Question de M. SOL Jean (Pyrénées-Orientales - Les Républicains) publiée le 21/07/2022

M. Jean Sol attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les autopsies judiciaires intervenant à la suite d'accidents mortels de la route.
Les familles de victimes d'accidents mortels de la circulation éprouvent de nombreuses difficultés lorsque le corps fait l'objet d'une autopsie judiciaire et que des organes sont prélevés. En effet, ces organes ne sont pas toujours réintégrés au corps en vue des obsèques, et sont détruits en tant que « déchets anatomiques ».
Pourtant, cette démarche est encadrée par la loi n° 2011 525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit qui vient combler un vide juridique sur cette question des autopsies judiciaires par la création du chapitre IV du titre IV du livre Ier du code de procédure pénale.
Ce dernier, tout en régissant les autopsies judiciaires, prévoit toujours la destruction des prélèvements biologiques, sauf si les familles s'y opposent et lorsque « ces prélèvements constituent les seuls éléments ayant permis l'identification du défunt ».
La restitution des prélèvements biologiques devrait être automatique à la demande des familles et cela même si ces derniers ont constitué les seuls éléments ayant permis l'identification du défunt compte tenu des situations extrêmement douloureuses que cette non restitution impose aux familles déjà endeuillées.
Aussi, considérant le manque d'information évident de la possibilité de prélèvements biologiques lors d'une autopsie judiciaire après un accident mortel de la route par exemple, les familles devraient être informées de leur droit à restitution et cela de façon concrète. Il est en effet indispensable d'informer et d'accompagner les familles dans ces épreuves douloureuses. Un décret d'application dans le but de fixer les contours de cette information pourrait être publié en ce sens.
Enfin, la pratique ayant malheureusement relevé que les autopsies judiciaires sont conservées après les obsèques du défunt sans possibilité accordée aux établissements de pompes funèbres de procéder à leur crémation ou leur inhumation, un décret pourrait en déterminer les conditions pour éviter une énième peine aux proches des victimes.
Ainsi, il lui demande si le nouveau Gouvernement compte se saisir de cette question et de ces propositions au sujet des autopsies judiciaires.

- page 3838


Réponse du Ministère de la justice publiée le 18/05/2023

Les dispositions des articles 230-28 à 230-31 du code de procédure pénale relatifs aux autopsies judiciaires sont issues de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Les travaux parlementaires révèlent que l'introduction de ces articles répondait à une triple préoccupation : - Inscrire dans la loi l'obligation pour les médecins légistes de veiller à ce que la restitution du corps après l'autopsie donne lieu à la meilleure restauration possible ; - Préciser les formations que doivent suivre les médecins légistes pour être habilités à pratiquer une autopsie dans le cadre d'une enquête judiciaire ; - Mettre fin au vide juridique relatif au statut des prélèvements humains réalisés dans le cadre d'une autopsie judiciaire. Aucune restitution d'organes placés sous scellés à l'issue d'une autopsie judiciaire n'était en effet juridiquement possible, les dispositions légales relatives aux « objets » placés sous scellé ne pouvant s'appliquer au regard du principe de non-patrimonialité du corps humain prévu par l'article 16 du code civil. Le dernier alinéa de l'article 230-28 prévoit désormais et sous réserve des nécessités de l'enquête ou de l'information judiciaire, que les proches du défunt sont informés dans les meilleurs délais de la réalisation d'une autopsie judiciaire et de prélèvements biologiques. A ce titre, il convient de noter que la recommandation européenne R (99) 3 sur l'harmonisation des règles en matière d'autopsie médico-légale préconise la réalisation de prélèvements par échantillonnage d'organes, et non la réalisation de prélèvements d'organes entiers. Ces recommandations sont reprises par la Société française de médecine légale. Les dispositions de l'article 230-29 du même code prévoient qu'à l'issue des investigations médico-légales, l'autorité judiciaire délivre dans les meilleurs délais l'autorisation de remise du corps et le permis d'inhumer afin que la famille puisse procéder aux funérailles de leur proche dans les meilleures conditions. L'article 230-30 prévoit la destruction par principe des prélèvements biologiques réalisés lors de l'autopsie judiciaire selon les modalités prévues par l'article R. 1335-11 du code de la santé publique, au terme duquel les pièces anatomiques d'origine humaine destinées à l'abandon sont incinérées. Néanmoins, parce qu'il est essentiel de permettre aux familles de procéder aux funérailles de leurs proches y compris dans les cas où il n'existe pas de corps à restituer, cet article permet lorsque les prélèvements constituent les seuls éléments ayant permis l'identification du défunt, que l'autorité judiciaire puisse, sous réserve des contraintes de santé publique, autoriser leur restitution en vue d'une inhumation ou d'une crémation. Ces dispositions destinées à encadrer au mieux les modalités de restitution des corps des défunts à leurs proches dans les meilleurs délais et conditions, tout en veillant à la préservation des nécessités de l'enquête, nécessitent des déclinaisons réglementaires. L'article 230-29 prévoit en effet qu'une charte des bonnes pratiques informe les familles de leurs droits et devoirs. De même, l'article 230-31 renvoie-il à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application de ces dispositions. Ces deux décrets, élaborés en lien avec les ministères de l'Intérieur et de l'Outre-mer, de la Santé et de la Prévention, et de l'Enseignement supérieur, sont en cours de finalisation et le Conseil d'Etat devrait ainsi être prochainement saisi. La possibilité pour les familles de se voir restituer les prélèvements biologiques lorsque les conditions légales sont remplies sera ainsi rappelée. Enfin, parce qu'il est indispensable d'informer et d'accompagner les familles dans ces épreuves douloureuses, la Délégation interministérielle à l'aide aux victimes a élaboré, sur la base du rapport « Comment améliorer l'annonce des décès ? » d'octobre 2019, une circulaire interministérielle relative à l'annonce des décès. Cette instruction, datée du 2 décembre 2023, définit le cadre général des annonces de décès dans un cadre judiciaire - qu'il s'agisse d'infractions de droit commun ou d'accidents collectifs mais aussi d'accidents de la circulation routière -, et le traitement respectueux du défunt et de ses proches. Ainsi le Gouvernement agit dans l'accompagnement des familles de victimes en cas d'autopsie judiciaire de leur proche défunt, notamment en cas de drame humain tel qu'un accident de la circulation routière.

- page 3259

Page mise à jour le