Question de Mme LOISIER Anne-Catherine (Côte-d'Or - UC-R) publiée le 29/09/2022

Mme Anne-Catherine Loisier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle Zélande sur la filière ovine française.

Le 30 juin 2022, la Commission européenne a acté la signature de cet accord bilatéral qui octroie un quota de 38 000 tonnes équivalents carcasses (téc), en plus des contingents déjà accordés historiquement à la Nouvelle Zélande, concernant de la viande congelée principalement.

Aujourd'hui la quasi totalité de la viande ovine néo-zélandaise est importée en frais à des prix que ne peuvent concurrencer les éleveurs français, soumis à plus de normes.

À l'heure où les enjeux de souveraineté alimentaire et de bilan carbone deviennent prioritaires, où les conditions de vie des éleveurs français se détériorent, elle lui demande si la signature de cet accord est cohérente avec les politiques européennes et le Green deal.

La fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) et les syndicats ovins dont celui de Côte-d'Or, craignent qu'un tel accord viennent aggraver une situation déjà tendue par l'accord entre l'Union européenne et l'Irlande du Nord dans le cadre du Brexit.

Dans ce contexte, elle lui demande ce qu'il compte faire pour préserver les revenus des éleveurs ovins français et rendre plus cohérentes les politiques européennes qui imposent des critères de sobriété et de décarbonation, et dans le même temps, promeuvent des échanges commerciaux sur des denrées pourtant disponibles localement, avec des pays situés de l'autre coté de la planète.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme publiée le 10/02/2023

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2023

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 159, transmise à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.

Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question porte sur les conséquences de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande sur la filière ovine.

Le 30 juin 2022, la Commission européenne a acté la signature de cet accord bilatéral, qui octroie un quota de 38 000 tonnes équivalent carcasse en plus des contingents déjà accordés historiquement à la Nouvelle-Zélande, concernant la viande congelée principalement.

Ainsi, la quasi-totalité de la viande ovine néo-zélandaise est importée sous l'appellation « en frais » à des prix, que, nous le savons, ne peuvent concurrencer nos éleveurs français, soumis à des normes. Ces animaux sont en fait abattus au mois de janvier pour être vendus juste avant Pâques en France, donc juste à la période où nos éleveurs ont prévu leur mise à bas. Or s'ils n'arrivent pas à vendre leurs animaux, ils sont obligés de les garder, avec des surcoûts pour leur entretien.

Pour qu'elle soit conservée, la viande néo-zélandaise est mise sous poche plastique, ce qui interroge sur la notion de vendu « en frais », s'agissant de viande qui a plus de trois mois.

Les producteurs sont donc inquiets des conséquences de cet accord, qui intervient dans une situation déjà tendue à cause de l'accord avec l'Irlande du Nord dans le cadre du Brexit.

Comment le Gouvernement pense-t-il préserver le revenu de nos éleveurs ovins, par ailleurs touchés par les problématiques liées au loup ? Compte-t-il œuvrer pour rendre plus cohérentes les politiques européennes, qui, paradoxalement, imposent des critères de sobriété et de décarbonation et promeuvent des échanges commerciaux sur des denrées pourtant disponibles en France avec des pays situés de l'autre côté de la planète ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Loisier, je tiens d'abord à vous assurer que, dans cette négociation commerciale, la France est particulièrement vigilante s'agissant des intérêts de nos filières agricoles sensibles.

L'ouverture du marché européen des viandes ovines était l'une des principales revendications de la Nouvelle-Zélande, et nous avons fermement défendu nos filières. L'ouverture finalement accordée est de 38 000 tonnes. Elle sera progressive, sur sept ans, et nous avons limité celle accordée aux viandes fraîches à 13 500 tonnes.

Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande est loin d'utiliser l'accès au marché européen dont elle dispose déjà en vertu de nos engagements à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Le risque d'une augmentation des importations avec ce nouvel accord est par conséquent relativement faible, pour ne pas dire très faible, à fonctionnement normal de marché.

Plus largement, vous nous interrogez sur ce que fait le Gouvernement pour rendre plus cohérentes les politiques européennes de durabilité et de commerce ? Je tiens à vous apporter quelques précisions à cet égard.

Le rééquilibrage de la politique commerciale vers une meilleure intégration des enjeux de développement durable est poussé par la France. Sous la présidence française de l'Union européenne, le concept de mesure miroir a d'ailleurs commencé à se généraliser. Il est essentiel – vous le savez très bien –, parce qu'il permet justement d'appliquer les normes de production européenne aux produits importés sur tous les flux commerciaux, couverts ou non par des accords. Ainsi, nous saluons le fait que la Commission ait enfin présenté, au mois de décembre dernier, le projet d'acte permettant la mise en œuvre de l'interdiction d'importer des viandes produites avec des antibiotiques comme facteurs de croissance, et nous nous félicitons de l'accord récent sur la lutte contre la déforestation importée.

Enfin, je veux aussi souligner que l'accord avec la Nouvelle-Zélande est doté du chapitre Commerce et développement durable le plus ambitieux que l'Union européenne ait négocié jusque-là. Il intègre l'accord de Paris comme élément absolument essentiel, mais aussi la possibilité de sanctions commerciales en cas de violation substantielle dudit accord et des droits fondamentaux des travailleurs.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.

Mme Anne-Catherine Loisier. Les clauses miroirs sont effectivement déterminantes. Il n'en demeure pas moins que nos éleveurs sont aujourd'hui dans des situations catastrophiques. Ils n'arrivent plus à vivre de leur production, ce qui tend à remettre en cause la souveraineté alimentaire de notre pays. Le sujet reste entier.

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