Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - SER) publiée le 24/11/2022

Mme Corinne Féret attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les inquiétudes soulevées par le projet de réforme de la police judiciaire (PJ).
En pratique, l'objectif de cette réforme serait d'en finir avec le fonctionnement « en silo » de la police. Pour ce faire, il est prévu de fusionner les effectifs de la sécurité publique, de la police aux frontières, du renseignement et enfin de la PJ sous l'autorité d'un unique directeur départemental de la police nationale (DDPN). Placé sous le préfet de département, ce dernier aurait autorité sur l'ensemble de ces services et les personnels de la PJ pourraient ainsi faire bénéficier de leur expertise tous les effectifs de cette nouvelle filière d'investigation.
Sur le terrain, ce projet de réforme fait l'unanimité contre lui. Tout d'abord, parce que, face à une délinquance toujours plus violente, organisée, puissante, mobile, et dotée de moyens technologiques et financiers considérables, tout le monde reconnaît que ce sont les enquêteurs de la PJ qui s'attaquent au haut du spectre de la criminalité, à côté et en complément de leurs collègues de la sécurité publique qui traitent de la petite et moyenne délinquance, dite « du quotidien ». La PJ a un réel savoir-faire en matière d'investigation au long cours, qu'il ne faudrait pas fragiliser. De même, la réduction à l'échelle départementale de la zone d'intervention et de recherche de la PJ pourrait poser une contrainte difficilement surmontable à la bonne réussite des enquêtes, compte tenu de l'inadéquation de cet échelon administratif avec la réalité des réseaux de criminalité opérant souvent à une échelle régionale, voire transfrontalière.
Dans le Calvados, les membres du service de PJ de Caen s'inquiètent d'autant plus que ce département, comme d'autres en métropole et en outre-mer, expérimente déjà la réforme, en l'espèce depuis mars 2022. Il est difficilement compréhensible de ne pas avoir attendu les résultats des audits sur les expérimentations territoriales lancées il y a deux ans avant d'envisager un quelconque élargissement. Surtout, il ne faudrait pas que la réforme en cours soit uniquement une réponse à la pénurie de certains personnels et à la recherche de résultats plus visibles en matière de délinquance « du quotidien » et de maintien de l'ordre. Car le résultat serait alors d'abîmer un outil qui fonctionne bien, la PJ.
Plus globalement, il convient de souligner que le Conseil supérieur de la magistrature a notamment tenu à rappeler que toute réforme touchant à la PJ dans un état de droit devait respecter un ensemble de garanties, corollaires indispensables du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire. Ces garanties sont notamment la direction et le contrôle de la PJ par les magistrats, directeurs d'enquête constitutionnellement garants des libertés, le libre choix du service d'enquête par les magistrats du parquet et les juges d'instruction. Elles sont encore la définition et la mise en oeuvre des politiques pénales sur les territoires par les procureurs généraux et les procureurs de la République et le respect du secret de l'enquête et de l'instruction.
Pour tenir compte de certaines critiques, la réforme, toujours en cours de construction, a semblé évoluer. L'échelon zonal, par exemple, serait préservé et il n'y aurait plus de départementalisation de la PJ, ni de modification de ses offices et antennes. Tout ceci reste, bien évidemment, à confirmer.
Considérant que ni la magistrature ni la PJ ne semblent demandeurs d'une telle réforme, elle lui demande donc de réexaminer ce projet en pleine concertation avec les parties prenantes afin de ne pas entraver le fonctionnement de notre justice.

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Transmise au Ministère de l'intérieur et des outre-mer


En attente de réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer.

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