Question de Mme DURANTON Nicole (Eure - RDPI) publiée le 21/07/2022

Mme Nicole Duranton attire l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères au sujet de l'implication croissante dans les affaires de diplomatie internationale de certaines collectivités territoriales françaises.

En effet, depuis le début de la guerre en Ukraine, nombre de maires revendiquent le droit de porter la voix de leurs villes à l'international. Des maires, présidents d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et élus de l'Eure ont lancé l'initiative de convois humanitaires à destination des Ukrainiens, avec une coordination assurée par le préfet du département.

Cette diplomatie décentralisée tend à devenir de plus en plus incontournable sur les questions climatique et migratoire. Elle salue les maires qui s'engagent de plus en plus sur les sujets internationaux, avec détermination, connaissance des enjeux et engagement.

Le 22 mars 2022, les maires de Kiev, Marioupol, Kharkiv ont échangé avec leurs homologues français, qui les ont assuré de leur soutien tout en promettant de faire passer le message en haut lieu.

Cette « diplomatie des villes », vieille prérogative des communes définie dans le code général des collectivités territoriales, était surtout, depuis la Seconde Guerre mondiale, de générer des jumelages. Le panel d'actions s'est ensuite élargi avec les « coopérations », d'abord nord-sud, puis nord-nord.

Les élus locaux et les fonctionnaires territoriaux responsables des relations internationales venus du monde entier ont été réunis par l'association internationale Cités et gouvernements locaux unis (United Cities and Local Governments, CGLU) lors de la première conférence mondiale organisée sur le thème de la « diplomatie des villes » à La Haye du 11 au 13 juin 2008.

Ainsi, elle souhaiterait savoir comment le Gouvernement envisage d'accompagner, logistiquement et financièrement, et d'encadrer cette nouvelle diplomatie des collectivités locales. Elle lui demande des précisions sur le rôle que les préfets occupent dans les interventions humanitaires des collectivités.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 08/09/2022

