Question de Mme de LA GONTRIE Marie-Pierre (Paris - SER) publiée le 06/10/2022

Question posée en séance publique le 05/10/2022

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la Première ministre, le 3 mars 2017, Emmanuel Macron affirmait publiquement un principe : tout ministre mis en examen devra quitter le Gouvernement. Cet engagement fut repris par Édouard Philippe, Premier ministre, et fut appliqué – François Bayrou se le rappelle, puisqu'il dut quitter sa fonction de garde des sceaux quelques jours après sa nomination.

Quelques années plus tard, nous apprenons – c'était il y a deux jours – que le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, ici présent, est renvoyé devant la Cour de justice de la République pour des faits commis pendant l'exercice de ses fonctions comme ministre de la justice.

Et… rien ! Simplement la réaffirmation de la confiance que, madame la Première ministre, vous lui accordez. Quel motif explique que le principe affirmé par le Président de la République soit désormais renié ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)


Réponse du Ministère auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement publiée le 06/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 05/10/2022

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations sur plusieurs travées.)

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Je vous remercie pour votre question, madame la sénatrice. Puissiez-vous être aussi prompte à dédouaner une personne qui, une fois mise en examen, serait innocentée que vous l'êtes aujourd'hui, dans cet hémicycle, à demander son exclusion pour le simple motif qu'elle est mise en examen, donc par définition loin d'être condamnée.

Madame la sénatrice, il est souvent fait référence à la jurisprudence du gouvernement Balladur qui avait donné lieu à l'éviction systématique de tout ministre mis en examen. Je ne veux pas vous dire de bêtises, mais il me semble que, sur les quatre ministres contraints à l'époque à la démission, parce que mis en examen, un seul avait été condamné – trois auront donc été privés injustement, en tout cas aux yeux de la justice, de la capacité de servir l'intérêt général et l'État.

M. Rachid Temal. Dites-le au Président !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Madame la sénatrice, gardons-nous de jeter un opprobre systématique sur les serviteurs de l'État sous prétexte qu'ils ne partageraient pas nos idées politiques. (Protestations.) Le nuage radioactif qui découle de telles attaques irradie finalement l'ensemble de la classe politique et des serviteurs de l'État. En définitive, c'est la démocratie elle-même qui s'en trouve attaquée et affaiblie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP et UC.)

Le législateur, dans sa grande sagesse, a souhaité modifier la loi pour remplacer le terme « prévenu » par l'expression « mis en examen ». Si vous lisez les comptes rendus des débats du Sénat, on comprend – c'est intéressant – que le mot « prévenu » semblait trop préjuger du fait que la personne était coupable ou responsable de ce qui lui était seulement reproché à ce stade, tandis que l'expression « mis en examen » disait les choses plus justement : on regarde s'il y a lieu ou non de prononcer une culpabilité.

À ma connaissance, personne n'a été condamné dans l'affaire que vous évoquez, madame la sénatrice. Qui plus est, il y a un pourvoi en cassation, ce qui veut dire que, de manière factuelle et à l'heure où je vous parle, M. Dupond-Moretti n'est même plus mis en examen (Protestations sur les travées du groupe SER.) parce que cette mise en examen a été suspendue, en attendant la décision de la Cour de cassation.

J'espère, madame la sénatrice, avoir répondu à votre question. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Tout d'abord, je note que le ministre qui a répondu au nom du Gouvernement désavoue le Président de la République et Édouard Philippe, Premier ministre. Dont acte ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Ensuite, je crains – je le dis avec solennit頖 que vous n'ayez pas très bien compris ce qui est en train de se passer. Nous parlons d'éthique gouvernementale, nous parlons du fait que, tous ici, nous sommes considérés par les citoyens français comme des personnes qui ne sont pas honnêtes. Nous avons besoin de réaffirmer l'éthique en politique !

Je citerai simplement ce qu'a dit François Bayrou, lorsqu'il a démissionné du Gouvernement ; je pense que ce sera la réponse la plus efficace : « Je pars, car je choisis de ne pas exposer le Président de la République et le Gouvernement que je soutiens. » Or c'est exactement ce qui est en train de se passer.

Un garde des sceaux renvoyé devant la Cour de justice de la République pendant l'exercice de ses fonctions, c'est totalement inédit, et cela va alimenter encore plus le populisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

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