Question de M. DEMILLY Stéphane (Somme - UC) publiée le 06/10/2022

Question posée en séance publique le 05/10/2022

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Stéphane Demilly. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Bamako, Bangui, Yaoundé, Dakar, N'Djamena, et, samedi dernier, Ouagadougou : partout en Afrique, le sentiment anti-français grandit et se manifeste de plus en plus violemment.

Les contestataires, d'une part, exigent le retrait des institutions françaises de la gestion du franc CFA et, d'autre part, s'opposent à la présence militaire de notre pays sur leur continent. Les réseaux sociaux, massivement utilisés dans une guerre de l'information et de la manipulation, amplifient évidemment le phénomène. Et la présence sur le continent africain de puissances comme la Chine ou la Russie contribue à changer la donne. La Russie se présente ainsi comme un partenaire alternatif face à l'impasse militaire française au Sahel, via une société paramilitaire privée que je n'ai pas besoin de nommer. Ironie de l'Histoire, nous avons vendu l'immeuble du ministère de la coopération à des Russes, qui l'ont eux-mêmes ensuite revendu à l'État chinois pour abriter son ambassade. Certains y voient un symbole de notre politique à l'égard de l'Afrique.

Bref, il y a, et vous le savez mieux que quiconque, une spirale exponentielle d'un sentiment et d'actes anti-français sur place. Les milliards d'euros d'aide publique au développement ne changent pas la donne, car ce jugement est irrationnel, et le malaise extrêmement profond.

Par maladresse peut-être, par manque de communication assurément, nous ne parvenons pas à convaincre ou tout simplement à rassurer les populations locales sur nos louables intentions. Il y a vingt ans, en Afrique, les slogans anti-français étaient du style : « On en a marre ! » ; aujourd'hui, le slogan récurrent est : « France dégage ! ». Nous sommes donc en droit de nous inquiéter sur la nature du slogan de demain.

Madame la ministre, comment interrompre un tel processus de dégradation de l'image de notre pays, qui a des répercussions directes sur nos entreprises présentes sur place – on leur laisse parfois quarante-huit heures pour quitter le territoire ! – et sur nos quelque 250 000 compatriotes expatriés présents sur ce continent ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 06/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 05/10/2022

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Demilly, vous avez raison, la France est victime d'une scandaleuse campagne de désinformation en Afrique, dans laquelle certains se laissent entraîner et qui produit des effets nocifs. Nous prenons ce phénomène très au sérieux. Nous allons y répondre, mais pas en recourant aux instruments de ceux qui cherchent à nous nuire. Nous allons tout simplement dire et répéter la vérité.

La vérité, c'est que la France a doublé son aide publique au développement depuis 2017 et que celle-ci est très largement concentrée dans les pays d'Afrique les plus fragiles.

La vérité, c'est que nous agissons concrètement dans la lutte contre le changement climatique, pour la santé, pour le renforcement des systèmes agricoles.

La vérité, c'est que nous soutenons la culture, le sport, la jeunesse, l'éducation, les entrepreneurs.

La vérité, c'est aussi que nous nous interdisons toute ingérence, comme nous l'avons montré au Burkina Faso ces derniers jours.

Malgré cela, oui, nous sommes la cible de campagnes de désinformation. Elles sont orchestrées, professionnelles, peut-être organisées ; je ne reviens pas sur vos propos.

Nous y répondrons en mettant mieux en valeur ce que le partenariat avec la France apporte aux pays qui en font le choix.

Tel est le sens du programme de renforcement de nos capacités de diplomatie publique en Afrique, lancé cet été seulement au sein de mon ministère. Ce programme nous permettra de rappeler les paramètres du partenariat avec la France : un partenariat respectueux, d'égal à égal, avec les États comme avec les sociétés civiles et qui peut aussi s'appuyer – nous le ferons – sur les diasporas présentes chez nous. (M. François Patriat applaudit.)

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