Sur le plan juridique, les collectivités territoriales, si elles ne peuvent conclure de traités ou accords internationaux, peuvent toutefois être des acteurs des relations internationales à travers la diplomatie des territoires. Le principe de leur libre administration permet aux collectivités d'entreprendre ou de soutenir des actions extérieures, ceci dans le respect des engagements internationaux de la France (traités, accords, résolutions des Nations unies ou de l'Union européenne…). La loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021 rappelle d'ailleurs le rôle fondamental que jouent les collectivités dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD). Dans ce contexte, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères dispose d'un service dédié à l'accompagnement de l'action internationale des collectivités territoriales françaises dont les principes de coopération respectent les orientations : -    de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD) dont le secrétariat général est assuré par la Délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) et dont l'Agence france développement (AFD) est membre consultatif ; -    du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de novembre 2016, qui a conforté le mandat de l'AFD pour contribuer au financement de l'action extérieure des collectivités territoriales (AECT) françaises dans les pays en développement, en complément de l'action de la DAECT et du CICID du 8 février 2018 qui annonce un doublement des fonds destinés au soutien à l'AECT d'ici 2022, orientation confirmée par la loi 2021-1031 du 4 août 2021 ; -    du Livre Blanc « Diplomatie et territoires » du ministère de l'Europe et des affaires étrangères validé en CNCD en novembre 2016.   1.    Le rôle de la Délégation pour l'Action Extérieure des Collectivités Territoriales (DAECT) Au sein de la Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, l'action du Délégué pour l'action extérieure des collectivités territoriales (circulaire du 26 mai 1983, Premier ministre), s'articule autour de trois activités principales : -    le Délégué assure ex-officio le secrétariat général de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), instance de dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales en matière d'action internationale qui se réunit 2 fois par an ;  -    il assure l'accompagnement, le conseil et le cofinancement des actions de coopération décentralisée ; -    il veille à l'interface entre les priorités de la diplomatie française et l'action extérieure des collectivités territoriales. Il assure notamment l'animation du réseau des Conseillers diplomatiques auprès des Préfets de Région (CPDR).La DAECT, avec l'appui du réseau des CDPR en France et du réseau diplomatique à l'étranger, accompagne, conseille et cofinance les actions de coopérations décentralisées des collectivités territoriales partout dans le monde où ces dernières veulent s'engager. Elle contribue également au soutien des acteurs associatifs issus des collectivités territoriales (associations de collectivités territoriales).  La DAECT dispose pour cela d'un budget qui s'établit à 12,5 M€ pour 2022. Ce budget est en augmentation. En effet, la loi de programmation sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021 consacre (article 1er, IX) le doublement en 2022, par rapport à 2017, des fonds consacrés par l'État au soutien de l'action extérieure des collectivités territoriales. Cette hausse concorde avec l'objectif que s'est fixé l'Etat en matière d'aide publique au développement (APD) : parvenir à 0,55% du revenu national brut en 2022. Le conseil, le plaidoyer et le soutien financier de la DAECT se concentrent sur les thèmes considérés comme les plus porteurs par les collectivités territoriales, qui possèdent une légitimité aux yeux des citoyens et recoupent les priorités de notre diplomatie.  La DAECT mène ainsi une action spécifique d'information et de formation des collectivités territoriales à travers une communication dédiée visant à relayer l'actualité de la coopération décentralisée, les opportunités ainsi que les priorités du ministère, la participation aux évènements des réseaux et associations de collectivités territoriales. La DAECT a aussi une activité de production de ressources spécifiques destinées aux collectivités : guides juridiques et opérationnels, brochures explicatives, séminaires en ligne, etc. Enfin, elle recense l'ensemble des projets de coopération décentralisée à travers le monde au sein de l'Atlas français de la coopération décentralisée (www.cncd.fr). La DAECT coordonne la déclaration des montants d'APD faite par les collectivités territoriales et les analyse à travers des rapports annuels. Les collectivités territoriales françaises ont en effet une place à part en matière d'aide publique au développement. La loi de programmation sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021 comporte plusieurs références à  l'action extérieure des collectivités territoriales, montrant que ces dernières sont pleinement intégrées comme acteurs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, tant au niveau de la conception que dans la mise en œuvre, en complémentarité avec l'action de l'Etat et des autres partenaires. Les montants d'APD déclarés par les collectivités territoriales au titre de 2021 s'élèvent en tout à 126,6M€ (aide aux réfugiés inclue). Le montant de l'APD des collectivités hors aide aux réfugiés est de 54,4M€. Afin de comparer les tendances à périmètre constant, l'APD des collectivités s'élevait à 122M€ en 2020, soit une hausse de 2% et ce malgré la crise de COVID-19 qui a considérablement ralenti les échanges internationaux. 2.    