Question de Mme DEMAS Patricia (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 06/10/2022

Mme Patricia Demas attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales sur les difficultés que rencontrent les collectivités à obtenir des propriétaires défaillants d'immeubles identifiés comme dangereux, le remboursement des frais qu'elles doivent engager pour faire cesser le péril.
Si le principe est clairement rappelé par l'article L.511-2-V du code de la construction et de l'habitation : « Lorsque la commune se substitue au propriétaire défaillant et fait usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus, elle agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais », il n'est pas rare que la commune ait le plus grand mal à récupérer les sommes engagées, parfois très considérables.
En l'espèce, la commune de Bonson a, comme de nombreuses communes des Alpes-Maritimes, été touchée par la déferlante de la tempête Alex en octobre 2020, et reconnue en état de catastrophe naturelle.
Quelques jours après le passage de la tempête, des administrés avaient alerté le maire sur l'état préoccupant d'un bâtiment privé, situé sur le quartier historique du village et mitoyen de plusieurs habitations. La structure de ce bâtiment à l'état d'abandon, semblait avoir bougé. En urgence, la commune diligentait une entreprise spécialisée qui a conclu à la dangerosité du bâtiment, un constat entériné par acte d'huissier.
Or le propriétaire, une société civile immobilière domiciliée à Monaco, n'a donné aucune suite aux différents courriers que la mairie lui a adressés.
La commune a dès lors lancé une procédure de péril imminent auprès du tribunal administratif qui a statué en référé et mandaté un expert pour décrire la nature et l'étendue des désordres affectant le bâtiment, menaçant de s'effondrer sur des habitations extrêmement proches, de dresser le bilan et de déterminer les mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril éventuellement constaté.
L'expert a conclu à un péril grave et imminent et a entériné le relogement anticipé d'une des propriétaires mitoyennes de ce bâtiment.
Malgré de nombreuses relances le propriétaire n'a pas fait cesser le péril.
La commune se voit donc dans l'obligation d'entamer les travaux de sécurisation de ce bâtiment, dont elle n'a guère de perspectives de se voir remboursée, auprès d'une société domiciliée à l'étranger et qui demeure muette, y compris à la proposition d'achat du bien qui lui a été faite.
La commune doit prendre à sa charge la sécurisation de ce bâtiment ainsi que tous les frais annexes (frais d'huissier, d'expertise et d'avocats ….), dans l'incompréhension des riverains ayant dû quitter leur domicile du fait du danger, et pourtant relogés aux frais de la commune.
Cette situation est intolérable, moralement déjà, et aussi pour les finances de cette commune rurale aux ressources contraintes et pourtant tenue par cette obligation qui lui incombe aux termes l'article L.511-2-V du code de la construction et de l'habitation précédemment cité.
Il n'est pas acceptable de devoir faire supporter à l'ensemble des administrés une charge de plusieurs centaines de milliers d'euros, comme c'est le cas en l'occurrence.
Elle souhaite savoir si le Gouvernement n'envisage pas une évolution de la législation, dans le sens par exemple d'une cession automatique et à titre gracieux du bien lorsque le propriétaire ne se manifeste pas au terme d'un délai défini, ce qui réduirait les délais et allègerait les finances des collectivités, ou tout autre mécanisme d'assistance à ces dernières dans leur action récursoire pour espérer obtenir remboursement des frais engagés en lieu et place d'un propriétaire défaillant.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 30/11/2022

Réponse apportée en séance publique le 29/11/2022

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 182, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.

Mme Patricia Demas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les difficultés que rencontrent les communes rurales à obtenir des propriétaires défaillants d'immeubles identifiés comme dangereux le remboursement des frais qu'elles doivent engager pour faire cesser le péril.

En l'espèce, le maire de la commune de Bonson, dans les Alpes-Maritimes, touchée par la déferlante de la tempête Alex en octobre 2020, avait été alerté sur l'état préoccupant d'un bâtiment privé à l'abandon, situé en cœur de village et fortement fragilisé par l'événement.

Face à cette situation, le maire diligentait en urgence une entreprise spécialisée, qui concluait à la dangerosité du bâtiment et en avertissait le propriétaire, une société civile immobilière domiciliée à Monaco, qui n'a donné aucune suite, malgré les relances de la mairie.

Dès lors, la commune saisissait le tribunal administratif, qui concluait à un péril grave imminent, en même temps qu'il entérinait le relogement anticipé d'une des propriétaires mitoyennes du bâtiment.

Finalement, Bonson, qui compte 730 habitants, s'est vu dans l'obligation de réaliser, sur ses seuls deniers, des travaux de sécurisation colossaux, qui représentent un tiers de son budget annuel, avec peu d'espoir d'en obtenir le remboursement, dans la mesure où cette société civile immobilière, domiciliée à l'étranger, demeure muette, y compris à la proposition d'achat du bien qui lui a été faite.

Dans le cas d'espèce, Bonson ne peut prétendre à aucune subvention. Une telle situation n'est pas acceptable, moralement et financièrement.

Aussi, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur cette problématique particulière, malheureusement courante dans les villages, et les évolutions qu'il pourrait entreprendre en faveur des communes rurales qui y sont confrontées et qui ont grand besoin d'accompagnement et de soutien, pour ne pas fragiliser encore plus leur budget ou le mettre en péril, comme c'est malheureusement le cas de Bonson. (M. François Bonhomme applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Demas, le Gouvernement est fortement engagé dans la lutte contre l'habitat indigne aux côtés des collectivités.

Une ordonnance de 2020 a ainsi refondu le cadre juridique, unifiant plus d'une dizaine de procédures de police administrative utilisées en matière de lutte contre l'habitat indigne, dont la police du péril. Cette nouvelle police permet d'intervenir plus rapidement et plus efficacement sur les situations d'habitat indigne.

À ce titre, le maire peut saisir le tribunal administratif pour obtenir la nomination d'un expert dépêché sur place pour dresser la liste des désordres et des mesures nécessaires pour y remédier.

Sur le plan financier, les communes bénéficient d'un soutien fort de la part de l'Agence nationale de l'habitat, qui finance 50 % du montant des travaux d'office exécutés sur le fondement d'un arrêté de mise en sécurité. Ce taux est majoré à 100 % sur six départements dits « territoires d'accélérations », dont le département des Alpes-Maritimes.

Par ailleurs, il existe différents dispositifs permettant aux communes d'acquérir des logements indignes dans des conditions facilitées. C'est notamment le cas de l'expropriation simplifiée pour les logements frappés d'un arrêté de mise en sécurité comportant une prescription d'interdiction définitive d'habiter ou de démolition.

Ainsi, en l'espèce, la commune de Bonson peut étudier l'opportunité de lancer une procédure ordinaire de mise en sécurité comportant une interdiction définitive d'habiter, afin d'engager ensuite une expropriation pour acquérir plus facilement le bien immobilier.

S'agissant enfin du recouvrement auprès du propriétaire, le comptable public de la commune peut exercer toutes les voies de droit à sa disposition.

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