Question de M. HERVÉ Loïc (Haute-Savoie - UC) publiée le 11/08/2022

M. Loïc Hervé attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur l'arrêt des fouilles archéologiques à la croisée du transept de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Le 15 avril 2019, devant les yeux de nombreux passants et des millions de téléspectateurs, la cathédrale Notre-Dame de Paris était ravagée par les flammes entrainant l'effondrement de sa charpente, de sa flèche, de son horloge et d'une partie de sa voûte. Cet incendie restera à jamais gravé dans nos mémoires. En se rendant sur place le soir-même, le Président de la République annonçait une réouverture pour l'année 2024.

L'émotion considérable et l'attachement culturel à l'édifice avait ainsi entraîné une récolte de dons s'élevant à plus de 840 millions d'euros pour financer les travaux.

Cependant, depuis le début de la rénovation de l'édifice, les problèmes, dont les aléas climatiques, la crise sanitaire ou encore la gestion du risque d'une contamination lié au plomb, n'ont pas manqué. Ces difficultés pouvant entraîner un possible retard dans l'avancée des travaux n'avaient pas laissé muet le président de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale qui avait émis quelques réserves dans un article du Figaro publié le 22 juillet 2022 : « 2024 est un objectif tendu, rigoureux et compliqué. Mais c'est surtout une ambition au service d'une mobilisation de tous ».

De plus, il est à noter que, dès le lendemain de l'incendie, les équipes de l'institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) ont été appelées au chevet de Notre-Dame, sur prescription de l'État (direction régionale des affaires culturelles -DRAC- Île-de-France, service régional de l'archéologie) en lien étroit avec l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, maître d'ouvrage du chantier, à un programme de diagnostics, de prospections et fouilles archéologiques, pour accompagner le projet de restauration de la cathédrale.

De nombreuses opérations de fouilles ont été réalisées et une en particulier a suscité quelques incompréhensions. En effet, en amont du montage de l'échafaudage nécessaire aux travaux de reconstruction de la flèche, une « fouille de sauvetage » sur 120 m2 a été prescrite par la DRAC dans un délai contraint, du 2 février au 8 avril 2022, permettant ainsi de découvrir des éléments polychromes d'un jubé médiéval du XIIIie siècle, enfoui par la suite sous le règne de Louis XIV, qui séparait le chœur de la nef. À cet égard, les historiens considèrent que ce jubé fait partie des derniers secrets de la cathédrale.

L'article du Canard enchaîné « Macron gargouille à Notre-Dame de Paris » du 3 août 2022 révèle qu'aujourd'hui, alors que ces fouilles n'auront duré que neuf semaines, « 60 % de ce jubé reste à découvrir », ce qui est considérable.

Pourquoi une telle précipitation ? Les cathédrales n'ont pas été construites en cinq ans mais en dizaines voire centaines d'années. Il s'agit là d'une opportunité exceptionnelle qui nous est offerte pour retrouver l'ensemble des éléments du jubé. Par conséquent, d'un point de vue historique, cela permettrait aux archéologues d'en apprendre davantage sur l'histoire de Notre-Dame de Paris.

Ainsi, il lui demande pourquoi le ministère de la culture, sous les ordres du Président de la République, a souhaité faire une croix sur cette occasion archéologique unique en stoppant la poursuite de ces opérations de fouilles qui ne se tiendront jamais, ou du moins pas avant un siècle ou deux.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 17/11/2022

Au lendemain de l'incendie de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, les services du ministère de la culture ont œuvré pour coordonner les travaux de sauvegarde et de sécurisation de l'édifice. Les interventions de première urgence ont été rapidement identifiées, parmi lesquelles le prélèvement des vestiges effondrés dans la nef conduit sous l'égide du service régional de l'archéologie de la direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France, en étroite collaboration avec le laboratoire de recherche des monuments historiques et les équipes de recherche du centre national de la recherche scientifique, selon une méthode d'enregistrement éprouvée. Ces interventions se sont poursuivies tout au long de l'évacuation des vestiges de l'incendie durant la phase de sécurisation de la cathédrale, menée par l'établissement public à partir de décembre 2019. La sauvegarde des vestiges archéologiques s'est poursuivie par une fouille préventive, prescrite par l'État, en prévision de l'installation d'un échafaudage à la croisée du transept de la cathédrale pour permettre la reconstruction de la flèche. L'emprise de fouille de 123 m2 a été déterminée, conformément au code du patrimoine, par l'impact sur le sous-sol des travaux nécessaires à la pose de l'échafaudage. Cette fouille, réalisée par l'Institut national de recherches archéologiques préventives de février à avril 2022, en coordination étroite avec l'établissement public, a mené à la découverte d'éléments funéraires (caveaux maçonnés, cercueils anthropomorphes en plomb), de niveaux de sol relevant de différentes phases du chantier de la cathédrale et de maçonneries antérieures à l'état gothique de l'édifice. Un ensemble remarquable de fragments sculptés et polychromes a par ailleurs été découvert dans un état exceptionnel de conservation. Identifiés comme appartenant au jubé médiéval détruit au début du XVIIIe siècle, la totalité de ces fragments a été fouillée et prélevée à des fins d'étude et de conservation. D'autres fragments du jubé avaient déjà été mis au jour lors des travaux d'Eugène Viollet-le-Duc dans la seconde moitié du XIXe siècle. Certains d'entre eux sont exposés aujourd'hui au musée du Louvre. La mise en valeur de cet ensemble monumental exceptionnel pour l'histoire de la cathédrale et pour l'histoire de l'art du début du XIIIe siècle sera bien évidemment envisagée. La fouille a également permis de constater la présence, aux abords de la zone étudiée, d'autres fragments enfouis sous le niveau de dallage, sur une largeur qui n'a pu être déterminée. Compte tenu de l'intérêt des vestiges du jubé déjà découverts, des fouilles archéologiques pourront être envisagées dans le but d'étudier les vestiges présents à l'entrée du chœur. En temps voulu, les travaux de restauration des sols du chœur permettront d'envisager une intervention archéologique complémentaire avec une éventuelle reprise de la fouille des éléments du jubé encore enfouis. Avant toute décision, il conviendra bien sûr d'en étudier soigneusement les conditions de réalisation et le calendrier. Toutes les démarches entreprises par les services du ministère de la culture et l'établissement public au lendemain de ce dramatique événement sont donc portées par le souci constant de conservation et de sauvegarde de ce patrimoine exceptionnel. Elles resteront à la hauteur de l'intérêt porté à ces découvertes par la communauté scientifique, qui demeure attentive aux interventions archéologiques conduites depuis le début des travaux de sécurisation et de restauration de l'édifice, et par le public.

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