Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 27/10/2022

M. Guillaume Gontard interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie sur le fonctionnement des conseils stratégiques de filière.

La désindustrialisation de la France est un fait que regrette aujourd'hui une large majorité de nos concitoyens et des responsables politiques. La chute de l'activité industrielle constatée depuis plusieurs décennies prive en effet notre pays d'emplois qualifiés et bien rémunérés, mine notre balance commerciale et accroît la pollution par le transport de biens manufacturés qu'elle suscite. En outre, la dépendance de la France à l'égard d'autres pays pose des problèmes stratégiques évidents, comme l'a illustré la crise sanitaire.

Plutôt qu'une multiplication des aides aux entreprises sans contreparties, la réindustrialisation de la France nécessite une étroite coordination entre tous les acteurs (État, multinationales, start-ups, petites et moyennes entreprises -PME- et entreprises de taille intermédiaire -ETI-, syndicats, chercheurs, voire usagers) pour définir les besoins prioritaires, repérer les manques de chaque filière et les combler. Une activité industrielle n'a en effet de sens que dans le cadre d'une filière impliquant fournisseurs, clients et autres partenaires. Mis en place en 2013, les conseils stratégiques de filières (CSF), qui couvrent aujourd'hui 19 domaines stratégiques, semblent le lieu idéal pour mener cette coopération. Ils regroupent en effet tous les acteurs en question, ainsi que des représentants des ministères concernés et un membre du conseil national de l'industrie (CNI), chargé de la coordination entre tous les projets.

Cependant, ces CSF sont entravés par leur mode de gouvernance. Présentés comme des lieux de concertation, ils sont en réalité présidés par les représentants patronaux, qui, par essence, ont leur propre agenda industriel. Par ailleurs, soumis à la logique de profit, ces derniers sont largement responsables de la désindustrialisation aujourd'hui déplorée. Une autre gouvernance, plus collégiale, semble donc nécessaire afin d'impliquer toutes les parties prenantes, y compris des représentants des utilisateurs finaux des produits industriels, dont les retours sont essentiels pour une politique industrielle réussie. Pour cela, la présidence des CSF pourrait être tournante et les décisions prises à la majorité. Par ailleurs, les contrats de filières rédigés par les CSF devraient systématiquement tenir compte du travail mené par d'autres instances, telles que France Stratégie, le haut-commissariat au Plan ou les rapports parlementaires. Enfin, les CSF sont aujourd'hui dépourvus de moyens financiers propres, ce qui en fait des coquilles vides. L'attribution d'un budget propre leur assurerait les ressources nécessaires à un fonctionnement pérenne et optimal.

Ainsi, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement en matière de réforme des CSF, afin de faire de ces outils de véritables organes stratégiques de la réindustrialisation.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie publiée le 23/02/2023

Le CNI est une instance tripartite qui réunit les industriels, la société civile (organisations syndicales, personnalités qualifiées) et l'administration. Concernant le budget, ni le CNI, ni les comités stratégiques de filières (CSF) ne disposent effectivement de budget propre et nous souhaitons conserver cette approche. Cependant, une vingtaine d'agents de la direction générale des entreprises sont amenés à contribuer aux travaux des CSF (en établissant des contrats ou en suivant des projets). De plus, cela n'empêche pas d'accompagner la mise en œuvre de projets concrets, par exemple : Les programmes Accélérateurs de Bpifrance, une offre qui consiste à accompagner pendant 18 mois les équipes de direction de PME (petite et moyenne entreprises) ou ETI (entreprises de taille intermédiaire). Depuis 2017, ce sont plus de 500 entreprises des CSF aéronautique, automobile, agroalimentaire, bois, chimie & matériaux, eau, construction, industries de la mer, industries et technologies de santé, mode & luxe, nouveaux systèmes énergétiques, solutions pour l'industrie du futur, transformation et valorisation des déchets, qui ont été accompagnées. Le ministère de la transition énergétique, le ministère de l'industrie, le secrétariat général à l'investissement et l'ADEME (agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) ont soutenu le CSF Nouveaux Systèmes Energétiques qui a lancé la plateforme Je-decarbone, en partenariat avec l'alliance ALLICE (alliance industrielle pour la compétitivité et l'efficacité énergétique) et le CEA (commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) et une trentaine d'associations clés du secteur de l'énergie et du développement économique. Cette plateforme met en relation les industriels avec les différents offreurs de solutions de décarbonation ou d'économies d'énergie. Enfin, la nouvelle feuille de route du conseil national de l'industrie (CNI), adoptée lors du comité exécutif du 12 décembre, fait de la transition écologique, la ré-industrialisation du pays et l'évolution des compétences les trois priorités du CNI. Notamment, quatre groupes de travail sont créés au sein du CNI afin de renforcer les coopérations inter-filières sur ces sujets : Groupe de travail « Décarbonation de l'industrie » pour poursuivre le chantier des « feuilles de route décarbonation 2030-2050 », déjà engagé par les CSF depuis 2018, et assurer la coordination entre les travaux de planification écologique ; Groupe de travail « Economie circulaire » pour identifier les projets structurants qui seront portés par les CSF pour accélérer leurs transformations dans ce domaine. Les filières pourront ainsi être plus résilientes et compétitives sur les marchés qui exigeront une empreinte environnementale réduite ; Groupe de travail « Transition écologique des chaînes logistiques » pour définir des leviers d'action en faveur de la compétitivité des transports et de leur décarbonation. Les filières industrielles sont des acteurs indispensables : plus des 2/3 du transport de marchandises par route est lié à l'industrie ; Groupe de travail « Compétences et attractivité des métiers de l'industrie » : co-animé avec le ministère du travail, il poursuit le double objectif : de développer l'attractivité de l'industrie et de répondre aux tensions de recrutement de court terme ; d'aider les CSF à préparer sur le long terme l'évolution des emplois et des compétences liée à la transition écologique. Enfin, avec cette feuille de route, le CNI prend l'engagement de favoriser la concertation entre tous les acteurs industriels, d'accroître la solidarité entre donneurs d'ordre et sous-traitants et d'assurer la représentativité des instances du CNI et des CSF. Il encouragera donc une évolution de la composition des bureaux et des groupes de travail des CSF afin de permettre aux ETI / PMI et aux start-ups industrielles d'être davantage impliquées dans les travaux des filières.

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