Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 29/09/2022

M. Daniel Gremillet interroge Mme la ministre de la transition énergétique sur l'incidence, sur notre souveraineté et notre transition énergétiques, de la renégociation des contrats d'achat sur l'électricité produite par les installations d'une puissance crête de plus de 250 kilowatts utilisant l'énergie radiative du soleil, moyennant des technologies photovoltaïques ou thermodynamiques, conclus entre le 12 janvier et le 31 août 2020, en application de l'article 225 de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

Issu d'un amendement présenté par le Gouvernement, cet article a été adopté contre l'avis de la commission des affaires économiques du Sénat, qui avait d'ailleurs proposé, sans succès, de meilleures conditions de consultation des professionnels et de reddition des comptes à l'occasion de l'examen de la loi du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

En application de cet article validé par le Conseil constitutionnel en décembre 2020, le Gouvernement a adopté un décret le 26 octobre 2021 précisant les modalités d''application du principe de révision tarifaire et notamment de la « clause de sauvegarde » et un arrêté interministériel du 26 octobre 2021 fixant les conditions tarifaires applicables aux installations concernées.

Cependant, le 28 juillet 2022, elle a annoncé, dans le cadre de ses mesures d'urgence pour accélérer le développement des énergies renouvelables, « geler la baisse des tarifs pour les projets photovoltaïques sur bâtiment pour l'année 2022 ».

Afin de garantir la croissance des énergies renouvelables dans le mix énergétique français et d'augmenter la filière de production d''énergie solaire, l'État a mis en place un dispositif de soutien public consistant en une obligation d'achat et en un complément de rémunération attribués en guichet ouvert ou par appel d'offres.

Même reportée d'un an, cette renégociation par l'État des tarifs d''achat de l'électricité solaire, motivée avant tout par des considérations budgétaires, aura un impact négatif sur les investisseurs. Or, il s'agit de redonner de la confiance à ceux-ci si l'État veut des créations d''entreprises, de l'innovation et une prise de risques des entrepreneurs. Il y a plus de dix ans, quand les mesures sur le photovoltaïque ont été prises, peu d'entre eux étaient prêts à investir, à fabriquer des panneaux solaires. Le monde bancaire était d'une particulière timidité. De plus, il a fallu du temps pour que ces entreprises soient raccordées au réseau.

Lors de la discussion de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (dite loi énergie-climat) la France a pris des engagements ambitieux pour atteindre l'objectif de « neutralité carbone » à l'horizon 2050. A été fixé un objectif d'« au moins » 33 % d''énergies renouvelables d'ici à 2030, à l'initiative du Sénat. Un engagement réitéré par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite loi climat-résilience).

Ainsi, il demande au Gouvernement de préciser ses intentions quant à l'évolution du dispositif après 2022. Il demande si le gel annoncé ne devrait pas être maintenu, compte tenu de la crise énergétique actuelle, qui suppose de promouvoir activement et rapidement les énergies renouvelables, afin de garantir la sécurité d'approvisionnement. Il demande également si une révision du cadre législatif et règlementaire n'est pas impérative. À l'inverse, si ce gel n'était pas maintenu, il souhaite savoir comment garantir que l'application du dispositif ne remette pas en cause la « rentabilité des installations », mentionnée dans sa décision par le Conseil constitutionnel.

De plus, il souhaite connaître les effets de cette renégociation sur la situation économique et financière des acteurs de la filière ainsi que sur l'atteinte des objectifs énergétiques et climatiques et l'attractivité des dispositifs de soutien issus notamment des lois « énergie-climat » et « climat-résilience ».

