Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 07/07/2022

M. Pierre Charon attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche concernant le référé de la Cour des comptes sur la gestion du haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.

Créé en 2013, le haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) a été transformé en autorité publique indépendante par la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
Cet établissement est chargé d'évaluer l'ensemble des structures relevant de l'enseignement supérieur et de la recherche.

À l'issue du contrôle de ses comptes et de sa gestion pour la période 2014-2020, la Cour pose la question de l'utilité de cet établissement dont « les rapports d'évaluation, dont le champ est particulièrement large et les procédures particulièrement longues, contribuent de façon marginale à l'élaboration ou la mise à jour des politiques nationales. »

De plus, ne disposant pas d'une comptabilité analytique, le Hcéres ne peut suivre avec précision les coûts induits par chaque évaluation !

Doté d'un budget de plus de 20 millions d'euros, le Hcéres a vu ses moyens financiers progresser de près de 20 % depuis sa création.

À la différence d'autres établissements soumis à la contrainte budgétaire, les magistrats notent « qu'aucun effort de maîtrise de la dépense n'a réellement été entrepris depuis sa création. Entre 2014 et 2019, les effectifs des personnels techniques et administratifs ont progressé de 45 % et les dépenses de personnel de 40 %. Le Hcéres a en outre recruté, sans offrir toutes les garanties de transparence, 3 788 collaborateurs extérieurs pour l'année 2019 (soit une progression de 14,7 % sur la période). La majorité des intervenants est indemnisée en contrepartie des évaluations réalisées quand d'autres, tels les conseillers scientifiques, sont en tout ou partie mis à disposition par leur établissement et bénéficient d'une indemnité annuelle d'un montant moyen de 9 200 euros. »

Dans ce contexte, la gestion du haut conseil suscite des interrogations, qu'il s'agisse de la dérive des frais de déplacement, en hausse de 15 % sur la période ou du généreux dispositif d'action sociale qui, bien que sui generis, s'ajoute à celui du ministère.

De plus la Cour constate que « les procédures internes et le respect des dispositions réglementaires concernant les achats manquent de rigueur ! »

Les magistrats terminent leur rapport d'inspection en déclarant : « Dans tous les cas, il convient de sortir d'une situation dans laquelle le Hcéres est arrivé en limite de capacité. Les établissements vivent dans l'ignorance des coûts réels et le ministère subvient, en aveugle, aux besoins de tous. »

Il lui demande les dispositions qu'il envisage pour répondre à ce très sévère diagnostic des magistrats de la Cour des comptes et l'utilité du maintien au Hcéres de son statut d'autorité publique indépendante créé en décembre 2020.

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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 06/10/2022

