Question de Mme LAVARDE Christine (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 17/11/2022

Mme Christine Lavarde attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur la nécessité d'encadrer les installations et le fonctionnement de « dark stores » et de « dark kitchens ».
Cette nouvelle forme de commerce garantit une livraison de courses ou de repas préparés en moins de quinze minutes, au moyen d'une application web dédiée, à partir d'anciens locaux commerciaux transformés pour l'entreposage, le stockage et la préparation des livraisons ou des repas, sans accueil du public.
Afin de tenir la promesse d'une livraison rapide, les entreprises du secteur doivent disposer d'un maillage très serré de « dark stores », qui ont une fonction uniquement logistique. Elles se développent en particulier dans les centres de grandes villes.
Si la liberté de commerce est un principe intangible de notre droit, la multiplication de ces installations modifie la physionomie des centres-villes et pose de nombreuses difficultés : stationnement abusif, encombrement voir privatisation de l'espace public, nuisances sonores des deux roues des livreurs, gaz à effet de serre induits par ces livraisons, odeur des cuisines, atteintes à la concurrence des autres commerces, abords anxiogènes, saleté, risques pour la sécurité routière, non-respect du droit du travail, etc.
Face à la montée de ce phénomène, les villes tentent de s'organiser et le Gouvernement a édité un guide à destination des communes, qui recense les outils juridiques à leur disposition pour réglementer ces installations. Ces outils sont cependant insuffisants et inefficaces, notamment car ils s'inscrivent dans le temps long de la révision des documents d'urbanisme, pour faire face aux nombreuses nuisances engendrées par ces « dark stores ».
Elle souhaiterait savoir comment le Gouvernement entend réguler cette nouvelle activité et quels leviers d'action supplémentaires il entend donner aux maires afin d'encadrer l'installation de ces dark stores et de veiller au maintien de la tranquillité publique, de la sécurité, de la salubrité et de l'hygiène sur leurs territoires.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie publiée le 15/02/2023

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2023

Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, auteur de la question n° 259, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, je ne vous présenterai pas les dark stores, les dark kitchens et les nuisances que ces structures engendrent – je suis sûre que vous les connaissez.

J'irai droit au but en vous posant deux questions.

Tout d'abord, quelle est la qualification juridique de ces locaux ? Sont-ils considérés comme des entrepôts, des commerces ou bien, ainsi que les a qualifiés le tribunal administratif de Paris au mois d'octobre 2022, comme des espaces de logistique urbaine ? Celui-ci a justifié cette définition par le fait que ces endroits permettaient de diminuer le trafic de camions et le nombre de points de livraisons dans Paris intra-muros.

Par ailleurs, quid de la promesse de régulation du secteur ? Au cours de l'été, les élus ont découvert par voie de presse un projet de texte réglementaire, ce qui a suscité des propos parfois vindicatifs. Le Gouvernement a alors décidé d'organiser rapidement une concertation, qui a abouti à l'annonce, par un communiqué de presse publié le 6 septembre dernier, de la mise en place rapide d'une réglementation par arrêté ministériel. Six mois plus tard, nous l'attendons toujours : quelle est la cause de ce retard ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie. Madame la sénatrice, le commerce rapide consiste en l'achat de produits livrés chez vous en quelques minutes. Les dark stores, comme les dark kitchens, sont la pierre angulaire de cette nouvelle forme de commerce. Il faut les distinguer des drives, où le consommateur se déplace, de la même manière que pour un commerce classique.

Depuis quelques mois, le modèle du quick commerce fait débat. Tout d'abord, son équilibre économique est loin d'avoir été trouvé. Si neuf acteurs se partageaient le marché à Paris il y a un an, il n'y en a plus que trois aujourd'hui et tous les plans de développement ont été gelés. Ensuite et surtout, ce type de commerce engendre des nuisances de voisinage et interroge notre modèle de société et de consommation.

Avec Olivier Klein et les associations d'élus locaux, je me suis engagé à ce que ces activités fassent l'objet d'une nouvelle régulation, qui sera entérinée dans un arrêté à paraître dans les prochains jours.

Ainsi, pour répondre de manière très concrète à vos questions, les dark stores seront intégrés dans la sous-destination d'urbanisme « entrepôts », qu'ils aient ou non un point de retrait, ce dernier critère permettait jusqu'à présent de les considérer comme des commerces.

En ce qui concerne les dark kitchens, leur activité est tellement spécifique que nous allons créer une catégorie ad hoc, ce qui a été également accepté par les élus.

Nous entendons donc réglementer l'implantation des dark stores et des dark kitchens, afin de permettre aux élus locaux de disposer d'outils pour les réguler, voire les interdire. Ainsi, les plans locaux d'urbanisme (PLU) donnant lieu à un zonage, les élus pourront autoriser, autoriser sous conditions ou interdire les dark stores comme les dark kitchens dans telle ou telle zone.

Ces outils, qui seront efficaces, ne seront pas les seuls à la disposition des élus. Par exemple, lorsqu'un opérateur achètera un commerce pour le transformer en dark store, il devra solliciter l'accord préalable de la commune.

Enfin et surtout, les maires disposent d'ores et déjà de pouvoirs de police leur permettant de réglementer les externalités négatives des dark stores, que ce soit en matière de regroupement de personnes devant un local, d'interdiction de stationnement ou même de régulation de la circulation des deux-roues servant à la livraison.

Nous sommes vigilants à ce que les élus soient dotés d'un arsenal complet pour encadrer la prolifération de ces nouveaux commerces. À cet effet, un arrêté sera, je le répète, publié dans les prochains jours pour apporter des précisions.

Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. Vous annoncez un arrêté dans quelques jours… J'aurais préféré qu'il figure d'ores et déjà dans le système Solon, système d'organisation en ligne des opérations normatives, ce qui m'aurait assurée de l'imminence de sa publication ! En effet, vos collègues présents à la conférence de presse du 6 septembre dernier avaient également parlé de « quelques jours ».

Je me réjouis toutefois des deux catégories qui ont été retenues, car elles permettront de limiter l'implantation de ces commerces, qui sont réellement source de nuisances.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez de nouveau argué des pouvoirs dont disposent les maires pour réguler ces activités. M'employant à le faire au quotidien, je suis au regret de vous dire qu'il est impossible d'agir sans un véritable partenariat avec les entreprises qui utilisent ces locaux, notamment Deliveroo et Uber Eats, car cela nécessite la mise en place de solutions technologiques.

Il y a donc encore à faire. Il faut certes le droit, mais aussi la pratique. Au reste, nous avons besoin de cet arrêté, je vous en remercie donc. Je me montrerai toutefois très vigilante sur ces « quelques jours »…

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