Question de M. DURAIN Jérôme (Saône-et-Loire - SER) publiée le 13/10/2022

Question posée en séance publique le 12/10/2022

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. Monsieur le ministre de l'intérieur, la commission des lois du Sénat a décidé la création d'une mission d'information pour examiner l'opportunité de la réorganisation de la police judiciaire (PJ).

On aurait pu imaginer que cette initiative, qui a inspiré l'Assemblée nationale, vous permette de recréer les conditions d'un dialogue serein. Que constate-t-on un mois après ?

La mobilisation de la PJ, que le directeur général de la police nationale (DGPN) a minorée, ne faiblit pas. Fâché par une vidéo, ce dernier a d'ailleurs limogé le patron de la PJ marseillaise. Résultat : la contestation s'étend et devient visible dans la rue.

Vous citez des rapports parlementaires et des ministres pour justifier votre réforme. Mais aucun de ces rapports ni aucun de vos prédécesseurs n'était parvenu à inquiéter l'ensemble de la PJ. Même la PJ parisienne, dont vous rappelez qu'elle n'est pas concernée, soutient le mouvement.

Vous incriminez la proximité des élections syndicales pour justifier ce climat, tout en affirmant que l'ensemble des syndicats soutient votre réforme…

Hier, même les très discrets procureurs généraux ont renouvelé leur opposition à cette réforme, considérant que ce projet constitue une « remise en cause de la place accordée à l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle dans un État de droit ».

Monsieur le ministre, n'est-ce pas le moment de revoir votre copie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)


Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 13/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 12/10/2022

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, le Sénat examine en ce moment même, dans un esprit constructif, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

Nous avons déjà eu de longs débats sur cette question, mais il me semble important de revenir sur la réforme nécessaire de la police nationale, souhaitée depuis plus de trente-cinq ans par au moins sept rapports sénatoriaux, de toutes tendances politiques, et engagée sur l'initiative du ministre Joxe.

Le 26 novembre 1990, ce dernier déclarait devant le Sénat – je cite le compte rendu des débats : « Le fait de nommer […] des directeurs départementaux de la police nationale a été accueilli avec curiosité, parfois avec inquiétude, y compris chez certains fonctionnaires de la police nationale, notamment les commissaires.

« Cette expérience ne porte en rien atteinte au principe fondamental selon lequel la police judiciaire est à la disposition de la justice et travaille sous le contrôle du Parquet ou sur les instructions d'une commission rogatoire délivrée par un juge.

« Aujourd'hui, les services de la police judiciaire sont placés sous l'autorité des chefs de service régionaux de police judiciaire et du directeur central de la police judiciaire. Le préfet, en tant que chef de l'ensemble des services de l'État et parfois des services du ministère de l'intérieur dans le département, aura autorité sur eux, dans l'exacte mesure où il peut avoir autorité sur des services de fonctionnaires, jusqu'au moment précis où ces derniers se trouvent placés, de par la loi, sous l'autorité de la justice. À cet égard, rien ne sera modifié. »

Il est vrai que c'est M. Pasqua qui a mis fin à cette excellente réforme… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.

M. Jérôme Durain. Monsieur le ministre, vous me renvoyez à ce qui s'est passé voilà trente ans ; je vous parle d'aujourd'hui.

Notre mission sénatoriale se prononcera au fond, mais, a minima, il y a un problème de méthode. Les policiers ne réagissent pas par corporatisme. Ce qui est en jeu, c'est la séparation des pouvoirs et le modèle français d'enquête.

M. Gérald Darmanin, ministre. Mais non !

M. Jérôme Durain. Placer la police judiciaire sous l'autorité du préfet, c'est courir le risque d'abandonner les enquêtes complexes, la lutte contre la criminalité organisée, devant le flux inexorable du quotidien.

Monsieur Darmanin, nous connaissons votre grand talent. Mais aujourd'hui, à part vous, personne ne semble soutenir cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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