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Réponse du Ministère de la transition énergétique publiée le 03/08/2023

Dès le début des années 2000, l'Etat a souhaité favoriser le développement des énergies renouvelables. Pour cela, il a fixé des tarifs de rachat pour les producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque qui visaient à couvrir leurs coûts. Entre 2006 et 2010, ce tarif était de l'ordre de 600 € par MWh, garanti pour 20 ans. Or, entre 2006 et 2010, les coûts d'installation du photovoltaïque ont été divisés par quatre, avant que les tarifs ne soient révisés, en 2010 puis à nouveau en 2011, pour tenir compte de cette forte baisse, qui s'est accélérée à la fin des années 2000. L'article 225 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 institue un dispositif visant à réviser le tarif applicable aux installations photovoltaïques de plus de 250 kWc bénéficiant d'un contrat d'obligation d'achat en application des arrêtés tarifaires S06, S10 et S10B. Cette mesure concerne un très petit nombre d'installations photovoltaïques (environ 1 000 sur les plus de 500 000 installations solaires photovoltaïques raccordées) qui représente moins de 0,5 % de la production d'électricité nationale (et 5 % de la production renouvelable), mais qui concentre une part importante des subventions publiques (près de 1 milliard d'euros par an). Le seuil de 250 kW, prévu par le législateur, apparaît proportionné car il permet de cibler les plus grandes, qui ont pu bénéficier d'un effet d'échelle entrainant une baisse de leurs coûts et l'amélioration de leur rentabilité. La mesure votée en loi de finances prévoyait de plus une clause, dite de sauvegarde, visant à maintenir la viabilité des producteurs, après analyse individuelle des dossiers pour tenir compte de leurs spécificités. Le gouvernement avait réalisé une consultation large sur les projets de textes d'application de cette mesure, et a pu en particulier prendre en compte les remarques des producteurs photovoltaïques, de la filière agricole et du secteur bancaire. Ces textes ont toutefois fait l'objet de recours administratifs, parmi lesquels deux recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat, respectivement formés par la filière photovoltaïque (Solidarité Renouvelable, ENERPLAN, SER) et par deux producteurs d'énergie renouvelable (SARL BOVI-ER, SAS PEPIGREEN). Par une décision du 27 janvier 2023, le conseil d'Etat a annulé l'arrêté du 26 octobre 2021. Le Gouvernement étudie actuellement les suites à donner à cette décision. L'Etat continue par ailleurs à soutenir le développement des énergies renouvelables et en particulier de la filière photovoltaïque, qui apportera dans les années à venir une contribution importante à la décarbonation de notre mix énergétique. Le Président de la République a annoncé début 2022 l'objectif d'au moins 100 GW de solaire en 2050 et les travaux de concertation sur les objectifs à prévoir dans le cadre de la future loi de programmation énergie climat et dans la future programmation pluriannuelle de l'énergie, à horizon 2030 et 2035 sont en cours. En métropole, de nouveaux appels d'offres devront permettre de financer plus de 10 GW d'installations au cours des 5 prochaines années, soit un quasi doublement de la puissance déjà installée. Un nouvel appel d'offres est également prévu en zone non interconnecté en 2023 afin de permettre le développement de nouvelles capacités. Une extension du guichet tarifaire en métropole à 500 kWc a été mise en place par l'arrêté du 6 octobre 2021 pour accélérer le développement des nouveaux projets photovoltaïques sur bâtiment, hangars, ou ombrières. Cette même extension est prévue pour le guichet tarifaire en zone non interconnectée, avec une extension des territoires éligibles. Concernant le gel des tarifs des guichets porté par l'arrêté de juillet 2022 puis prolongé par l'arrêté du 8 févier 2023, il a été mis en place afin d'apporter rapidement des solutions aux porteurs de projets, tout en laissant un intervalle de temps nécessaire à développer une solution pérenne. Ces dispositions pourraient être amenées à évoluer dans les prochains mois, en tenant compte évidemment des conditions économiques de développement des projets. Il a en parallèle été introduit une nouvelle formule d'indexation des tarifs prenant en compte le taux de la dette et les coûts de matière et main d'oeuvre. Cette indexation permettra d'offrir des conditions financières évoluant avec le contexte économique. Enfin, la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables promulguée en mars a permis de simplifier les procédures applicables et permettra de mobiliser les espaces délaissés ou artificialisés. Ces mécanismes s'insèrent dans une politique active de soutien aux énergies renouvelables en adéquation les objectifs de l'actuelle Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) en matière d'énergie photovoltaïque, qui sera révisée dans les prochains mois.

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