Question de Mme GRÉAUME Michelle (Nord - CRCE) publiée le 14/07/2022

Mme Michelle Gréaume attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation du tribunal judiciaire de Lille.
Comme dans de nombreuses autres juridictions, les magistrats, agents du greffe et agents contractuels du tribunal judiciaire de Lille ont à de multiples reprises dénoncé le manque de moyens humains et financiers ainsi que leur profond mal être au travail et la perte de sens de leurs métiers.
Une situation telle qui ne leur permet plus aujourd'hui de rendre une justice de qualité, dans des délais respectables, malgré tous leurs efforts et leur engagement constant.
Les différentes informations et données chiffrées qu'ils avancent témoignent d'un dysfonctionnement et d'un engorgement profonds qui touchent toutes les chambres et dégradent, au-delà de l'acceptable, leurs conditions de travail.
À l'évidence l'augmentation des derniers budgets ne sont de nature à effacer des années d'austérité et à rattraper les retards accumulés par notre système judiciaire de plus en plus dépendant de logiques comptables et financières.
La France est toujours un des pays européens qui accorde le moins de moyens à la justice au regard de sa population : 69 € par habitants contre 131 pour l'Allemagne par exemple. Si notre pays s'alignait sur la médiane des pays européens, le parquet de Lille compterait 138 magistrats contre 38 actuellement, le tribunal judiciaire de Lille 220 juges contre 87 et le nombre de greffiers et fonctionnaires serait de 739 contre 335 actuellement.
Ces quelques chiffres donnent la mesure des efforts qu'il conviendrait de fournir en termes de recrutement, le recours aux contractuels au demeurant mal formés, mal rémunérés, au statut précaire, ne pouvant pallier les vacances de postes de magistrats, greffiers et fonctionnaires.
Les conséquences pour les justiciables sont connues et hypothèquent le rétablissement de la confiance entre les citoyens et un des piliers essentiels de notre République. La lenteur et la longueur des procédures sont d'ailleurs les principaux reproches faits par les Français à la justice, selon un sondage publié par la commission des lois du Sénat.
Face à cette situation, à l'absence d'écoute et de prise en considération de leurs attentes, les magistrats, agents du greffe et agents contractuels du tribunal judiciaire de Lille ont pris la décision en début d'année de constater « une impossibilité de faire judiciaire ». Celle -ci se traduit notamment par : la limitation de la durée des audiences à 6 heures, hors cas d'urgence, dans le respect strict de la jurisprudence européenne et des instructions des chefs de cour. Toutes les affaires non étudiées dans cet horaire étant renvoyées à des dates ultérieures ; la réduction au strict minimum des tâches obligatoires non essentielles aux justiciables.
Chacun peut mesurer la portée et les conséquences de ces décisions graves et solennelles qui ne peuvent rester sans réponses et décisions de l'État.
En conséquence elle lui demande quels moyens humains et financiers supplémentaires il compte débloquer pour répondre aux attentes des professionnels et personnes du tribunal judiciaire de Lille comme des autres juridictions et garantir la qualité du service public de la justice.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 17/11/2022

Avec une enveloppe budgétaire sans précédent de 9,6 milliards d'euros, le ministère de la Justice bénéficiera en 2023 d'une nouvelle augmentation de son budget de +8 % suivant les deux précédentes hausses de +8% déjà accordées en 2022 et 2021. Ce sont ainsi 710 millions d'euros supplémentaires qui viendront abonder en 2023 le service public de la Justice. Ce sont en effet 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires qui ont été accordés sur trois budgets consécutifs, passant ainsi de 7,6 milliards d'euros en 2021 à 9,6 milliards d'euros en 2023, soit une hausse inédite de +26% du budget de la justice en trois ans et de plus de 40% depuis 2017. Dans la continuité des conclusions des Etats généraux de la Justice, ces moyens permettront de renforcer les effectifs, les conditions de travail des agents et la qualité du service rendu, mais également, de poursuivre les chantiers déjà amorcés, notamment les programmes immobiliers judiciaires et pénitentiaires initiés par le Président de la République, et le développement des projets numériques. La justice ne pouvant fonctionner sans des femmes et des hommes œuvrant quotidiennement à son service, ce sont 10 000 emplois supplémentaires qui seront créés d'ici 2027, soit une hausse de 11% en cinq ans, au service, entre autres, du renfort des effectifs en juridictions, de l'armement des nouveaux établissements pénitentiaires et des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Le ministère de la Justice bénéficiera de la création de 1 500 postes de magistrats et d'au moins de 1 500 postes de greffiers. S'agissant plus particulièrement des effectifs de magistrats du tribunal judiciaire de Lille, l'activité à laquelle doit faire face la juridiction a justifié l'octroi de moyens supplémentaires en 2022 puisque la circulaire de localisation des emplois (CLE), qui fixe chaque année le nombre de postes nécessaire au fonctionnement de chaque cour d'appel et tribunal judiciaire, a connu une évolution positive et considérable à hauteur de 7 postes créés, répartis comme suit : deux postes de vice-président, un poste de juge d'instruction alloué au titre de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) spécialisée en matière de lutte contre la criminalité organisée et la grande délinquance économique et financière, un poste de juge des enfants et trois postes de substituts du procureur de la République. La CLE 2021 avait déjà renforcé le tribunal judiciaire de Lille à hauteur de 5 postes, dont 3 au siège et 2 au parquet. C'est ainsi que le nombre total de postes localisés est passé de 130 en 2020 à 142 en 2022, dont 100 au siège et 42 au parquet. S'agissant des effectifs réels en juridiction, au 1er septembre, les effectifs de magistrats du siège connaisse quatre vacances supportées par le tribunal pour enfants, le service de l'instruction et celui du siège non spécialisé. Quant aux effectifs du parquet, ils connaissent une vacance. Ces vacances s'expliquent notamment par le calendrier des transparences puisqu'aucun mouvement n'est intervenu depuis la publication, dans le courant de l'été, de la CLE 2022 emportant création de postes supplémentaires. Néanmoins, la direction des services judiciaires veillera à pourvoir ces postes dès que la configuration des mobilités le permettra et dans la pleine mesure des candidatures exprimées, particulièrement s'agissant des postes d'encadrement intermédiaire dont les profils des candidats font l'objet d'une attention renforcée. Par ailleurs, Monsieur le premier président de la cour d'appel de Douai et Monsieur le procureur général près ladite cour disposent respectivement de 17 et 12 magistrats placés afin de renforcer les effectifs des tribunaux judiciaires du ressort et notamment ceux du tribunal judiciaire de Lille. Au-delà des effectifs de magistrats, les juridictions sont soutenues dans leur capacité de jugement par le renforcement de l'équipe autour des magistrats. Le tribunal judiciaire de Lille dispose ainsi de 18 juristes assistants dont 11 recrutés au titre de la justice de proximité, ainsi que de 6 assistants spécialisés. Ces emplois ont depuis été pérennisés. Un poste d'assistant spécialisé en matière économique et financière affecté au parquet de la JIRS est vacant et en cours de remplacement. Les actions de ces agents, tant en matière civile que pénale, améliorent au quotidien la qualité et l'efficacité de l'action de l'institution judiciaire. Les effectifs de la cour d'appel de Douai et particulièrement ceux du tribunal judiciaire de Lille continueront de faire l'objet d'une attention toute particulière de la direction des services judiciaires.

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