Question de M. ANGLARS Jean-Claude (Aveyron - Les Républicains-A) publiée le 15/09/2022

M. Jean-Claude Anglars attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur l'obligation faite aux établissements d'hébergement touristique de verser des droits d'auteur à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM).
Actuellement, en Aveyron et dans d'autres départements, la SACEM effectue des démarches auprès des propriétaires de gîtes et de chambres d'hôtes en vue d'obtenir le paiement d'une redevance au titre des droits d'auteur. Cette situation interroge pour trois raisons :
D'abord, si la redevance en matière de rémunération équitable versée aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes est prévue par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, en contrepartie de la communication au public de phonogrammes du commerce, il n'est aucunement assuré que les usagers de ces hébergements utilisent les moyens de diffusion à leur disposition (télévision, radio, etc.). Leur utilisation, même ponctuelle, n'est en rien avérée. Il est alors impossible d'établir quelles œuvres ont effectivement été diffusées et quelle est la rémunération qui pourrait en découler pour les auteurs.
Ensuite, la taxation d'office des propriétaires de gîtes et chambres d'hôtes mise en œuvre par la SACEM ne tient pas compte de l'usager redevable : l'hébergeur met à disposition l'intégralité de l'hébergement mais de préside pas à l'utilisation de tous les services existants. En d'autres termes, ce n'est pas l'hébergeur qui diffuse quelle qu'œuvre que ce soit, c'est le locataire client qui décide s'il en jouit et c'est aussi lui qui en bénéficie, dans un espace touristique privatisé, pour le seul usage des habitants de la location.
Enfin, cette situation juridique interroge car, en 2022, la jurisprudence de la cour de cassation (1ère, 14 janvier 2010, Cass. Civ. 1Ère, 6 avril 1994) semble désuète. En effet, si celle-ci précise qu'un hôtelier qui met à la disposition de ses clients un appareil permettant la réception de programmes de télévision, réalise un acte de communication au public mettant en œuvre le droit d'auteur (Cass. Civ. 1ère, 14 janvier 2010, Cass. Civ. 1Ère, 6 avril 1994), cette situation de fait n'a plus grand sens en 2022, où par les ordinateurs et les smartphones, chacun peut avoir accès à la réception de programmes audiovisuels ou radiophoniques. Il n'y a donc pas lieu de mettre en place une redevance contre les propriétaires quand chacun des locataires utilise ses appareils privés pour accéder à des contenus audiovisuels.
Si la seule présence d'équipements génère une taxation d'office, celle-ci devient un encouragement à les supprimer et à diminuer le niveau de confort d'une location touristique, alors même que leur présence entre en compte dans les évaluations des labels et classements touristiques. Les propriétaires visant à développer une offre de qualité sont donc pénalisés dans leur démarche. Plus largement, c'est l'offre touristique locale qui risque de se trouver pénalisée, ainsi que, par répercussion, l'ensemble de la destination et les activités annexes. Ce sujet est particulièrement important pour l'économie touristique des départements qui développent un tourisme de qualité, comme en Aveyron où le tourisme est le troisième secteur de l'économie du territoire.

Aussi, il interroge le gouvernement sur les moyens qu'il compte mettre en œuvre pour corriger cette situation et, notamment, s'il envisage de moderniser la législation du code de la propriété intellectuelle sur cet enjeu.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 29/09/2022

Le code de la propriété intellectuelle (CPI) reconnaît aux titulaires de droits de la musique des droits patrimoniaux sur leurs œuvres, prestations ou phonogrammes. Les sommes dont le paiement est aujourd'hui réclamé par la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) aux exploitants d'hébergements touristiques (hôtels, résidences de tourisme, chambres d'hôtes, gîtes et meublés de tourisme) qui procèdent à des diffusions musicales dans leurs parties communes ou leurs chambres couvrent non seulement la rémunération due aux auteurs et compositeurs mais aussi la rémunération, dite « rémunération équitable », due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes au titre de la diffusion publique des phonogrammes du commerce. L'intervention de la SACEM est juridiquement fondée, s'agissant des droits d'auteur, sur l'article L. 122-2 du CPI qui soumet à l'autorisation de l'auteur la représentation de son œuvre, laquelle consiste dans la « communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque ». La Cour de cassation a précisé que l'hôtelier qui met à la disposition de ses clients un appareil permettant la réception de programmes de télévision réalise un acte de communication au public soumis à autorisation des auteurs et partant, au paiement de redevance y afférente (Civ. 1ère, 14 janvier 2010). De même, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la distribution d'un signal au moyen d'appareils de télévision par un établissement hôtelier aux clients installés dans les chambres de cet établissement, quelle que soit la technique de transmission du signal utilisée, constitue un acte de communication soumis au droit d'auteur (CJUE, 7 décembre 2006, C 306/05). Les rémunérations versées aux auteurs ne constituent en aucun cas une taxe ou une redevance de nature fiscale et les organismes de gestion collective chargés de percevoir ces rémunérations, dont la SACEM, constituent des entités de droit privé et non des établissements placés sous la tutelle du ministère de la culture. Si ce dernier dispose d'un pouvoir de contrôle sur ces organismes, il ne lui appartient pas de se prononcer sur le bien-fondé de leur politique de gestion des droits. Le ministère de la culture est néanmoins attentif à ce que ces organismes prennent en compte les préoccupations exprimées par les utilisateurs de son répertoire, notamment au regard de l'économie des exploitations modestes. À cet égard, la SACEM a introduit en 2014 un système de tarification simplifié réservé aux petits établissements d'hébergement touristique disposant de 10 chambres ou moins, ainsi qu'aux chambres d'hôtes et gîtes. Le montant de ce forfait annuel, soit 120,11 € HT en 2022 au titre des droits d'auteur, tend à harmoniser le traitement de ces petites structures. Ce forfait a été établi par référence au minimum applicable aux établissements hôteliers. Il convient en effet de s'assurer que le traitement spécifique accordé aux établissements d'hébergement touristique n'induise pas de distorsion de concurrence au détriment des exploitants d'établissements hôteliers. Il apparait souhaitable que la SACEM poursuive ses efforts de simplification des modalités d'accès aux œuvres et de partenariat avec les exploitants du secteur touristique, sans pour autant priver les auteurs de leurs droits et de la juste rémunération de leur activité créatrice. À cet égard, la SACEM poursuit actuellement des discussions avec les principales fédérations et associations représentant les acteurs de l'hébergement touristique en vue d'adapter les conditions de son intervention à la réalité des exploitations les plus modestes. Ces échanges portent également sur les voies possibles d'une centralisation des démarches et du paiement des redevances de droits d'auteur via ces fédérations ou associations.

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