Question de Mme CANAYER Agnès (Seine-Maritime - Les Républicains-A) publiée le 03/11/2022

Mme Agnès Canayer attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation de la filière de la pomme de terre.
Alors que la France est un pays producteur et exportateur de pommes de terre, culture au coeur d'un écosystème composé de secteurs divers (pharmaceutique, cosmétique, industriel) dépendant des débouchés multiples, les derniers prélèvements de terrain de l'union nationale des producteurs de pommes de terre soulignent une dégradation nette du rendement national pour l'année 2022 ainsi qu'à moyen et long terme.
La compétitivité de la filière a été particulièrement affectée par la sécheresse de l'été 2022 et par la hausse des coûts de l'énergie. Comme en témoigne, au sein des dépenses liés au stockage, l'augmentation considérable de 300 % des prix de l'électricité pour les contrats proposés en 2023.
Victime d'un effet ciseau entre d'une part, une baisse des rendements et d'autre part, une hausse des prix de production, la filière féculière traverse une période difficile et incertaine.
La remise en culture en 2023 est le défi immédiat pour éviter un repli trop important des surfaces cultivées, néfaste pour l'ensemble de l'écosystème de la filière féculière, notamment les industries de transformation dont la rentabilité est déjà fragilisée.
Aussi, elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement quant à sa réponse face à l'urgence de sauvegarder la production de pommes de terre en France.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 20/04/2023

La production française de pommes de terre féculières mobilise 1 500 producteurs dans les zones de grandes cultures du Nord et de l'Est du pays, où elle occupe plus de 20 000 hectares pour une production de 1 million de tonnes de pommes de terre en moyenne, qui permettent de fabriquer 200 000 tonnes de fécule par an dans les deux usines situées au coeur des deux zones de production. Elle constitue, comme la pomme de terre pour le frais et la pomme de terre d'industrie, une culture de diversification intéressante dans les assolements de grandes cultures de ces régions. Cette production est confrontée depuis plusieurs années à des difficultés structurelles liées au changement climatique avec la multiplication des années de stress hydrique, qui entraîne une forte variabilité et une baisse tendancielle des rendements. L'irrigation ne semble pas être une solution rentable pour cette culture dont la marge à l'hectare est inférieure à celle de la pomme de terre destinée au marché du frais ou de la pomme de terre d'industrie. À ces tendances, la crise de covid-19 a ajouté une difficulté conjoncturelle avec la fermeture des entreprises de restauration qui a entraîné un report des volumes de production des pommes de terre d'industrie vers la féculerie et une baisse importante des prix de la fécule qui en a résulté. Face à ces difficultés les producteurs tendent à se désengager des contrats passés avec les transformateurs et à abandonner cette culture dans leurs assolements, d'autant plus que les prix actuellement élevés des céréales et des oléagineux constituent une concurrence forte dans les choix d'assolement faits par les agriculteurs. La politique agricole commune (PAC) prévoit depuis 2015 une aide couplée avec une enveloppe annuelle de 1,8 million d'euros (Meuros), correspondant à un montant moyen de l'aide de 80 euros par hectare. Cette aide couplée a été maintenue dans le plan stratégique national pour la programmation 2023-2027 de la nouvelle PAC avec une enveloppe et un montant moyen à l'hectare inchangés, pour assurer un soutien de la filière pour les campagnes à venir. Face aux difficultés conjoncturelles liées à la sécheresse qui a sévi en 2022 et à la forte hausse des coûts des intrants, les producteurs de pommes de terre féculières peuvent bénéficier des soutiens mis en place par l'État, comme la mise en place d'un dégrèvement d'office de la taxe sur le foncier non bâti, le report d'échéances ou la prise en charge de cotisations sociales, le plan de résilience économique et sociale avec notamment la prolongation du dispositif de prêts garantis par l'État (PGE) qui peut concerner les agriculteurs et le guichet d'aide au paiement des factures d'électricité et de gaz, qui bénéficie aux industries féculières et peut être cumulé depuis le 1er janvier 2023 avec l'amortisseur électricité. Toutefois l'équilibre économique de la filière reste fragile. Le désengagement des producteurs, qui peuvent se tourner vers d'autres cultures plus rémunératrices, constitue un risque pour le maillon industriel dont les usines ne peuvent durablement fonctionner en sous- capacité. Face à cette difficulté le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est mobilisé et en contact régulier avec les acteurs de la filière pour trouver des solutions. Toutes les propositions ont été étudiées pour trouver une solution permettant de pérenniser une filière française d'excellence et largement exportatrice. Comme évoqué avec les professionnels, il n'est pas possible de créer un PGE spécifique à une filière ou un événement climatique, néanmoins comme indiqué précédemment les producteurs de pommes de terre ont la possibilité d'émarger au PGE Résilience qui est en place et pourrait soulager en urgence la trésorerie de producteurs touchés, compte-rendu du fait que les difficultés remontées correspondent à un problème de trésorerie lié à l'inflation des coûts de production (notamment engrais), qui se voit aggravé par l'impact de la sécheresse chez certains producteurs. Des travaux sont actuellement à l'étude dans l'objectif de trouver une solution pour compenser en partie les hausses de charges des producteurs de pommes de terre féculières subies depuis le début de la guerre en Ukraine. Enfin, l'État peut intervenir de façon efficiente en accompagnant les industriels du secteur fécule dans leurs projets d'investissement via France 2030, afin d'aider les industriels à dégager de nouveaux gains de compétitivité ou à conquérir de nouveaux marchés, et les pousser ainsi à augmenter le prix payé aux producteurs. Il convient de les inciter à déposer une demande en ce sens. Par ailleurs, a été annoncé, le 1er mars 2023, le plan de souveraineté fruits et légumes avec les acteurs de la filière, dont ceux de la pomme de terre y compris féculière. Afin d'élaborer ce plan et ces leviers d'action, des groupes de travail ont associé professionnels et services concernés au niveau transversal sur les grands axes stratégiques suivants : (1) protection des cultures, (2) compétitivité, investissements et innovation, (3) recherche, expérimentation, formation et renouvellement des générations, (4) dynamisation de la consommation de fruits et légumes dans le modèle alimentaire. Ce plan constitue un premier exemple concret de la méthode gouvernementale de planification écologique, afin d'anticiper et d'engager les transitions, au service de la souveraineté alimentaire. Il permet d'engager des transformations structurelles de la filière pour renforcer durablement sa capacité productive : renforcement de la résilience des vergers, agroéquipements innovants, recherche-développement et innovation. Il vise également à améliorer la protection des cultures. En plus du soutien financier du compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural (CASDAR) à la recherche, à l'innovation et à l'appui à la structuration des programmes opérationnels à hauteur de 120 Meuros par an, une priorisation des financements de France 2030 permettra d'accélérer et massifier l'innovation, pour qu'elle se déploie dans les territoires, au coeur des exploitations de fruits et légumes, de soutenir l'investissement dans la production et de favoriser la consommation de ces produits. Ces financements viendront compléter les crédits européens et nationaux mobilisés par les collectivités qui souhaitent s'engager dans ce plan, et par les filières. Ce plan pluriannuel se déploiera jusqu'à 2030, pour assurer une continuité dans l'action. Dès 2023, il va mobiliser 200 Meuros en faveur de la filière fruits et légumes, dont au moins 100 Meuros du guichet agroéquipements et une maximisation de l'enveloppe de France 2030 dédiée à la recherche-développement et innovation.

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