Question de M. FERNIQUE Jacques (Bas-Rhin - GEST) publiée le 11/08/2022

M. Jacques Fernique interroge M. le secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer sur le positionnement de la France sur l'avenir de l'exploitation minière des océans, alors que les discussions sur le code minier et le traité sur la haute mer s'achèvent au sein du conseil et de l'assemblée de l'autorité internationale des fonds marins (AIFM) à Kingston, en Jamaïque.

La déclaration du Président de la République en marge de la conférence de l'organisation des nations unies (ONU) sur les océans à Lisbonne, le 27 juin 2022, laissait entendre une volonté de se positionner contre l'exploitation minière des océans et en faveur d'un cadre légal international contraignant. On pouvait donc espérer un signal fort de l'État en faveur d'un moratoire sur l'exploitation des fonds marins.

Malheureusement, et sans surprise, l'ambassadeur français durant les discussions de ces trois dernières semaines, n'a fait aucune mention du moratoire, défendu par de nombreux États, associations et par la communauté scientifique. En effet, il s'agit bien du seul moyen efficace pour protéger les abysses contre l'exploitation minière à ce jour.

L'activation par l'État de Nauru de la « règle des deux ans » en 2021, acceptée par l'autorité internationale des fonds marins, obligera cette dernière, à l'expiration du délai, à traiter les demandes de licence d'exploitation formulées par les États. Ceci, que le code minier soit finalisé ou non. Il est donc, d'un côté, crucial de définir un cadre légal strict intégrant des dispositions environnementales empêchant toute exploitation, sans quoi des permis pourraient être octroyés sans réglementation. Il est en même temps très dangereux de se précipiter dans sa finalisation sans prendre les temps de discussion essentiels, dont découleront toutes les mesures de protection des écosystèmes marins pour les années à venir. Or, la date butoir de juillet 2023 qui permettrait à l'AIFM de délivrer des licences d'exploitations laisse très peu de temps et semble bien insuffisante pour parvenir à un cadre légal international à la hauteur de nos attentes.

À ce titre, la réunion du conseil de l'AIFM, prévue à l'automne 2022, sera l'occasion pour les pays d'avoir une discussion franche sur la « règle des deux ans » et ses conséquences pour les abysses. Une opportunité pour la France de se prononcer franchement contre l'exploitation minière.

En parallèle, les négociations sur le traité de la haute mer dont la finalisation est prévue fin 2022, doivent aborder les points cruciaux que sont les ressources halieutiques marines et la protection des aires marines protégées. Pour rappel, il est essentiel que la France adopte et défende la définition internationale de protection forte, excluant toute forme d'exploitation minière.

Pour le moment, la France souhaite gagner du temps dans les négociations du code minier. Mais, même si elle soutient des garanties de protection fortes, les risques d'impacts environnementaux demeurent. Le refus du moratoire met donc fortement en danger nos écosystèmes marins.

Il l'interroge donc sur la volonté de la France de soutenir le moratoire sur l'exploitation des fonds marins. Il l'interroge également sur la possibilité de repousser à une date ultérieure à juillet 2023 l'adoption du code minier, pour éviter que le travail ne soit bâclé, sachant que ce serait le meilleur moyen pour mettre en danger les écosystèmes des fonds marins et faciliter leur exploitation. Enfin, il demande à ce que la France s'engage, dans le cadre du conseil de l'AIFM, à voter contre toute demande de licence d'exploitation à partir de juillet 2023.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer publiée le 18/05/2023

Dans un contexte de changement climatique et d'érosion de la biodiversité, l'exploitation des grands fonds marins, dont les impacts sont potentiellement très importants et irréversibles pour des écosystèmes à l'équilibre fragile, ne peut être soutenue. C'est la raison pour laquelle, le 7 novembre 2022, lors de la COP 27, le Président de la République a déclaré que la France défend l'interdiction de toute exploitation des grands fonds marins et qu'elle portera cette position dans les enceintes internationales. Pour les mêmes raisons, le Secrétaire d'État chargé de la mer avait d'ores et déjà annoncé au Parlement, le 4 octobre 2022, la fin du projet de démonstrateur qui avait pour principal objectif de démontrer la faisabilité d'une exploitation minière. Dans ce cadre, la Stratégie nationale sur les grands fonds marins sera révisée au cours de l'année 2023. Le 10 novembre 2022, l'ambassadeur de France, représentant permanent de la France auprès de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) a porté cette position forte durant la 3ème partie de la 27ème réunion du Conseil en novembre 2022. La France a, depuis, initié une série de démarches diplomatiques auprès des États membres de l'AIFM en vue de rallier à sa position et coaliser les États favorables à un moratoire ou à une pause de précaution sur l'exploitation. Lors de son déplacement à la COP15 de Montréal, le Secrétaire d'État chargé de la mer a participé à un évènement organisé en partenariat avec les quatre plus importantes organisations non-gouvernementales de stature internationale (Deep Sea Conservation Coalition, IUCN, Conservation international, Sustainable Ocean Alliance) avec les Ministres du Costa-Rica, du Vanuatu, de Palau, de l'Allemagne, de l'Espagne, de la Nouvelle-Zélande et du Chili. À cette occasion, il a été décidé de mener une action conjointe avec un projet de recommandation commune, au sein d'une Alliance pour les grands fonds. En outre, l'Allemagne, par la voix de la Ministre fédérale de l'environnement, a indiqué un soutien à notre démarche visant à éviter l'attribution d'un contrat d'exploitation par l'AIFM dans une tribune conjointe publiée le 16 décembre 2022. Depuis l'annonce du Président de la République, l'État de Nauru a annoncé qu'il ne déposerait pas de plan de travail relatif à l'exploitation des nodules polymétalliques dans la zone de Clarion-Clipperton avant l'adoption d'un cadre juridique complet. Le risque d'un dépôt reste cependant présent, en particulier si l'AIFM échoue à adopter un code minier en 2023, ce qui justifie une action commune de plusieurs États lors de l'Assemblée générale de l'AIFM en juillet 2023. La France ne siégera pas au Conseil de l'AIFM cette année et ne sera pas en capacité de voter, rendant les démarches diplomatiques et politiques d'autant plus nécessaires pour parvenir à bloquer un contrat d'exploitation. Elle reste donc mobilisée pour constituer une position commune qui pourrait être portée par plusieurs pays en juillet 2023. Concernant le Traité international « Biodiversity beyond National Juridiction » (BBNJ), sur lequel les États-membres de l'Organisation des Nations-Unies ont conclu un accord le 5 mars 2023, il convient de préciser que celui-ci ne porte pas sur les grands fonds marins, la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer conférant à l'AIFM une compétence exclusive sur ces espaces. La conclusion de cet accord est en grande partie le résultat de l'action de la France et de l'Union européenne lesquelles, au One Ocean Summit de Brest, ont relancé ce texte enlisé depuis 15 ans. Ce Traité est un tournant majeur pour la protection des océans car il est juridiquement contraignant. Il instaure des règles dans un espace, jusqu'à présent non régulé, qui couvre 45% de la surface de la planète. Ce Traité oblige les États à rédiger des études d'impact environnementales pour toutes nouvelles activités en Haute mer. Il ouvre également la voie à la création d'aires marines protégées en Haute mer. Enfin, pour la première fois dans l'histoire des négociations environnementales, les décisions ne seront plus prises au consensus mais à la majorité, ce qui évitera qu'un État bloque les négociations.

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