Dans un référé de mai 2021, la Cour des comptes a attiré l'attention du Gouvernement sur un certain nombre d'enjeux liés à la gestion du Hcéres et à l'évolution souhaitable de son organisation. L'évaluation par les pairs est au fondement de l'organisation des systèmes d'enseignement supérieur et de recherche ; elle se déploie dans de nombreux domaines : qu'il s'agisse de rendre compte de l'activité des enseignants et des chercheurs, d'évaluer les projets de recherche ou l'intérêt des productions scientifiques. C'est pourquoi les pouvoirs publics ont souhaité, il y a une quinzaine d'années, incarner dans des processus d'évaluation aux meilleurs standards internationaux et dans une institution indépendante, l'AERES devenue depuis Hcéres, ce souci de rendre compte de la qualité de nos formations, de nos recherches, de nos établissements. Ce modèle d'évaluation par les pairs emporte une forte exigence, associée de contraintes, permettant au Hcéres de jouer son rôle quant à l'évaluation des résultats de notre système d'enseignement supérieur et de recherche et fournir des éléments d'information nécessaires à l'allocation des moyens publics aux établissements. Les propositions de la Cour recoupent les préoccupations du Gouvernement et les orientations de la gouvernance du Hcéres mise en place fin 2020 : la coordination des instances d'évaluation : il existe en effet plusieurs instances, dont la Commission des titres d'ingénieur et la Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion, dont les missions recoupent pour partie celles du Hcéres. C'est la raison pour laquelle la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche a prévu de renforcer le rôle de coordination confié au Hcéres ; la granularité à laquelle se pratique l'évaluation des formations, des entités de recherche et des établissements : pour ancrer l'évaluation dans les pratiques, l'évaluation a été conduite depuis un certain nombre d'années avec une approche systématique, qui a pu contraindre les capacités d'action du Hcéres en traitant des milliers d'entités, considérées par vagues annuelles. La nouvelle équipe de direction du Hcéres, en lien avec les parties prenantes, travaille à une approche reposant sur davantage de discernement, permettant plus d'agilité et une plus grande efficience ; des enquêtes nationales sur des thématiques : cette recommandation est d'ores et déjà en partie mise en oeuvre, dans le cadre de travaux sur les recherches dans les domaines de l'archéologie ou des mathématiques ; l'intégration de l'Office français de l'intégrité scientifique : la loi de programmation précitée a prévu différentes dispositions relatives à l'intégrité scientifique et a consolidé le rôle du Hcéres en la matière. Cela fait partie des priorités de la nouvelle gouvernance ; la restructuration de l'organisation interne : la Cour a formulé des recommandations sur la configuration des départements d'évaluation au sein du Hcéres. Le Collège du Hcéres du 1er mars 2021 a réformé l'organisation avec un nouveau Département d'évaluation des établissements, qui se consacre aux universités et aux écoles, et un Département d'évaluation des organismes, qui traite des organismes de recherche et de l'articulation entre ceux-ci et les universités ; le développement des ressources propres : une petite partie du budget du Hcéres (3 % à 4 %) provient des contreparties à la réalisation d'évaluations, à l'international ou sur de nouveaux objets comme les infrastructures de transition énergétique ou dans le cadre de démarches volontaires des établissements. Le développement structuré à l'international permettra d'augmenter les ressources propres. Cela ne doit pas amener à méconnaître les caractéristiques de service public de l'évaluation, qui ne sauraient amener à envisager une facturation des prestations aux établissements évalués, en particulier aux universités ; le développement de la dématérialisation : les caractéristiques de l'activité du Hcéres et l'organisation des processus d'évaluation (avec la mobilisation d'un grand nombre d'experts et de nombreuses visites sur le terrain) imposent une charge de traitement administratif très importante pour les déplacements et l'indemnisation de plusieurs milliers d'experts chaque année. Si la révision de l'organisation et des processus permet d'envisager une réduction importante de cette charge, l'autre défi est de progresser dans la dématérialisation des processus administratifs. D'importants investissements ont été réalisés par le Hcéres ces dernières années ; la crise sanitaire de la Covid-19 et les contraintes du confinement et du télétravail ont amené les interlocuteurs du Hcéres à davantage recourir aux flux dématérialisés. Ces efforts de part et d'autre doivent être poursuivis et amplifiés dans la perspective d'une dématérialisation complète des procédures. La Cour appelle de ses vœux une « remise en ordre » de la gestion et de l'organisation du Hcéres. Une partie des points soulevés semble toutefois nécessiter les précisions suivantes : l'augmentation des dépenses dans la durée est ainsi largement liée à l'évolution du périmètre du Hcéres, avec en particulier l'intégration de l'Observatoire des sciences et techniques en 2015 ; le format des vagues d'évaluation successives entraîne par ailleurs des fluctuations importantes d'une année sur l'autre, à la hausse ou à la baisse ; les milliers de recrutements dont il est fait état dans le rapport correspondent à la mobilisation parfois très ponctuelle d'experts extérieurs, indispensables à la mission d'évaluation, qui sont indemnisés par le biais de la paie ; le régime propre d'action sociale représente un peu moins de 0,1% de la masse salariale. Enfin, il apparaît que la transformation que la Cour appelait de ses vœux est à l'œuvre : au-delà du président et, bien entendu, à son initiative, l'équipe de direction du Hcéres a été en grande partie renouvelée ; comme évoqué supra, l'organisation interne a d'ores et déjà été en partie revue ; les processus d'évaluation sont en cours d'évolution, avec prise d'effet dès la vague d'évaluations en cours ; enfin, le passage au statut d'autorité publique indépendante (API), prévu par la loi de programmation de la recherche à l'échéance du 1er janvier 2022, a été préparé de façon très intense, avec la mise en œuvre d'une réflexion interne systématique sur la façon dont l'ensemble des fonctions supports étaient opérées et sur les scénarios de transformation. Le passage à l'API a certes entraîné un certain nombre de dépenses, comme le prévoyait la Cour, mais a constitué aussi une opportunité pour une révision organisationnelle d'ampleur, en lien avec la révision des processus d'évaluation, permettant de répondre à un certain nombre de préoccupations de la Cour des comptes, en termes de connaissance et de maîtrise des coûts par exemple : dans le nouveau cadre budgétaire et comptable, le Hcéres pourra ainsi développer une comptabilité analytique, telle que demandée par la Cour.

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