Question de M. MILON Alain (Vaucluse - Les Républicains) publiée le 14/07/2022

M. Alain Milon demande à M. le ministre de la santé et de la prévention sur les difficultés rencontrées quant à la mise en œuvre effective de l'assistance médicale à la procréation. La loi n° 2021-1017 relative à la bioéthique du 2 août 2021 a ouvert l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes célibataires et a institué la possibilité de congeler leurs gamètes sans motif médical. Ce droit très attendu s'avère difficile à mettre en œuvre. En effet, le code de la santé publique réserve le droit de procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes aux seuls établissements publics de santé ou les établissements de santé privés à but non lucratif habilités. Or, l'ouverture des techniques d'assistance médicale à la procréation à toutes les femmes génère une forte augmentation de l'activité médicale. Elle accroît le nombre de demandes de sperme et une pénurie de dons de gamètes est redoutée, principalement causée par la levée partielle de l'anonymat des donneurs. De ce fait, les centres d'assistance médicale à la procréation risqueraient de ne plus être en mesure de satisfaire l'ensemble des demandes et, d'ores et déjà, les délais d'attente de prise en charge des patientes ont largement augmenté, faute de moyens supplémentaires. Certes, l'article L. 2141-12 du code de la santé publique prévoit que « par dérogation, si aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif n'assure ces activités dans un département, le directeur de l'agence régionale de santé peut autoriser un établissement de santé privé à but lucratif à les pratiquer », sous certaines conditions. Cela ne répond nullement aux besoins liés à l'afflux de demandes. Il souhaite savoir comment il pense remédier à cette situation et rendre ce nouveau droit efficient. Il l'interroge sur la possibilité d'élargir, en supprimant la condition dérogatoire, aux établissements de santé privés à but lucratif le droit de pratiquer prélèvement, recueil et conservation de gamètes en leur imposant les mêmes contraintes et obligations qu'aux autres établissements ; il lui demande également si l'on pourrait raisonnablement envisager l'importation de gamètes ou tissus germinaux qui pourrait être une solution à la pénurie de donneurs ou donneuses. Ces différentes mesures contribueraient à faire des droits contenus dans la loi relative à la bioéthique du 2 août 2021 des droits de plein exercice.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées publiée le 13/01/2023

Réponse apportée en séance publique le 12/01/2023

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, auteur de la question n° 061, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Alain Milon. La loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a ouvert l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes célibataires et a institué la possibilité de congeler leurs gamètes sans motif médical.

Ce droit très attendu s'avère difficile à mettre en œuvre.

En effet, le code de la santé publique réserve le droit de procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes aux seuls établissements publics de santé et établissements de santé privés à but non lucratif habilités.

L'ouverture des techniques d'AMP à toutes les femmes entraîne une forte augmentation de l'activité médicale, et tant mieux ! Elle accroît le nombre de demandes de sperme et une pénurie de dons de gamètes est redoutée, principalement causée par la levée partielle de l'anonymat des donneurs.

De ce fait, les centres d'AMP risquent de ne plus être en mesure de satisfaire l'ensemble des demandes et, d'ores et déjà, les délais d'attente pour la prise en charge des patientes ont largement augmenté, faute de moyens supplémentaires.

Certes, l'article L. 2141-12 du code de la santé publique prévoit que, « par dérogation, si aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif n'assure ces activités dans un département, le directeur de l'agence régionale de santé peut autoriser un établissement de santé privé à but lucratif à les pratiquer », sous certaines conditions. Mais cela ne répond nullement aux besoins liés à l'afflux de demandes.

J'aimerais savoir s'il existe une possibilité d'élargir aux établissements de santé privés à but lucratif, en supprimant la condition dérogatoire, le droit de pratiquer prélèvement, recueil et conservation de gamètes, en leur imposant évidemment les mêmes contraintes et obligations qu'aux autres établissements.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Milon, le ministre de la santé, François Braun, regrette de ne pouvoir être présent ce matin. Il m'a priée de vous fournir les éléments de réponse suivants.

La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique étend l'accès de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées. C'est une avancée sociétale majeure.

Le nombre de demandes émanant de couples de femmes et de femmes non mariées se situe à un niveau très supérieur à ce qui avait été anticipé. Sur le premier semestre 2022, plus de 9 000 demandes ont été enregistrées, alors que l'hypothèse la plus haute envisagée dans l'étude d'impact de la loi s'établissait à 4 000.

Le stock de gamètes fait l'objet d'enquêtes régulières de l'Agence de biomédecine, tout comme le niveau d'activité, les délais de prise en charge et les moyens engagés. Il n'y a, à ce jour, aucune pénurie de spermatozoïdes à déplorer, le nombre de donneurs continuant à s'accroître, à la faveur notamment des campagnes de sensibilisation.

Le Gouvernement a par ailleurs mis en place un financement exceptionnel en aide à la contractualisation de 7,3 millions d'euros en 2021 à destination des centres, pour leur permettre de faire face à l'afflux de demandes. Cet accompagnement financier s'est poursuivi en 2022 et il est pérennisé en 2023 sous la forme d'une mission d'intérêt général AMP.

Ces mesures ont permis de limiter la hausse des délais d'accès à une AMP, ceux-ci étant passés à 13,8 mois fin juin 2022, contre 12 mois en décembre 2021. J'ajoute que le Gouvernement lance actuellement des concertations pour optimiser l'offre, à législation constante, et réduire les délais d'attente.

En ce qui concerne la place du secteur privé lucratif, je rappelle que la structuration du secteur de l'AMP est fondée sur le régime de la gratuité et du volontariat du don. Seuls les établissements publics ou privés non lucratifs peuvent être autorisés à pratiquer le don de gamètes ou d'embryons. Il en est de même pour l'activité d'autoconservation sans motif médical.

Doit-on faire évoluer cette législation ? La question peut se poser, mais il faudra conserver le régime de la gratuité et du volontariat.

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