Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 21/07/2022

M. Guillaume Gontard interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'épidémie de grippe aviaire dans les élevages industriels de volailles.

Ce printemps 2022, une violente vague de grippe aviaire H5N1 a frappé les élevages français de volailles. Si elle a désormais pris fin, les conséquences en sont extrêmement lourdes, notamment dans l'ouest de la France. Selon la Confédération paysanne, plus de 17 millions d'animaux ont été abattus dans près de 1 400 foyers, soit près de cinq fois plus qu'en 2021. Les pertes financières atteindraient 1,5 milliard d'euros. Étant donné l'insuffisance des indemnisations, de nombreux agriculteurs se retrouvent en grande précarité, certains se retrouvant même au revenu de solidarité active (RSA).

Si la vaccination permettra peut-être à l'avenir d'éviter de tels désastres pour les animaux, les éleveurs, la sécurité alimentaire et la santé humaine, toutes les leçons doivent en être tirées. Le protocole sanitaire, qui a entraîné des abattages massifs, au-delà des exploitations où des contaminations étaient repérées, en raison du délai d'apparition des symptômes, s'est révélé clairement défaillant.

Face à l'ampleur de l'épidémie, les services de l'État et les vétérinaires ont été largement dépassés. De nombreux éleveurs ont été abandonnés et ont dû se résoudre à des méthodes particulièrement cruelles, comme l'asphyxie de hangars entiers. Certains animaux survivent pourtant à cette procédure et doivent alors être abattus par d'autres moyens par les éleveurs, d'où une grande douleur psychologique pour ces derniers. Les services d'équarrissage étant eux aussi saturés, les cadavres d'animaux sont parfois restés jusqu'à deux semaines dans les exploitations. L'hyper-concentration de ces services dans l'ouest entrave par ailleurs leur déploiement lorsque des épidémies surviennent dans d'autres zones.

Ainsi, cette crise illustre l'impasse de la stratégie actuelle de biosécurité, qui, de manière absurde, pointe du doigt les élevages de plein air en arguant qu'ils permettent la diffusion du virus via des oiseaux migrateurs. Or, la flambée des contaminations a bel et bien eu lieu dans des élevages intensifs, où la densité est considérable. Si des ventilations et des procédures d'hygiène existent, un hangar fermé reste évidemment un excellent foyer de contamination pour des virus comme le H5N1. Dès lors, les élevages intensifs, déjà synonymes de souffrance animale, sont aussi de véritables bombes sanitaires.

L'ampleur de cette catastrophe et l'impréparation manifeste des services de l'État appellent à des réponses fortes pour éviter que de tels désastres ne se reproduisent. En juin 2021, un rapport de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) estimait que la biosécurité ne pouvait être l'unique ligne de défense et demandait la création d'un groupe d'intervention d'urgence formé pour intervenir en renfort en cas d'épizootie ou de zoonose. Surtout, l'agence pointait le caractère déterminant de la densité des élevages dans ces flambées épidémiques. Les conclusions n'en ont malheureusement pas été tirées. Dès lors, la limitation du nombre d'animaux par mètre carré et par exploitation, ainsi que celle du transport d'animaux vivants (en particulier les animaux gavés) doivent être considérées. Dans les Landes, la filière du foie gras commence à réfléchir à ces questions. Ces réflexions doivent s'étendre à toute la filière volaille.

Il l'interroge donc sur les actions que le Gouvernement entend déployer pour réviser les protocoles de biosécurité et renforcer les services disponibles en cas d'influenza. Il lui demande notamment de considérer une limitation de la densité des élevages, tant pour la sécurité sanitaire des animaux que pour leur bien-être, et de ne pas pénaliser les élevages de plein air, plus résilients. Il lui demande enfin de limiter le transport d'animaux vivants, vecteur de contaminations.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 29/12/2022