Les outils de la DAECT  Pour accompagner les collectivités et les pousser à s'engager davantage dans la coopération internationale, la DAECT dispose de plusieurs outils : •    Les appels à projetsLancés de manière annuelle, les appels à projets (AAP) en soutien à la coopération décentralisée de la DAECT s'adressent aux collectivités territoriales françaises métropolitaines et ultramarines, ou à leurs groupements, qui mènent des projets dans le cadre de partenariats de coopération décentralisée avec des autorités territoriales étrangères.  Il existe plusieurs catégories d'appels à projets : -    AAP bilatéraux : en soutien à la coopération décentralisée avec un pays en particulier, avec pour certains une contribution financière de l'état partenaire. En 2022 : AAP franco-marocain, franco-tunisien, franco-palestinien, franco-sénégalais, franco-mexicain, franco-québécois ; -    AAP thématiques : visant à créer des effets d'opportunités pour les collectivités et les pousser à mener des projets de coopération décentralisée dans des domaines prioritaires. En 2022 : Jeunesse, Sports, Egalité femmes-hommes, Numérique inclusif et durable ; -    AAP généraliste : couvrant toutes zones géographiques et les thématiques non couvertes par les autres AAP, sur une base de projets triennaux. En 2022 : généraliste triennal. Le taux de cofinancement des projets déposés dépend du pays partenaire : 70% s'il s'agit d'un pays prioritaire de l'APD (liste du CICID), 50% s'il s'agit d'un pays bénéficiaire de l'APD, 30% pour le reste du monde.  3. la complémentarité de la DAECT et de l'AFD Le soutien de l'Agence Française de développement à la coopération décentralisée, à travers son outil FICOL (Facilité de financement des collectivités territoriales françaises), mis en place en 2014, est complémentaire de celle de la DAECT. Ceci pour un montant annuel globalement équivalent. Au-delà de l'impact en termes de développement recherché à travers cette alliance avec les territoires français, la coopération avec les collectivités répond à un triple objectif pour l'AFD :  (i) renforcer le dialogue stratégique avec les collectivités territoriales pour améliorer leur connaissance des expertises présentes dans les territoires et des savoir-faire français, se rapprocher des citoyens pour les sensibiliser et promouvoir la mission de lutte contre la pauvreté et de promotion du développement durable qui est dévolue à l'Agence ; (ii) financer l'action extérieure des collectivités territoriales, et en particulier les initiatives des collectivités pour leur donner les moyens d'agir et d'exprimer leur valeur ajoutée ; (iii) promouvoir l'approche territoriale dans les projets de développement, valoriser  l'expertise territoriale et les modèles de gestion à la française (gestion des parcs naturels ou des bassins versants par exemple) pour accroître l'impact de l'action de l'Agence. L'AFD et la DAECT collaborent étroitement dans la sélection des projets. Les projets de coopération décentralisée cofinancés par la DAECT sont des projets qui se concentrent sur des actions d'appui aux partenaires, de renforcement de capacités avec des formations, la production de ressources de références, des déplacements et des rencontres entre les acteurs, de la communication et de la capitalisation, de la mise en réseau ou encore des action d'éducation à la citoyenneté et la solidarité internationale (ECSI), etc. Ce sont aussi des projets d'amorce des partenariats. Il n'y a pas de minimum en termes de budget. Les projets de coopération décentralisée cofinancés par l'AFD sont en général portés par des collectivités qui ont déjà de l'expérience et qui souhaitent accroître leur coopération avec des projets de plus grande envergure. Contrairement à ceux de la DAECT, ils peuvent financer des infrastructures et de l'investissement. Les montants de cofinancement et les budgets apportés par les collectivités candidates sont beaucoup plus importants (cofinancement minimum de l'AFD : 200 000 €). S'agissant plus particulièrement de l'Ukraine, l'action des collectivités territoriales, accompagnée par l'Etat, est passée par différents canaux. En premier lieu, dès le début de l'invasion russe en Ukraine le 24 Février dernier, la France – via le Centre de crise et de soutien du Ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères (CDCS) – a lancé des opérations d'urgence en réponse aux besoins humanitaires. Dans cet engagement résolu, l'Etat a associé, avec l'aide de la DAECT au sein du MEAE, les collectivités locales qui souhaitaient s'engager également dans le soutien des déplacés ukrainiens en Ukraine et dans les pays voisins, notamment par le biais de collectes et de dons. Le « fonds d'action extérieure des collectivités territoriales » (FACECO) activé par le Ministère permet ainsi de contribuer au financement des opérations coordonnées par le CDCS. Les quelque 1700 collectivités territoriales, toutes catégories confondues, qui ont contribué totalisant à ce stade 7.7 M euros sont ainsi assurées de voir leurs financements utilisés pour des opérations pertinentes, en adéquation avec les demandes exprimées par les autorités nationales et vérifiées avec elles. En deuxième lieu, les collectivités territoriales se sont également mobilisées nationalement en aidant les services de l'Etat sur tout le territoire à identifier les capacités d'accueil, puis d'accompagnement des déplacés ukrainiens qui arrivent en France. En troisième lieu, les collectivités territoriales se sont mobilisées en faveur de l'Ukraine mais aussi des pays voisins, sur la base de liens pré-existants ou nouveaux. Par exemple, la Région Ile-de-France a ainsi signé fin juin et début juillet 2022 deux déclarations d'intention en matière d'aide d'urgence et de reconstruction avec les oblasts ukrainiens de Kiev et de Tchernihiv. 

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