Question de Mme MERCIER Marie (Saône-et-Loire - Les Républicains) publiée le 01/12/2022

Mme Marie Mercier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'obstacle financier pour les femmes victimes de violences sexuelles qui souhaitent porter plainte. La démarche en elle-même nécessite beaucoup de courage, et nous travaillons tous à l'encourager, à libérer la parole et à mieux accompagner les victimes, à punir les auteurs comme il se doit et à davantage communiquer et prévenir le crime. Or la justice a un coût, durant toutes les étapes de la procédure. Si les femmes qui déposent plainte n'exigent pas de réparation financière, encore faudrait-il qu'elles ne perdent pas d'argent, voire qu'elles ne s'endettent pas. Les aides existent mais sont très largement insuffisantes, comme le dénonce la Fondation des femmes. La consignation, une somme nécessaire pour se constituer partie civile, assimilable à une caution et évaluée entre 1 500 et 3 000 euros, est déjà un frein. L'aide juridictionnelle, versée par l'État aux justiciables pour prendre en charge les frais d'avocat, doit être revalorisée. Et manifestement, les victimes ne demandent pas souvent d'indemnisation au fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) du fait de la lourdeur et de la lenteur des formalités administratives. Aussi elle veut savoir si le Gouvernement a l'intention de réagir à ces entraves faites aux femmes victimes de violences sexuelles qui, malgré leur courage, subissent la double peine.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/04/2023

Le ministère de la Justice est pleinement engagé dans la lutte contre les violences sexuelles. Outre le renforcement de l'arsenal législatif intervenu au cours des dernières années et notamment la redéfinition du crime de viol intervenu à la suite de l'adoption de la loi Billon du 21 avril 2021, soutenue par le Gouvernement, le ministère de la Justice sensibilise régulièrement les procureurs généraux et procureurs de la République à l'attention devant être portée aux victimes d'infractions sexuelles, tant au stade de l'enquête, qu'au stade de la poursuite et du jugement de ces infractions. La circulaire du 25 novembre 2017 relative au traitement des plaintes déposées pour des infractions sexuelles invite ainsi les parquets généraux et parquets à veiller à la qualité du recueil de la plainte de la victime, à instaurer un circuit de traitement identifié et un suivi attentif des plaintes, à assurer un accompagnement des victimes de faits par nature traumatisants en sollicitant la mise en oeuvre d'une évaluation personnalisée en application de l'article 10-5 du CPP. La dépêche du 26 février 2021 relative au traitement judiciaire des infractions sexuelles susceptibles d'être prescrites encourage de plus les procureurs à diligenter systématiquement des enquêtes lorsque des faits anciens, susceptibles d'être prescrits, sont révélés. L'attention portée à la prise en compte de la victime tout au long de la procédure pénale s'est par ailleurs traduite par la diffusion le 21 avril 2022 d'un référentiel relatif à l'accueil et à l'accompagnement des victimes en juridiction visant à améliorer l'accueil, la prise en charge et l'accompagnement des victimes lors de leur parcours judiciaire. Il se décline sous la forme d'engagements et de bonnes pratiques, mais aussi, notamment, d'outils à destination des victimes. Il prévoit une prise en charge dédiée aux victimes particulièrement vulnérables ou gravement traumatisées, qui concerne notamment les victimes de violences à caractère sexuel. Enfin, la prise en compte des intérêts des victimes au cours de la procédure pénale a motivé la publication du décret n° 2022-656 du 25 avril 2022, lequel prévoit notamment, dans un nouvel article D-1-10 du code de procédure pénale, que l'évaluation des victimes de violences au sein du couple ou de violences sexuelles et sexistes requise ou ordonnée par le procureur de la République ou le magistrat instructeur est réalisée par une association d'aide aux victimes dont les professionnels ont été spécifiquement formés à la prise en charge des victimes de ces infractions. Ce décret prévoit, de façon générale, au sein d'un nouvel article D.15-3-2 du code de procédure pénale, que le procureur qui classe sans suite une procédure en application de l'article 40-2 du code pénal, doit dorénavant informer la victime qu'elle peut demander une copie du dossier. Cette politique pénale de lutte contre les violences sexuelles se caractérise également par une volonté renouvelée de faciliter l'accès au droit des victimes. Celles-ci ont la possibilité de se constituer partie civile sans nécessité de consignation préalable lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le procureur de la République ou qu'un juge d'instruction a été saisi par lui. Les seules situations susceptibles de donner lieu à dépôt de consignation sont celles d'une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction et d'une citation directe devant le tribunal correctionnel. Dans ces deux hypothèses, la loi prévoit que le montant de la consignation est fixé en fonction des ressources de la partie civile, qui est dispensée de son versement si elle est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Dans le cadre d'une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction, ce dernier peut dispenser la partie civile de consigner, même si elle n'est pas bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Ainsi, les capacités financières des plaignantes sont prises en considération dans ces deux procédures, qui restent au demeurant minoritaires. Concernant l'aide juridictionnelle, il convient de noter qu'elle a fait l'objet de plusieurs revalorisations ces dernières années. L'unité de valeur, qui sert de base au calcul des rétributions des avocats a ainsi été rehaussée de 22,84 euros à 26,5 euros en 2016, puis portée à 32euros en 2017. En 2021, l'UV a été fixée à 34 euros, avant d'atteindre 36 euros en 2022. En outre, le Gouvernement a fait le choix de relever le barème de l'aide juridictionnelle, y compris pour les victimes et plus particulièrement pour les victimes de viol : ainsi, depuis le 1er janvier 2021, la rétribution de l'avocat assistant une partie civile devant la cour d'assises, par exemple dans le cas d'une affaire de viol, a été revalorisée et portée à 38 unités de valeur. Par ailleurs, les victimes de viols sont éligibles à l'aide juridictionnelle sans conditions de ressources. Enfin, le ministère de la Justice s'appuie sur un réseau de 187 associations locales d'aide aux victimes qui font un travail remarquable et qui sont présentes notamment, mais pas exclusivement, dans les bureaux d'aide aux victimes des tribunaux judiciaires. Ces associations assurent un soutien et un accompagnement de la victime tout au long de la procédure, y compris pour mener les démarches nécessaires à l'indemnisation effective de leurs préjudices.

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