Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 14/07/2022

M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur les réseaux de sous-traitance mafieux qui gangrènent le chantier du village des athlètes de Saint-Ouen en vue des Jeux olympiques (JO) 2024.

Si les Jeux olympiques véhiculent des valeurs de respect et constituent un parfait moyen d'interconnaissance entre les peuples, les Jeux olympiques de Paris 2024 pourraient également être synonyme d'exploitation de travailleurs sans-papiers par des réseaux mafieux. En effet, après la découverte de travailleurs sans-papiers sur le chantier du village des athlètes de Saint-Ouen, le parquet de Bobigny a ouvert une enquête pour trois motifs divers, à savoir « recours au travail dissimulé », « emploi d'étrangers sans titre » ainsi qu'« exécution en bande organisée d'un travail dissimulé ».

Cette situation traduit assez bien les risques pouvant émaner d'une sous-traitance excessive de certaines entreprises de construction chargées de réaliser les infrastructures nécessaires au bon déroulement de la compétition internationale. Le système de gestion en arborescence du chantier, causée par une sous-traitance excessive, contribue à un manque de transparence évident facilitant considérablement la tâche des réseaux d'exploitation des sans-papiers. Loin d'être une pratique isolée, la mise en place d'un conglomérat opaque d'entreprises sous-traitantes constitue même un invariant méthodologique des réseaux illégaux sur les chantiers présentant des irrégularités. Le mode opératoire utilisé par ces réseaux est assez récurrent. Ces derniers recrutent dans une même communauté de ressortissants sans-papiers, ce qui permet l'enrôlement d'individus dès leur arrivée, et choisissent un prête-nom au sein de cette dernière pour déclarer la société. S'ajoutent à cela des conditions de travail désastreuses ainsi qu'une fraude quasi-systématique aux cotisations sociales pouvant atteindre des montants tout à fait considérables, estimés à 6 ou 8 millions d'euros dans notre cas.

La façon d'endiguer ces réseaux d'exploitation d'individus en situation précaire est pourtant simple et évidente, ce n'est autre que la régularisation des travailleurs sans-papiers. La France et son Gouvernement ne peuvent rester insensibles et inactifs face à cette situation des plus insupportables. Plus qu'un problème d'irrégularité sur un chantier, cette affaire traduit les failles d'un système. Il en va donc de la responsabilité de la France de montrer aux yeux du monde que l'organisation d'événements sportifs de grande ampleur ne doit pas être incompatible avec le respect des valeurs et des droits humains fondamentaux qui, en théorie, devraient constituer l'essence de la République française.

Il demande donc au Gouvernement de déployer les moyens nécessaires pour mettre en place une vigilance accrue concernant les droits des travailleurs employés sur les chantiers des JO 2024, mais aussi pour mettre un terme au système mafieux d'exploitation mis en place, ainsi que la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers présents sur ces chantiers en attendant les conclusions de l'enquête du parquet de Bobigny.

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Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 05/01/2023

Des moyens importants sont mis en œuvre par la direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) Ile-de-France pour contrôler les situations de recours au travail d'étrangers sans titre, dans ce contexte particulier, avec la mobilisation : d'une part, de l'unité régionale d'appui et de contrôle des grands chantiers (URACGC) : créée en novembre 2019, et comptant aujourd'hui 8 agents. Cette unité de contrôle est compétente exclusivement sur les chantiers du Grand Paris express et des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) 2024. On dénombre à fin septembre 2022, près de 550 interventions des agents de l'URACGC sur les chantiers des JOP 2024 depuis sa création. d'autre part, de l'unité régionale d'appui et de contrôle en matière de travail illégal (URACTI). Les agents de cette unité de contrôle à compétence spécialisée ne traitent que des sujets liés à la lutte contre le travail illégal dont l'emploi de travailleurs sans papiers et la fraude au détachement. Des contrôles réguliers sont menés conjointement par les agents de ces unités. En particulier, un contrôle d'ampleur a été initié le 25 mars 2022 portant spécifiquement sur la situation de travailleurs étrangers sans titre. Sur la soixantaine de salariés dont la situation a été contrôlée, une dizaine était en situation irrégulière. L'infraction était commise par un réseau d'une quinzaine d'entreprises. Des investigations conséquentes et des coopérations avec l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), les banques et le parquet sont nécessaires pour voir aboutir ce dossier qui représente un montant de près de 9,5 millions d'euros de fraudes sociales. D'autres contrôles ont été organisés, d'avril à juin 2022, permettant d'examiner la situation de quelques 150 salariés. La mobilisation des inspecteurs du travail sur le champ de la lutte contre le travail illégal et en particulier sur les questions d'emploi d'étrangers sans titre a vocation à s'accroître, au moment où les chantiers entreront massivement en phase de second œuvre. Elle se traduira par : Une présence hebdomadaire d'agents de contrôle sur les chantiers sur ce thème ; Un contrôle approfondi en matière de lutte contre le travail illégal chaque mois ; Une opération « coup de poing » avant la fin de l'année 2022, impliquant un nombre important d'agents de contrôle. En complément des actions de contrôle, la DRIEETS a engagé des actions de sensibilisation des maîtres d'ouvrages. Ainsi une réunion au plus haut niveau des maîtres d'ouvrage a été organisée le 21 juin 2022 : pour rappeler les enjeux en termes d'application du droit du travail et d'exemplarité des JOP 2024 ; pour rappeler la réglementation applicable en matière de travail illégal et dispenser des conseils aux maîtres d'ouvrage sur la prévention de ces situations ; pour la SOLIDEO, dans son rôle de pilotage de la livraison des ouvrages, de rappeler ses attentes vis-à-vis des maîtres d'ouvrage, étant précisé que la SOLIDEO entend que soient renforcés les contrôles internes sur le sujet. Enfin l'administration, et en particulier la DRIEETS, est particulièrement attentive aux signalements qui lui sont adressés en matière d'emploi d'étrangers sans titre et s'appuie sur ces signalements pour la définition de ses actions de contrôle.

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