Question de Mme CARLOTTI Marie-Arlette (Bouches-du-Rhône - SER) publiée le 10/11/2022

Mme Marie-Arlette Carlotti interroge Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'implication de la France dans la constitution d'états civils fiables, et sur la contribution de la France au fonds créé par le groupe de travail pour l'agenda sur l'identité juridique de l'organisation des Nations unies (ONU).
L'identité juridique, c'est la première composante de l'existence réelle, et les conséquences sont dramatiques pour les personnes qui en sont privées.
D'après un rapport publié par le fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) en 2019, à l'échelle mondiale, un enfant de moins de cinq ans sur quatre n'est pas enregistré à la naissance, principalement en Asie du sud et en Afrique. Selon l'UNICEF, en Afrique subsaharienne, c'est un enfant sur deux qui n'est pas enregistré à la naissance. Pour ces enfants qui deviendront des adultes invisibles sans état civil, il n'y aura aucun accès aux droits les plus élémentaires, ils seront plus vulnérables aux trafics en tout genre, aux mariages forcés et à la prostitution.
Instauré par le secrétaire général de l'ONU en septembre 2018, le groupe d'experts sur l'identité juridique a laissé place à un groupe de travail pour l'agenda sur l'identité juridique co-présidé par l'UNICEF, le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le département des affaires économiques et sociales de l'ONU (DAES).
Pour améliorer les enregistrements à l'état civil dans les zones les plus complexes, le groupe de travail pour l'agenda sur l'identité juridique de l'ONU a identifié treize pays dans lesquels il convient de mener des actions de renforcement de l'état civil : le Cameroun, la Côte d'Ivoire, l'Éthiopie, la Guinée, le Kenya, le Liberia, le Mozambique, le Niger, le Nigeria, la République démocratique du Congo, le Sénégal, la Sierra Leone et la Zambie. Les experts ont également créé un fonds auquel la contribution de la France est grandement attendue.
Promouvoir l'enregistrement des naissances et la mise en place d'états civils fiables doit être une priorité de la politique de développement solidaire de la France. Sans existence légale, ces enfants et adultes sont privés d'accès à tous les droits, même celui d'être. L'enjeu est donc grand.
Elle lui demande ainsi qu'elle détaille le montant de la contribution que la France a alloué au fonds pour financer les actions du groupe de travail pour l'agenda sur l'identité juridique et quelles sont les actions que la France mène en faveur de la promotion de l'enregistrement des naissances est de la construction d'états civils fiables.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 29/12/2022

