Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 14/07/2022

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'absence de soins spécialisés en prison et les conséquences en termes de pertes de chance.
Dans un récent rapport, l'Observatoire international des prisons (OIP) dénonce la double peine subie par les détenus malades alors que le principe d'égalité des soins entre personnes détenues et population générale est inscrit dans la loi depuis 1994.
Pourtant, l'accès aux soins spécialisés en particulier (ophtalmologiste, kinésithérapeuthe, dentiste, dermatologue, etc.) s'avère souvent compliqué, parfois même impossible. En cause, les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous à l'unité sanitaire, l'annulation fréquente des extractions médicales programmées au centre hospitalier de rattachement, les conditions d'extraction particulièrement dissuasives, souvent indignes et non respectueuses du secret médical.
À l'origine de ces dysfonctionnements, il y aurait d'abord une offre de soins réduite due à un manque de personnel et des conditions matérielles difficiles pour les soignants comme pour leurs patients : locaux inadaptés et mal équipés, contraintes logistiques liées à l'univers carcéral, logiques sécuritaires qui mettent à mal la prise en charge et le suivi médical, faible recours aux permissions de sortir permettant de se soigner à l'extérieur dans de bonnes conditions...
De difficiles pour l'ensemble de la population carcérale, ces conditions deviennent insoutenables pour les personnes détenues atteintes de pathologies chroniques, de longues maladies, de handicap ou les personnes âgées dépendantes, de plus en plus nombreuses en prison.
Considérant que la loi autorise à priver de liberté des personnes mais pas de l'accès aux soins, il lui demande de lui préciser ses intentions en la matière afin d'améliorer la prise en charge sanitaire en détention, de garantir la possibilité d'accéder à des soins dans des conditions respectueuses des droits et de la dignité à l'extérieur de la prison et de permettre une libération des personnes dont l'état de santé est incompatible avec la détention.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 29/12/2022

Depuis la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, la prise en charge sanitaire des personnes détenues relève de la compétence exclusive du ministère de la Santé et de la Prévention. Depuis 1994, les personnes détenues bénéficient de soins délivrés par des professionnels hospitaliers (médecins, dentistes, psychologues, infirmiers, etc.), tant au sein des établissements pénitentiaires que dans les établissements publics de santé lors des consultations d'urgence, des consultations spécialisées et, le cas échéant, des hospitalisations. Des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) ont ainsi été créées et développées depuis 1994 dans chaque établissement pénitentiaire, hors centres de semi-liberté. L'organisation des soins repose sur deux dispositifs, l'un pour les soins somatiques, le second pour les soins psychiatriques, organisés en trois niveaux. Les soins de niveau 1 sont réalisés au sein de l'USMP. Le dispositif de soins somatiques (DSS) assure l'ensemble des consultations de médecine générale et de spécialités, dont les consultations dentaires et les prestations pouvant découler de celles-ci (prescription de prothèses, etc.). En outre, le dispositif de soins psychiatriques (DSP) est en charge de l'ensemble des consultations, des entretiens et des activités thérapeutiques de groupe (dont l'activité de centre d'accueil thérapeutique à temps partiel). Les soins de niveau 2 sont, soit réalisés au sein de l'établissement hospitalier de rattachement pour les soins somatiques, soit au sein des USMP pour les soins psychiatriques par le dispositif de soins psychiatriques ou par l'un des 27 services médico-psychologiques régionaux (SMPR), ayant une vocation de coordination et une compétence régionale. Enfin, les soins de niveau 3 sont réalisés au sein des établissements de santé, avec pour les soins somatiques, des chambres sécurisées au sein des établissements de santé de rattachement. Ces dernières hébergent les personnes détenues hospitalisées pour une courte durée (inférieure à 48 heures) et pour la réalisation de soins non programmés. Les soins somatiques se font également au sein des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), qui organisent les hospitalisations programmées des établissements pénitentiaires relevant de leur zone de compétence, ainsi que les suites d'hospitalisations urgentes, les hospitalisations urgentes des détenus dans l'établissement pénitentiaire de la ville siège de l'UHSI. Les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) assurent les hospitalisations de détenus présentant un trouble de santé mental, avec ou sans consentement. Elles offrent une capacité de 440 places réparties dans 9 établissements : à Bron (Rhône), Toulouse (Haute-Garonne), Laxou (Meurthe-et-Moselle), Fleury-les-Aubrais (Loiret), Villejuif (Val-de-Marne), Seclin (Nord), Rennes (Ille-et-Vilaine), Cadillac (Gironde) et Marseille (Bouches-du-Rhône). Par ailleurs, l'action n° 15 de la feuille de route Santé des PPSMJ consiste à « Améliorer l'accès aux soins par la télémédecine ». Afin de mener à bien cette action, la DAP et la DGOS ont décidé de créer et porter conjointement le projet « Déploiement de la télésanté en milieu pénitentiaire » : un chef de projet a été recruté par les deux ministères et un financement est prévu à 50 % par chacun d'eux. En cours, le projet consiste en une série d'audits de sécurité informatique entre les réseaux des hôpitaux et des établissements pénitentiaires, ainsi que d'audits de câblage et d'offre de catalogue de télésanté par les hôpitaux. En outre, dans la continuité du lancement de la stratégie santé des PPSMJ en avril 2017 par le ministre de la Santé et de la Prévention, dès la fin d'année 2017, une équipe projet a mis en place des groupes de travail interministériels entre ce dernier et le ministère de la justice. Après détermination des mesures de la stratégie à mettre en œuvre en priorité, la feuille de route 2019-2022 santé des PPSMJ, a constitué l'aboutissement de ce premier travail. Le bilan fait apparaître une réalisation aux trois quarts de la feuille de route, du fait d'une forte mobilisation des administrations centrales concernées, d'une collaboration soutenue avec les agences régionales de santé (ARS) et les services déconcentrés de la DAP, de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), et de partenariats actifs notamment avec la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), la Fédération Addictions, la Fédération nationale d'éducation de promotion de la santé (FNES), ainsi qu'avec l'Association des professionnels de santé exerçant en prison (APSEP) et l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP). Le bilan de la feuille de route 2019-2022 permet de préparer la prochaine pour les années à venir. Des réunions du comité de suivi et de groupes de travail ont, d'ores et déjà, eu lieu et se poursuivent afin d'aboutir à la signature d'une nouvelle feuille de route début 2023 pour 2023-2028.

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