Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains-R) publiée le 14/07/2022

M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'évolution de la population de loups en France.

En effet, il a pris connaissance de la nouvelle estimation du nombre de loups hiver 2021/2022 annoncée récemment en groupe national loup. La France compterait, selon ces estimations, 921 loups, nombre en hausse de 47 % par rapport aux estimations de l'année précédente qui indiquaient une population de 624 loups (ce chiffre a cependant été rectifié par la suite à 783, ce qui atteste d'une forte sous-évaluation, et ce qui peut laisser penser que les chiffres avancés pour 2021/2022 pourraient eux aussi être sous-évalués). Cette évolution, en plus de sortir le loup du champ légal d'espèce en voie d'extinction, traduit une montée en puissance de l'état de prolifération de l'espèce qui, corrélé aux attaques en constante augmentation des loups sur les troupeaux ces dernières années, ne peut rester sans réaction.

De plus, malgré cette hausse significative, les chiffres avancés par l'Office français de la biodiversité (OFB) restent très probablement sous-évalués du fait du manque du moyen alloué à l'OFB pour la recherche et le traitement des indices, ainsi que des nombreux indices signalés mais non retenus par les experts. Un évaluation exhaustive du nombre de loups est pourtant essentielle, puisqu'elle permet de fixer le quota de tirs de prélèvement pouvant être réalisés et que, faute d'un nombre de tirs suffisants, l'espèce continuera de se développer de façon exponentielle.

Pour remédier aux difficultés rencontrées par les éleveurs face aux attaques, le Sénat avait, dès août 2020, adopté une résolution européenne visant à modifier le classement dont bénéficie le loup au sein de la Convention de Berne, afin de permettre un passage de l'annexe II à l'annexe III. Cela aurait permis de faciliter les tirs de défense des troupeaux et d'augmenter le nombre de tirs de prélèvement, tout en permettant un maintien de l'espèce. Malheureusement, aucune suite n'y a été donnée pour le moment.

En outre, à l'occasion, à l'occasion de l'examen du projet de loi différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification, le Sénat avait adopté, à l'initiative du sénateur Pellevat, un amendement n°COM-248 rect. prévoyant une possibilité de déroger au prélèvement défini au niveau national dans certaines zones où les attaques causent des dommages importants et une perturbation de grande ampleur des activités pastorales en dépit de la mise en œuvre de mesures de protection. Cependant, le Gouvernement s'y était opposé, et cet amendement n'avait pas été retenu lors de la commission mixte paritaire de ce texte.

Aussi, dans la continuité et l'esprit de la proposition de résolution européenne n°571, il souhaiterait savoir s'il est possible d'envisager la relance des discussions portant sur la modification du classement du loup au sein de la Convention de Berne, ce tant au niveau national qu'européen. De même, il souhaiterait savoir si le Gouvernement compte revoir sa position quant à l'opportunité de créer des zones de protection renforcée contre les attaques de loups.

Enfin, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur une éventuelle augmentation des moyens alloués à l'OFB, dans un souci de plus grande exhaustivité concernant le comptage de la population de loups en France, ce qui est une absolue nécessité pour déterminer de manière adaptée les quotas de tirs de prélèvement.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 03/08/2022

Réponse apportée en séance publique le 02/08/2022

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 049, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Cyril Pellevat. Mon intervention porte sur l'évolution de la population de loups en France.

J'ai récemment pris connaissance lors d'une réunion du groupe national Loup de la nouvelle estimation du nombre de loups présents en France, réalisée au cours de l'hiver 2021-2022 : la France compterait, selon cette estimation, 921 loups, chiffre en hausse de 47 % par rapport à l'année précédente, puisque cette population était alors évaluée à 624 loups, avant qu'une rectification ne la porte à 783.

Cette correction prouve qu'à l'origine la population lupine avait été fortement sous-évaluée et pourrait laisser penser que les chiffres avancés pour la période 2021-2022 pourraient l'être eux aussi.

Cette évolution, en plus de sortir le loup du champ légal des espèces en voie d'extinction – je rappelle que le plan national d'actions sur le loup 2018-2023 fixe le seuil de viabilité à 500 loups –, traduit une montée en puissance de la prolifération de l'espèce.

