Question de M. BASCHER Jérôme (Oise - Les Républicains) publiée le 04/08/2022

M. Jérôme Bascher appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'accroissement du nombre de sociétés fantômes et sur le développement de la fraude documentaire.

De nombreux greffiers de tribunaux de commerce alertent sur ce phénomène, exacerbé avec la dématérialisation des procédures.

Il n'a, en effet, jamais été aussi simple de créer une entreprise en France. Le revers de la médaille est qu'il n'a jamais été aussi facile de fournir des faux documents.

Une brèche dans laquelle s'engouffrent nombre d'individus afin de monter des sociétés fantômes leur permettant d'emprunter de l'argent, de solliciter des aides à la création d'entreprise, de réaliser des fraudes à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), d'obtenir du matériel etc.

Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les mesures concrètes qu'il entend prendre afin de pallier ce problème.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé de la citoyenneté publiée le 07/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 06/10/2022

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, auteur de la question n° 108, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jérôme Bascher. Depuis le 1er janvier 2022, il est possible de créer de manière totalement dématérialisée une entreprise. Si l'initiative est tout à fait louable, car elle facilite grandement les démarches, un problème nouveau, signalé par les greffiers des tribunaux de commerce, se pose : la multiplication des faux documents et l'impossibilité dorénavant pour ces mêmes greffiers de vérifier l'authenticité des pièces.

Le corollaire, bien entendu, est l'existence de fraudes. Il ne s'agit pas, en effet, d'effectuer une fraude documentaire pour le plaisir… Elles proviennent de personnes soumises à une interdiction de création d'entreprise ; à ce titre, elles sont répertoriées par le fichier national des interdits de gérer, lequel a été mis en place il y a de nombreuses années, bien avant l'actuel gouvernement.

On observe des escroqueries, notamment aux aides d'État, mais également des entreprises fantômes. De même, on constate des fraudes quant au capital social. En effet, les entreprises doivent déclarer à leur création quels sont les fonds à leur disposition sur un compte bancaire ; elles disposent à cette fin d'un vrai-faux papier fourni par leur banque… Le problème est que l'on ne peut pas vérifier son exactitude.

Il existe également le cas classique du changement de siège social. Pourquoi pose-t-il problème ? Parce que les services de l'État, partout sur le territoire, ne contrôlent pas socialement et fiscalement les entreprises de la même façon. Aussi, lorsqu'un contrôle fiscal vous vise dans votre département, vous changez le siège social de votre société : peut-être celle-ci sera-t-elle moins scrutée ailleurs… Or les fichiers ne se parlent pas, madame la secrétaire d'État. C'est un sujet majeur.

Je sais que, depuis le décret du 19 juillet 2022 relatif au registre national des entreprises et portant adaptation d'autres registres d'entreprises, il vous est possible de fournir une assistance, afin de procéder à de telles vérifications. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, à l'occasion de chaque demande d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS), les greffiers des tribunaux de commerce réalisent plusieurs contrôles portant sur les informations déclarées et les pièces justificatives produites.

Plusieurs mesures ont été récemment mises en place afin de renforcer la lutte contre la fraude documentaire dans le cadre des créations d'entreprises. Comme vous l'indiquiez, ces dispositions ont été insérées dans le décret n° 2022-1014 du 19 juillet 2022 relatif au registre national des entreprises et portant adaptation d'autres registres d'entreprises.

En premier lieu, le contrôle effectué par les greffiers des tribunaux de commerce en amont de l'immatriculation des entreprises au RCS a été renforcé par deux mesures.

D'une part, une disposition autorise désormais les greffiers à vérifier la validité des pièces d'identité produites à l'appui d'une demande d'immatriculation, en consultant la base Docverif, laquelle répertorie les documents d'identité délivrés par les autorités françaises, ainsi que leur caractère valide ou non. Cette vérification s'opère en conformité avec l'obligation légale formulée au premier alinéa de l'article R. 123-95 du code de commerce. Cette mesure permet de faire obstacle à la création de sociétés au moyen de pièces d'identité falsifiées ou usurpées.

D'autre part, l'article R. 123-84-1 du code de commerce permet aux greffiers de solliciter des justificatifs complémentaires « lorsqu'il existe un doute sur l'authenticité de la pièce produite ou lorsque sa valeur probante est insuffisante ».

En second lieu, le nouveau mécanisme instauré aux articles R. 123-125-1 et R. 123-136-1 du code de commerce permet aux greffiers de radier d'office une entreprise lorsqu'il apparaît que son immatriculation a été réalisée par la production d'une pièce justificative ou d'un acte irrégulier.

Ces dispositions renforcent le contrôle des greffiers postérieurement à l'immatriculation des entreprises et permettent d'anéantir l'existence juridique de sociétés immatriculées à l'aide de faux documents.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.

M. Jérôme Bascher. Madame la secrétaire d'État, je connais ces dispositions. Le problème, c'est que les deux tiers des pièces d'identité sont étrangères et qu'elles ne sont pas vérifiées.

Peut-être faudrait-il mieux prendre en compte la réalité, plutôt que de se focaliser sur ce qui a déjà été fait !

M. Philippe Tabarot. Bravo !

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