Question de Mme GRÉAUME Michelle (Nord - CRCE) publiée le 14/07/2022

Mme Michelle Gréaume attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), particulièrement après les révélations sur les pratiques des établissements privés du groupe Orpea.

Les révélations du livre « Les fossoyeurs » confirment les craintes exprimées depuis de nombreuses années par les familles des bénéficiaires, les syndicats et les salariés sur les dérives lucratives des EHPAD inscrits dans un objectif de rentabilité. D'ailleurs, les agences régionales de santé (ARS) qui les gèrent, prônent la performance, « l'efficience dans la dépense ».

Le secteur de la dépendance est également devenu un placement recherché par de grands groupes financiers internationaux qui se ruent sur « l'or gris ».
Cette gestion technocratique, comptable de l'humain dépendant n'est pas digne, et ses conséquences sont désastreuses : sous-effectif constant, rationalisation de chaque dépense, souffrance au travail du personnel soignant et accompagnant, qui se répercute sur les personnes âgées comme sur les familles.

En mai 2021 déjà, un rapport du défenseur des droits sur les droits fondamentaux des personnes âgées dans les EHPAD faisait état de 900 réclamations recueillies en 6 ans, réclamations attentatoires au respect de la dignité et de l'intégrité des personnes hébergées. Ce rapport présentait en outre 64 recommandations visant à améliorer la prise en charge et garantir les droits des personnes. Désormais, des centaines de familles se sont exprimées et ont porté plainte contre les EHPAD privés des groupes Orpéa et Korian, refusant de laisser certaines pratiques impunies.

Notre société ne peut accepter que nos aînés fassent l'objet d'économies, qu'ils soient traités comme une charge dont il faut réduire le coût à tout prix ou comme une source de profits.
Devant l'ampleur du scandale, le Gouvernement a enfin annoncé que les contrôles sur les EHPAD privés allaient être renforcés, sans évoquer leur objectif. Il est impératif de s'autoriser à refuser l'agrément à des établissements dont le modèle économique est axé sur la rentabilité, au profit d'EHPAD publics ou associatifs, à but non lucratif. Ou même, en étant plus audacieux, d'interdire les EHPAD à but lucratif.

Ces établissements remplissent une mission de service public et doivent en avoir les moyens. C'est une question de respect pour nos aînés, pour leurs familles, et évidemment pour les salariés qui regrettent, malgré leurs efforts au quotidien, une maltraitance institutionnelle.

C'est la raison pour laquelle elle l'interroge sur l'objectif des contrôles annoncés, et souhaite connaître l'ambition à plus long terme du Gouvernement en faveur du grand âge et de la dépendance.

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Transmise au Ministère du travail, de la santé et des solidarités


Réponse du Ministère du travail, de la santé et des solidarités publiée le 14/03/2024

Début février 2022, le Gouvernement a demandé à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF) de réaliser une mission d'inspection conjointe relative à la gestion des Etablissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) du groupe Orpéa. Par ailleurs, il a annoncé, le 8 mars 2022, des mesures relatives à la politique du grand âge, fondées sur le bien vieillir, tant à domicile qu'en EHPAD. Dans ce cadre, le Gouvernement a également annoncé le lancement d'un plan national d'inspection et de contrôle des 7 500 EHPAD de France en deux ans, à mener par les Agences régionales de santé (ARS). Cette nouvelle Orientation nationale d'inspection–contrôle (ONIC) tire les conséquences des carences récemment constatées dans certains EHPAD. Afin de mettre en oeuvre cette ONIC, les ARS ont vu augmenter leur plafond d'emploi à hauteur de 120 ETP supplémentaires, dans la limite de 60 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2022 et 120 ETPT en 2023. La répartition de ces 120 ETP a été effectuée en fonction du nombre d'EHPAD sur le territoire. Ces nouvelles recrues ont été affectées au siège de l'ARS comme dans les services régionaux chargés des inspections–contrôles. La programmation du plan de contrôle est établie par chaque ARS à partir d'une démarche d'analyse par les risques permettant d'adapter les modalités du contrôle (sur pièces ou sur place) et le périmètre des investigations. Cette démarche permet de repérer les établissements à risques et d'opérer un classement en fonction de leur degré de criticité. Un bilan du plan de contrôle établi au mois d'octobre 2023 indique que 3 146 EHPAD différents ont été inspectés sur place ou contrôlés sur pièces entre le 1er janvier 2022 et le 30 septembre 2023, soit un taux de réalisation de l'objectif de 42%. L'ensemble des contrôles a conduit au prononcé de 10 944 mesures correctives d'injonction ou de prescription (une inspection pouvant donner lieu à plusieurs injonctions ou prescriptions). Ces mesures correctives font l'objet d'un suivi par les ARS et peuvent, dans le cas des injonctions, aboutir à l'édiction de sanctions administratives, en cas de non mise en oeuvre dans les délais fixés. Ainsi, on comptabilise 18 sanctions administratives prononcées au 30 septembre 2023. Outre ce plan de contrôle, le Gouvernement a complété le corpus législatif et réglementaire applicable aux Etablissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) et notamment aux EHPAD. Ainsi, le décret n° 2022-734 du 28 avril 2022 a précisé diverses mesures d'amélioration de la transparence financière dans la gestion des ESMS mentionnés au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF). Il vient notamment renforcer l'encadrement réglementaire des activités financières pour garantir une meilleure information pour les publics concernés. Il contient par exemple un renforcement de la lisibilité des contrats de séjour et de l'information sur le détail des prix des EHPAD. Également, la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 a défini, notamment dans son article 62, des mesures de renforcement de la transparence financière des ESMS et de leurs gestionnaires ainsi que des pouvoirs de contrôle des Autorités de tarification et de contrôle (ATC), et d'extension de compétence de l'IGAS et de la Cour des comptes sur le contrôle des groupes d'ESMS. La ministre a d'ailleurs diligenté une mission d'inspection sur un premier groupe d'ESMS au titre de cette nouvelle compétence. En application de cette loi, le décret n° 2023-761 du 9 août 2023 relatif aux modalités de mise en oeuvre des astreintes journalières et des sanctions prévues à l'article L. 313-14 du CASF, prononcées par le préfet, le directeur général de l'ARS ou le président du conseil départemental, a été publié au Journal officiel de la République française du 11 août 2023. Le Gouvernement maintient par ailleurs une vigilance accrue sur les EHPAD gérés par des groupes privés lucratifs réalisant des prises de contrôle d'organismes privés titulaires d'autorisation d'exploitation d'EHPAD. Enfin, pour répondre au vieillissement de la population, le Gouvernement s'appuie sur deux leviers. D'une part, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France qui a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale et dont l'examen doit se poursuivre prochainement au Sénat, apporte de nombreuses solutions au défi de l'autonomie. D'autre part, la feuille de route bien vieillir qui s'appuie sur les travaux du Conseil national de la refondation (CNR), a été publiée en novembre. Pluriannuelle et interministérielle, cette feuille de route couvre l'ensemble des volets du bien vieillir avec des mesures concrètes pour assurer la présence des professionnels aux côtés des personnes âgées, simplifier leur quotidien, adapter leur cadre de vie et leur logement, mieux prévenir la perte d'autonomie mais aussi soutenir leurs aidants, valoriser leur place dans la société et lutter contre les maltraitances. Le Gouvernement est ainsi pleinement impliqué pour répondre à la transition démographique et permettre aux personnes de bien vieillir, que ce soit à leur domicile ou en établissement.

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