À la suite du rapport d'information parlementaire sur les enfants sans identité présenté en septembre 2020, la France a publié une feuille de route visant à améliorer l'universalité et la fiabilité de l'enregistrement des faits d'état civil pour la période 2021-2027, conformément à l'engagement du Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères devant l'Assemblée nationale en mars 2021. Cette feuille de route, validée par le co-secrétariat du comité interministériel pour la coopération et le développement international (CICID) en juin 2021, repose sur trois axes : - une approche fondée sur les droits humains, centrée sur l'accès à l'identité juridique comme condition d'accès aux droits, notamment pour les filles et les femmes ; - une approche intégrée, permettant d'aborder la problématique dans toutes ses dimensions et de l'articuler avec différents secteurs et outils (en particulier les identifiants nationaux, voire la biométrie) pour catalyser les résultats ; - une approche universelle et structurante, en vue de favoriser l'accessibilité de l'état civil à toutes les populations, de l'enfance à l'âge adulte et sur tous les territoires, du national au local. Dans ce cadre, trois grands objectifs sont poursuivis : - contribuer à accroître la mobilisation internationale et européenne en faveur de l'état civil et de l'identité juridique ; - renforcer la prise en compte de l'état civil dans l'aide publique au développement française ; - contribuer à une plus grande communication et sensibilisation sur les enjeux de l'état civil et de l'enregistrement des naissances. La loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (4 août 2021) réaffirme à plusieurs reprises l'engagement de la France en faveur de l'identité juridique, qui constitue une condition pour l'accès aux droits - comme l'éducation ou la santé - comme pour le développement économique et social d'un pays. La loi du 4 août 2021 engage également la France à contribuer au fonds de l'Agenda des Nations unies pour l'identité juridique. Toutefois, aucun fond n'a été créé à ce jour. En l'absence d'un tel instrument financier, la France ne peut effectuer une contribution. Pour répondre malgré tout à cet engagement, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) a approuvé la mise à disposition d'un expert technique international (ETI) auprès du Bureau régional de l'UNICEF en Afrique de l'Ouest et du Centre en appui à la mise en œuvre de cet Agenda. L'expert (e) est en cours de recrutement. En outre, le MEAE suit de près les avancées du groupe de travail des Nations unies pour l'agenda sur l'identité juridique. Des contacts réguliers sont entretenus avec son secrétariat et des échanges avec les autres États intéressés sont engagés afin de les mobiliser sur la thématique. D'autres actions sont menées par la France en matière d'état civil dans le cadre de la feuille de route : - un projet d'un montant d'un million d'euros dans le cadre du Fonds de solidarité pour les projets innovants (FPSI) est mis en œuvre par l'UNICEF au Sénégal, en République Démocratique du Congo et au Libéria. Lancé en septembre 2021 pour deux ans, il vise à définir une méthodologie d'accélération de l'enregistrement des naissances basée sur trois axes catalyseurs (interopérabilité avec les services de santé, décentralisation et numérisation), qui puisse être applicable et dupliquée quel que soit le profil d'un pays ou son contexte. - l'ambassade de France aux Comores finance un FSPI d'appui à la modernisation de l'état civil d'un montant d'un million d'euros. Lancé en mars 2021, ce projet vise à mettre en œuvre une première phase de modernisation de l'état civil aux Comores. Il présente à la fois le support des fondamentaux juridiques et organisationnels d'un état civil moderne et le préalable d'un programme plus ambitieux visant, ultérieurement avec des moyens plus conséquents, à la refondation et à l'informatisation de l'état civil. Ce projet permettrait donc, dans un second temps, la mise en œuvre d'une identité nationale biométrique appuyée sur l'état civil (registre central de la population, fournissant un numéro d'identification unique aux personnes), comme fondement de l'identité légale. - le MEAE a contribué à hauteur de 80 000 € à la campagne de sensibilisation « Mon nom est personne » menée conjointement par l'Union africaine et l'UNICEF en faveur de l'enregistrement des naissances sur le continent africain. - en 2021, une contribution de 50 000 € a été octroyée à l'UNICEF au Liberia, pour la mise en place de deux bureaux d'état civil au sein de centres de santé à Monrovia. - une subvention de 20 000 € a été octroyée en 2022 à l'ONG Regards de Femmes pour un projet d'appui à la délivrance d'actes d'état civil en soutien au renforcement de la participation des femmes aux processus électoraux en Côte d'Ivoire. - en 2021, le Centre de crise et de soutien (CDCS) du MEAE a financé un projet d'appui à la protection et au profilage des Personnes déplacées internes et des populations hôtes vulnérables au Burkina Faso à hauteur de 530 000 €. Ce projet a permis au CONASUR (organe étatique de gestion humanitaire et d'enregistrement des personnes déplacées internes) de délivrer 50 000 cartes nationales d'identité à des personnes déplacées internes n'ayant pas ou plus de documents d'identité. Le CDCS a également subventionné l'association camerounaise Tockem pour un projet dont l'un des volets a consisté à accompagner 800 déplacés internes pour l'obtention d'une Carte nationale d'identité et/ou d'un acte de naissance. La France appuie l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui a inscrit la question des enfants sans identité au rang de ses priorités à partir de 2020. Ainsi, l'organisation a publié une nouvelle version de son « Guide pratique pour la consolidation de l'état civil, des listes électorales et la protection des données personnelles » datant de 2014, pour en élargir le champ. Le MEAE a contribué à hauteur de 140 000 € au total, à l'élaboration et à la diffusion de cet outil en vue d'en favoriser l'utilisation, en particulier dans les pays prioritaires de l'aide française et les États membres de la Francophonie qui n'auraient pas encore établi un plan d'action national pour la modernisation de leurs systèmes d'état civil. La France a notamment participé à un atelier d'échange autour de ce « Guide pour la consolidation de l'état civil dans l'espace francophone : enjeux et perspectives pour les acteurs de la Francophonie » en juin 2022 au Togo, ainsi qu'à un colloque sur le lien entre état civil et égalité femmes-hommes en décembre 2022. Le MEAE est ainsi fortement impliqué dans la sensibilisation et la promotion de ses actions sur la thématique.

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