Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 21/07/2022

M. Guillaume Gontard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'insuffisance du nombre de rendez-vous en préfecture et le développement d'un marché parallèle de revente des rendez-vous par plusieurs entreprises. En effet, dans de nombreuses préfectures, l'obtention d'un rendez-vous pour obtenir ou renouveler un permis de séjour est de plus en plus difficile et les délais sont de plus en plus longs, en particulier depuis la crise sanitaire. De plus, comme l'a rappelé à plusieurs reprises le défenseur des droits (2013, 2019, 2020, 2022), la transition vers un système dématérialisé constitue un obstacle pour bon nombre d'étrangers résidant en France, en raison de la barrière de la langue, de difficultés de maîtrise des outils informatiques ou encore de méconnaissances et d'incompréhensions quant aux documents demandés.

Face à ces difficultés d'accès à un rendez-vous, un marché parallèle s'est constitué autour de plateformes numériques permettant, pour des tarifs variant de quelques dizaines à plusieurs centaines d'euros, d'obtenir un rendez-vous plus rapidement, grâce à des créneaux horaires réservés en amont par des individus mal intentionnés ou des robots réalisant cette tâche de manière automatisée. Si le ministère de l'intérieur et les préfectures ont d'ores-et-déjà pris des mesures fortes contre ce trafic (mise en place d'un système « re-captcha », limite du nombre de rendez-vous pouvant être réservés par la même adresse électronique, exigence de saisie du numéro application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), renforcement des moyens humains et matériels, dépôts de plainte par les préfectures...), cette situation perdure toujours. Or, elle entrave gravement l'accès aux droits des personnes étrangères et des demandeurs d'asile.

Selon un rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale publié en mai 2021, « il apparaît clairement que l'émergence de ce phénomène réside dans l'insuffisance de créneaux de rendez-vous mis à disposition par rapport aux besoins des demandeurs ». Face à l'attente de plus en plus longue, certains se voient obligés d'engager un recours au tribunal administratif, qui oblige alors les préfectures à accorder un rendez-vous. Ce phénomène s'est fortement amplifié ces dernières années : d'après le rapport de l'Assemblée, 1 149 plaintes ont été ouvertes auprès de 6 tribunaux administratifs entre janvier et avril 2021, contre 139 sur toute l'année 2018. Ce recours aux tribunaux est toutefois doublement problématique. D'une part, de nombreuses personnes étrangères ignorent que cela est possible et méconnaissent le système judiciaire français. D'autre part, ces plaintes surchargent les tribunaux, au point que la présidente du tribunal administratif de Versailles n'hésite pas à se qualifier de « Doctolib des préfectures » selon un article du Canard enchaîné (édition du 01/12/2021).

Une bataille juridique a également été ouverte par plusieurs associations, dont la Cimade, le Gisti, la ligue des droits de l'homme et le syndicat des avocats de France, afin de garantir aux étrangers la possibilité d'obtenir un rendez-vous sans avoir à passer par la plateforme internet. Plusieurs décisions de justice sont venues confirmer que la dématérialisation des démarches ne pouvait être l'unique solution proposée (Conseil d'État le 27 novembre 2019, tribunal administratif de Rouen le 18 février 2021, tribunal administratif de Cayenne le 28 octobre 2021, Conseil d'État le 3 juin 2022). Le rapport d'information n° 626 du Sénat va dans le même sens.

