Question de M. ROJOUAN Bruno (Allier - Les Républicains-R) publiée le 15/09/2022

M. Bruno Rojouan attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la pénurie que rencontre la profession de magistrat.

En 2018, la bâtonnière de Paris, dénonçait déjà un manque criant de magistrats.

L'union syndicale des magistrats (USM) a publié, en 2015, un livre blanc sur la souffrance au travail des magistrats, qu'elle a mis à jour en novembre 2018. Dans ce « témoignage » sur la profession, elle met le doigt sur un véritable « état d'alerte ». En effet, « le fonctionnement des juridictions sur l'ensemble du territoire est largement obéré par un sous-effectif chronique. Les conséquences des recrutements très faibles aux trois concours d'entrée à l'école nationale de la magistrature, […], se répercutent durement sur toutes les juridictions du territoire ».

Si des moyens ont été mis en œuvre pour créer de nouveaux postes au cours des années précédentes, le manque d'effectifs demeure toujours un problème en France.

Cette pénurie de magistrats entraîne avec elle de lourdes conséquences puisque l'on assiste à une surcharge considérable de travail pour les magistrats, entrainant notamment épuisement des professionnels et lenteurs dans le traitement des affaires.

À cet égard, la direction de l'information légale et administrative (DILA), sur le site « vie-publique.fr », indiquait que de « nombreux procès en France peuvent être qualifiés de déraisonnablement long. À titre d'exemple, en 2019, le délai moyen pour obtenir une décision de justice était de 6,2 mois devant le juge d'instance, de 9,4 mois devant le tribunal de grande instance, de 14,5 mois devant le conseil de prud'hommes, de 14 mois devant la cour d'appel et de 15,5 mois devant la Cour de justice de l'Union européenne et de deux ans devant la Cour européenne des droits de l'homme ».

La situation est critique puisque « des magistrats expérimentés expriment leur volonté de quitter la magistrature soit en démissionnant, soit en prenant leur retraite le plus tôt possible », signale l'USM.

Bien que 1 000 postes de juristes assistants aient été ouverts avec des renforts de greffe pour désengorger les tribunaux en 2021, on peut toujours déplorer un manque significatif de magistrats. La situation nécessite davantage de professionnels.

Ainsi, il souhaite savoir si le Gouvernement a pris conscience de ces difficultés et quelles dispositions il compte mettre en place afin d'y remédier.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 01/12/2022

A titre liminaire, il convient d'indiquer qu'avec une enveloppe budgétaire sans précédent de 9,6 milliards d'euros, le ministère de la Justice bénéficiera, si le parlement l'accepte, en 2023 d'une nouvelle augmentation de +8 % de son budget suivant les deux précédentes hausses de +8 % déjà accordées en 2022 et 2021. Ce sont ainsi 710 millions d'euros supplémentaires qui viendront abonder en 2023 le service public de la Justice. Ce sont en effet 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires qui ont été accordés sur trois budgets consécutifs, passant ainsi de 7,6 milliards d'euros en 2021 à 9,6 milliards d'euros en 2023, soit une hausse inédite de +26 % du budget de la justice en trois ans et de plus de 40 % depuis 2017. Dans la continuité des conclusions des états généraux de la Justice, ces moyens permettront de renforcer les effectifs, les conditions de travail des agents et la qualité du service rendu, mais également de poursuivre les chantiers déjà amorcés, notamment les programmes immobiliers judiciaires et pénitentiaires initiés par le Président de la République et le développement des projets numériques. La justice ne pouvant fonctionner sans des femmes et des hommes œuvrant quotidiennement à son service, ce sont 10 000 emplois supplémentaires qui seront créés d'ici 2027, soit une hausse de 11 % en cinq ans, au service, entre autres, du renfort des effectifs en juridictions, de l'armement des nouveaux établissements pénitentiaires et des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Le ministère de la Justice bénéficiera de la création de 1 500 postes de magistrats et de 1 500 postes de greffiers. Chaque année, la circulaire de localisation des emplois constitue le cadre annuel opérationnel pour les effectifs des juridictions. Les travaux sur la localisation des emplois 2022 ont eu pour objectif de répondre aux besoins les plus prioritaires des juridictions en maintenant l'accent sur l'accompagnement des juridictions JIRS et des juridictions identifiées comme particulièrement en tension en métropole et en outre-mer. Au-delà des effectifs de magistrats, les juridictions sont soutenues dans leur capacité de jugement par le renforcement de l'équipe autour du magistrat. Ainsi de très nombreux recrutements ont été effectués au cours de cette année 2022 et ce sont désormais 139 assistants spécialisés et 901 juristes assistants (fonctions crées en 2016) qui sont en poste au sein des juridictions au 1er septembre 2022. Dès 2023, première année de ce nouveau quinquennal budgétaire, la création nette de 208 créations de postes de magistrats a ainsi d'ores et déjà été confirmée, outre la création de 300 emplois de juristes assistants et 20 emplois d'assistants spécialisés. Le recrutement de nouveaux magistrats est donc au cœur des préoccupations du ministère de la Justice, et se poursuivra à un rythme inédit depuis 40 ans sur les 5 prochaines années. 

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