Question de M. PACCAUD Olivier (Oise - Les Républicains-R) publiée le 01/12/2022

M. Olivier Paccaud attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les risques de dérives émanant de la loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte. Des associations d'élus s'inquiètent des possibilités de délations abusives et injustifiées auxquelles ils s'exposent et appellent à une vigilance accrue. Sans contester le bien-fondé des dispositions de cette loi permettant de renforcer les garanties offertes aux personnes qui signalent ou divulguent publiquement, dans l'intérêt public, des informations sensibles, l'association des maires de France redoute qu'elle porte atteinte au bon fonctionnement des services publics et de certaines collectivités.

Par ailleurs, conformément à une directive européenne, l'article 3 du texte impose aux organisations les plus importantes de se doter d'une procédure interne ad hoc de recueil et de traitement des signalements. Outre les administrations de l'État et les entreprises employant au moins 50 salariés, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre doivent dorénavant mettre en place cette procédure interne. Même si les communes et EPCI employant moins de 250 agents pourront mutualiser cette procédure, cette dernière fait craindre d'importantes charges organisationnelles.

Les représentants des élus ont, en outre, déploré que le Gouvernement n'ait pas souhaité prendre contact avec les associations représentatives, la concertation s'étant limitée à de brefs échanges téléphoniques avec le cabinet du Premier ministre.

Aussi, en dépit de la faible marge de manœuvre dont le Gouvernement dispose en matière de transposition de directives européennes, il lui demande si le Gouvernement entend prendre des mesures règlementaires afin de prévenir les délations abusives à l'encontre d'élus via ces nouvelles procédures.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/03/2023

Les collectivités locales sont concernées par un dispositif général de protection des lanceurs d'alerte depuis la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. L'article 8 de cette loi demandait aux communes de plus de 10 000 habitants, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, aux départements et aux régions de mettre en place des procédures de recueil des signalements relatifs à un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général. En outre, dans les collectivités ne répondant pas à ces critères, il était possible de signaler une telle alerte à son supérieur hiérarchique, à son employeur ou à un référent désigné par celui-ci. La loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte et la loi organique n° 2022-400 du 21 mars 2022 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte n'ont pas créé un nouveau dispositif relatif aux lanceurs d'alerte. Elles ont précisé et complété le dispositif antérieur issu de la loi du 9 décembre 2016, notamment en y intégrant les dispositions obligatoires de la directive 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union. En lien et avec le soutien du Gouvernement, cette réforme a été réalisée par l'adoption de la proposition de loi et la proposition de loi organique présentées par M. Sylvain WASERMAN et les membres des groupes Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, La République en Marche et apparentés et Agir ensemble. S'agissant du champ d'application du nouveau dispositif, sont désormais tenues d'établir un canal de signalement, notamment, les personnes morales de droit public employant au moins cinquante agents, à l'exclusion des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce seuil de population (art. 8 de la loi du 9 décembre 2016 révisée). En outre, dans les collectivités ne répondant pas à ces critères, il est possible d'adresser le signalement au supérieur hiérarchique, à l'employeur ou à un référent désigné par celui-ci (même article). Le dispositif français réformé répond au souhait d'un équilibre entre une protection étendue des lanceurs d'alerte et des critères clairs permettant de limiter les alertes abusives et les charges administratives excessives. Ces limites sont d'abord celles posées par la loi : pour effectuer un signalement il faut en effet être une personne physique, ne pas agir en raison d'une contrepartie financière directe, être de bonne foi, dénoncer des faits portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d'une violation d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, que le signalement ou la divulgation n'enfreignent pas des interdictions faites par l'un des secrets listés par la loi (art. 6 de la loi du 9 décembre 2016 révisée). En outre, pour utiliser le canal interne d'une collectivité, le lanceur d'alerte doit avoir eu connaissance des informations dans le cadre de ses activités professionnelles, jouir de l'une des qualités listées par la loi (salarié, dirigeants, collaborateurs, etc.) et doit signaler des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans la collectivité concernée (art. 8, I, II et III de la loi du 9 décembre 2016 révisée). Aux côtés de ces limites, certains aménagements de la procédure sont autorisés : en particulier, il est possible, pour toute entité, de prévoir dans sa procédure que le canal de réception des signalements est géré pour son compte en externe par un tiers, qui peut être une personne physique ou une entité de droit privé ou publique dotée ou non de la personnalité morale (art. 7, I du décret du 3 octobre 2022). D'autre part, il est précisé que l'entité procède à la clôture du signalement lorsque les allégations sont inexactes ou infondées, ou lorsque le signalement est devenu sans objet (art. 4, III du décret du 3 octobre 2022).

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