La menace des crises sanitaires liées à l'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) est de plus en plus importante chaque année en France. Le virus, en évolution permanente, dispose d'une phase d'activité de plus en plus longue et d'une étendue géographique accrue. L'épizootie de 2021-2022 a été d'une ampleur inédite, s'agissant du nombre d'élevages contaminés et de volailles abattues, et a nécessité le déploiement de fortes mesures de biosécurité. Dans ce contexte, il est nécessaire d'anticiper davantage et de renforcer les outils à disposition des éleveurs et des vétérinaires pour mieux suivre et anticiper l'évolution de la situation sanitaire. Il s'agit donc de revoir les indicateurs qui permettent de définir les périodes à risque, ainsi que de capitaliser l'expérience acquise pour redéfinir ces indicateurs et mieux prendre en compte les spécificités des territoires et des modes de production. Les retours d'expérience ont confirmé que les mesures de biosécurité ont joué un rôle majeur dans la lutte contre l'IAHP mais l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), a identifié quelques failles. À cet égard, il est nécessaire de travailler étroitement avec les éleveurs et d'aligner les dispositifs de biosécurité existants en élevage aux intervenants en élevage et aux transporteurs. Par ailleurs, la maîtrise de l'exposition au risque sanitaire pendant les périodes à risque nécessite de travailler sur l'organisation et les modes de production des élevages. Des propositions ont été faites par les organisations professionnelles et sont en cours d'instrumentation. Enfin, il faut souligner que ces crises successives nécessitent au-delà des réponses conjoncturelles apportées une réflexion de fond pour définir l'élevage de demain. L'objectif est de travailler à une transformation en profondeur des modes d'organisation pour des élevages plus résilients et aptes à répondre à la demande dans un contexte concurrentiel très marqué. Dans ce contexte, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a annoncé, le 29 juillet 2022, un plan d'action construit en concertation avec les acteurs professionnels pour gérer la sortie de crise et préparer l'avenir, en s'appuyant sur les dernières analyses de l'Anses afin de renforcer la feuille de route en vigueur depuis juillet 2021. Ce plan permettra d'améliorer la prévention, par une application stricte des règles de biosécurité, de renforcer, en particulier, less capacités de détection précoce (auto-contrôle), de surveillance en élevage, comme dans les transports et de lutte collective. Des mesures réglementaires et incitatives seront déployées dans les prochaines semaines. La situation sanitaire s'est récemment à nouveau dégradée. Le niveau de risque a été relevé de « modéré » à « élevé » et, dès le 11 novembre 2022, toutes les volailles ont été mises à l'abri sur l'ensemble du territoire et les rassemblements de volailles sont interdits. Compte tenu de ces éléments, de nouvelles mesures de protections spécifiques ont été décidées par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire pour les régions Bretagne et Pays de la Loire, sur préconisation de l'Anses. Dans ces deux territoires, le risque de propagation rapide du virus est renforcé par un nombre élevé d'élevages. Afin de préserver les exploitations, une zone de contrôle temporaire est appliquée à l'ensemble de ce territoire depuis le mois d'octobre 2022. Les mises à l'abri y sont obligatoires et des tests réguliers doivent être menés avant tout déplacement. Toute mise en place de volaille est par ailleurs conditionnée à la réalisation d'un audit de biosécurité favorable. Face à la dégradation de la situation sanitaire observée fin novembre 2022 en région Pays de la Loire, des mesures de gestion complémentaires aux mesures de prévention et de lutte déjà en vigueur ont été annoncées le 6 décembre 2022 après concertation avec les filières professionnelles. Elles ont pour principal objectif de diminuer la production dans les zones les plus fortement impactées pour prévenir un emballement de la situation. Le déploiement de ces mesures, bien que contraignantes, est rendu possible par la volonté unanime des filières professionnelles de lutter contre le virus de l'influenza aviaire, dans un contexte de difficultés économiques et climatiques. Tous les services départementaux sont activement mobilisés aux côtés des opérateurs concernés pour accompagner leur mise en œuvre. Dans une optique de prévention, et en complément des mesures de biosécurité, une feuille de route sur la stratégie vaccinale est en cours de mise en place. Enfin, un plan d'action validé en juillet 2022 par l'ensemble des acteurs de la filière comprend une dimension prospective afin de penser l'élevage de demain, afin de gagner en résilience vis-à-vis de l'influenza avaiaire et ainsi garantir la souveraineté alimentaire.

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