Face à ce constat, corrélé à la constante augmentation des attaques de troupeaux ces dernières années, nous ne pouvons pas rester sans réaction.

Pour pallier les difficultés rencontrées par les éleveurs, nous avions, dès août 2020, adopté une résolution européenne visant à modifier le classement dont bénéficie le loup au sein de la convention de Berne. Malheureusement, aucune suite n'y a été donnée par le Gouvernement.

En outre, à l'occasion de l'examen du projet de loi 3DS, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, j'avais déposé un amendement qui prévoyait la possibilité de déroger au prélèvement défini au niveau national dans certaines zones où les attaques causent des dommages importants, en dépit de la mise en œuvre de mesures de protection. Le Gouvernement s'était opposé à cet amendement, qui n'a finalement pas été retenu par la commission mixte paritaire.

Aussi, dans la continuité et l'esprit de la résolution européenne que je viens de mentionner, envisagez-vous, monsieur le ministre, de relancer les discussions sur une possible modification du classement du loup au sein de la convention de Berne et de la directive Habitat, et ce tant au niveau national qu'européen ?

De même, je souhaiterais savoir si le Gouvernement compte revoir sa position quant à l'opportunité de créer des zones de protection renforcée contre les attaques de loups.

Enfin, j'aimerais connaître, monsieur le ministre, votre position sur une éventuelle augmentation des moyens alloués à l'Office français de la biodiversité, afin de lui permettre d'effectuer un comptage plus exhaustif de la population lupine en France : c'est une absolue nécessité pour que l'on puisse déterminer de manière adéquate le niveau des quotas de tirs et de prélèvements.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Pellevat, comme vous l'avez rappelé, le front de colonisation du loup s'est largement étendu : sa population totale est estimée à 921 animaux en 2022 et le seuil de viabilité, fixé à 500 dans le cadre du plan Loup en cours, qui sera revu l'année prochaine, a été largement dépassé beaucoup plus tôt que prévu. En 2021, les attaques de loups ont touché 45 départements : c'est historique.

Cependant, au-delà des chiffres, je voudrais simplement souligner la réalité des drames et des détresses humaines – et pas seulement les détresses économiques –, ainsi que le sentiment de nombre d'éleveurs qui pratiquent l'agropastoralisme, de ne pas être compris par le reste de la société. Ces sujets vous les connaissez mieux que moi, puisque vous représentez l'un des départements concernés. Il est donc nécessaire d'agir.

Des actions ont été mises en œuvre dans votre département, je n'y reviens pas, car vous les connaissez : la protection des troupeaux, les prélèvements de loups en cours, un projet d'expérimentation concernant la défense des bovins, enfin, la mise en place d'un groupe référent dans chaque pays cynégétique afin d'améliorer l'estimation du nombre de loups.

Ensuite, je souhaite également souligner la nécessité de crédibiliser encore davantage notre action grâce à plusieurs éléments : la détection des populations ; la protection plus forte et adaptée des zones où le loup est aujourd'hui absent ; s'agissant du front de colonisation du loup et du niveau d'acceptation de la croissance de sa population, une politique de tirs de prélèvement plus planifiée et plus territorialisée afin que ces tirs concernent les zones les plus soumises à la prédation des loups – il me semble que c'est important – ; les réflexions sur le statut des chiens de protection, qui sont généralement des chiens patous, sinon les agriculteurs sont exposés à des risques juridiques ; les réflexions concernant les relations avec les éleveurs victimes d'attaques et la simplification des démarches afin de dégager également des moyens dans ce domaine. J'ajoute que le président de la République a déclaré qu'une seconde brigade mobile d'intervention pour les loups serait créée pour les Pyrénées et le Massif central, l'idée étant de redonner également des moyens aux Alpes.

Enfin, vous avez abordé un dernier point : le travail de dialogue entamé avec mes collègues européens doit se poursuivre afin de réexaminer le statut du loup, puisque sa population est désormais hors de danger d'extinction. Cette question doit être reposée calmement.

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