévision à accès libre et mobilise un large public dans l'État membre. La distinction classique sur laquelle repose le régime protecteur des EIM, entre services gratuits et payants de télévision, est aujourd'hui largement remise en cause par l'émergence des acteurs de l'Internet sur le marché des droits d'exploitation audiovisuelle de compétitions sportives. C'est en ce sens que la problématique ouverte par la diffusion par Amazon Prime, le 31 mai dernier, de la rencontre des Internationaux de France de tennis Djokovic-Nadal, se heurte à l'inopposabilité du dispositif de protection de l'accès du plus large public aux EIM à une plateforme audiovisuelle établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne, quelque modification qu'il puisse être envisagé à la liste française des EIM. Or, une modification de la réglementation relative aux EIM dans le sens d'une extension de son champ d'application au-delà des seuls services de télévision, aussi pertinente qu'elle puisse apparaître, appelle nécessairement une évolution du cadre juridique au niveau européen qui nécessiterait un délai significatif d'élaboration. Sans attendre toutefois cette réforme importante du cadre juridique européen, le Gouvernement procède actuellement à la modernisation de la liste des EIM, avec notamment l'ajout d'événements féminins et paralympiques. Cette modification réglementaire a été précédée d'une consultation des professionnels de l'audiovisuel et du sport qui s'est achevée le 25 février 2022 et donnera lieu à une notification à la Commission européenne afin qu'elle se prononce sur la compatibilité des compléments ainsi proposés à la liste. Le calendrier de cette modification doit permettre d'aboutir à une liste modifiée d'EIM courant 2023. En outre, il convient de rappeler que le tournoi de Roland-Garrros figure bien parmi les EIM listés dans le décret du 22 décembre 2004, s'agissant de la diffusion des finales du tournoi simple messieurs et dames. (1) Le Grand Prix de France de Formule 1 ne se disputera pas en 2023.

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