Question de Mme CONWAY-MOURET Hélène (Français établis hors de France - SER) publiée le 06/10/2022

Question posée en séance publique le 05/10/2022

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Hélène Conway-Mouret. Notre diplomatie revendique d'avoir des partenariats privilégiés avec l'Afrique. Si l'actualité la plus récente oblige à en douter, je concède néanmoins qu'il existe bien des échanges humains, culturels, éducatifs et économiques intemporels. Or la décision, prise par le Président de la République en conseil de défense voilà un an, de réduire le nombre de visas de 50 % pour les ressortissants marocains et algériens et de 30 % pour les Tunisiens touche précisément ceux qui tissent et entretiennent de tels liens.

Une telle politique du chiffre, qui se veut la démonstration de votre volonté de réduire l'immigration, a deux conséquences délétères.

D'abord, elle est vécue comme une punition collective par ceux qui ne présentent aucun risque migratoire et qui, pour certains, se rendent en France depuis des décennies à des fins familiales ou professionnelles. Les perdants se sentent humiliés et en expriment une aigreur et un ressentiment ; la presse nationale s'en faisait encore l'écho ce matin.

Ensuite, ce sont des appels d'offres perdus, parce que l'investisseur étranger n'obtient pas le visa nécessaire. Il se tourne alors vers un autre pays plus accueillant. L'Espagne, l'Autriche, l'Italie en tirent aujourd'hui des bénéfices économiques et vous en remercient.

De toute évidence, les mesures mises en place depuis un an se révèlent inefficaces. Les États concernés n'ont pas accepté de reprendre leurs ressortissants en situation irrégulière. L'immigration illégale n'a toujours pas cessé. Quant aux effets politiques et électoraux que vous en attendiez, les dernières élections auront montré la vanité de votre démarche.

Il est temps de laisser de nouveau le soin aux personnels expérimentés de nos consulats d'instruire toutes les demandes dont ils sont saisis et de refuser celles qui doivent l'être.

Il est temps de négocier des accords bilatéraux en matière d'immigration. Sans cela, le tissu affectif et charnel qui nous lie à l'Afrique disparaîtra, et ce sans lendemain. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 06/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 05/10/2022

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, trois pays du Maghreb, la Tunisie, l'Algérie et le Maroc, ont fait l'objet, depuis le mois de septembre 2021, de mesures restrictives sur la délivrance des visas.

De telles mesures ont été décidées par le Gouvernement – vous l'avez rappelé, madame la sénatrice – en réponse au constat d'une forte baisse du nombre de laissez-passer consulaires délivrés par ces pays dans le cadre des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre des étrangers en situation irrégulière sur notre territoire par le ministère de l'intérieur.

Je tiens à le souligner, les discussions récentes entre le ministre de l'intérieur français et ses homologues des pays concernés en matière de coopération migratoire sont positives ; il y a eu une réelle amélioration. Elles se poursuivent de manière constructive. Avec le ministre de l'intérieur, nous nous réjouissons. Des progrès ont été accomplis, encore tout récemment avec le Maroc. Nous souhaitons pouvoir continuer d'avancer, afin de mettre un terme à une telle situation.

Je veux également rappeler que les mesures restrictives avaient été mises en œuvre avec le souci de préserver au maximum les publics prioritaires, notamment les étudiants, les entrepreneurs, les artistes ou d'autres.

Enfin, au-delà du sujet spécifique des mesures concernées et de leur évolution en cours ou à venir, je ne méconnais pas l'enjeu des délais de traitement des demandes de visa dans nombre de nos consulats. Ils sont effectivement parfois trop longs – nous l'entendons de tous côtés –, mais c'est parce que nous sortons de deux années contraintes par la pandémie de covid-19. Mon ministère est mobilisé pour les réduire. J'ai décidé que des renforts seraient envoyés dans les pays qui en ont le plus besoin. Nous créerons rapidement un centre de soutien spécifique dédié à ces missions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.

Mme Hélène Conway-Mouret. Au vu de la montée du sentiment anti-français sur le continent africain, je crois qu'il est urgent d'agir. À mon sens, lorsque la politique migratoire touche aux relations entre États, elle ne peut pas être du ressort du seul ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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