Ainsi, il lui demande quelles mesures il compte mettre en place afin d'assurer l'accès gratuit, rapide et pas uniquement dématérialisé à un rendez-vous en préfecture pour les étrangers résidents, seule solution au trafic des plateformes et à la surcharge du système judiciaire.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 08/12/2022

Alors que les services des étrangers des préfectures sont soumis à une forte pression et après deux années marquées par la crise sanitaire, l'extension des délais de rendez-vous, outre les difficultés qu'elle entraine pour les usagers, peut s'accompagner, comme vous le soulignez, du développement de pratiques irrégulières telles que le trafic de rendez-vous. En premier lieu, il convient de rappeler que depuis septembre 2020, le ministère de l'intérieur et des outre-mer a engagé une transformation globale des modalités de délivrances des titres avec le lancement du programme Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF). Le portail, utilisable à tout moment, sur ordinateur, tablette ou smartphone, a été conçu pour être simple d'utilisation et pour fluidifier le parcours des usagers qui n'ont plus besoin de prendre un rendez-vous pour déposer leur demande. En outre, il permet également la délivrance d'une attestation de prolongation d'instruction dont l'objet est d'empêcher toute rupture de droits. De nombreuses télé-procédures sont d'ores et déjà disponibles, elles concernent notamment les titres ayant trait à l'immigration professionnelle qualifiée, étudiante et aux bénéficiaires de la protection internationale. Celles relatives aux titres « vie privée et familiale » sont en cours de développement et seront déployées à moyen terme. Afin de garantir l'égal accès aux services publics et l'exercice effectif des droits des étrangers, un dispositif d'accompagnement numérique des usagers étrangers (e-MERAUDE) a été mis en place à compter de novembre 2021 pour les personnes ne disposant pas d'accès à internet ou éloignées du numérique. Cet accompagnement est effectué par le centre de contact citoyen (CCC) de l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et les points d'accueil numérique (PAN) des préfectures et des sous-préfectures. Ainsi, les usagers qui ne parviennent pas à accéder aux services publics par la voie numérique ont la possibilité d'être reçus physiquement et accompagnés dans leurs démarches. Le Conseil d'Etat a confirmé le caractère nécessaire et suffisant des modalités d'accueil et d'accompagnement en vigueur dans son arrêt du 3 juin 2022. Il a toutefois prescrit que dans le cas où certains usagers sont dans l'impossibilité, malgré cet accompagnement, de recourir au télé-service, pour des raisons tenant à sa conception ou à l'existence de dysfonctionnements, l'administration doit leur garantir une solution de substitution. Aussi, dans cette hypothèse, l'étranger pourra déposer sa demande par un autre moyen. Cette modalité subsidiaire pourra consister à autoriser l'envoi de la demande par voie postale et/ou rendre possible le dépôt en préfecture de la demande. En conséquence, les télé-procédures disponibles sur l'ANEF ne sont pas concernées par la problématique de l'insuffisance du nombre de rendez-vous en préfecture. En second lieu, s'agissant des demandes telles que l'admission exceptionnelle au séjour, pour lesquelles un rendez-vous en préfecture peut être nécessaire pour le dépôt du dossier, il existe en effet des difficultés de prise de rendez-vous dans un nombre circonscrit de préfectures. Cette situation est prise très au sérieux par le ministère de l'intérieur et des outre-mer et les préfectures concernées qui œuvrent pour remédier à ces difficultés. Comme vous le soulignez, « le ministère de l'intérieur et des outre-mer et les préfectures ont d'ores-et-déjà pris des mesures fortes contre ce trafic (mise en place d'un système « re-captcha », limite du nombre de rendez-vous pouvant être réservés par la même adresse électronique, exigence de saisie du numéro application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), renforcement des moyens humains et matériels, dépôts de plainte par les préfectures...). » De plus, les difficultés rencontrées étant circonscrites, en Ile-de-France, une nouvelle procédure a été mise en place de manière progressive depuis janvier 2022. En effet, un formulaire unique de demande de rendez-vous doit désormais être rempli et transmis à la préfecture par les usagers souhaitant déposer un dossier. Sur la base des informations communiquées, la préfecture octroie un rendez-vous à l'usager. Depuis la mise en œuvre de cette nouvelle procédure, les difficultés rencontrées ont fortement diminué.  Il convient enfin de noter que le dépôt des dossiers de demande de titre de séjour ne nécessite pas toujours une prise de rendez-vous et peut être organisé notamment par envoi postal.

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