Question de Mme SCHILLINGER Patricia (Haut-Rhin - RDPI) publiée le 23/02/2023

Mme Patricia Schillinger attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics sur la situation des retraités polypensionnés ayant effectué une partie de leur carrière en Suisse et plus précisément sur leur situation au regard du paiement de la contribution sociale généralisée (CSG), de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) dues sur leur retraite suisse.

Alors que les autorités fiscales avaient pour habitude de soumettre les retraites suisses des ex-travailleurs frontaliers au paiement de ces cotisations, dès lors que ces derniers étaient fiscalement domiciliés en France et à charge d'un régime obligatoire français de sécurité sociale, un arrêt du tribunal de Strasbourg en date du 31 mars 2020 est venu nuancer cette interprétation.

Tirant les conclusions de l'arrêt de la cour de justice de la communauté européenne du 18 juillet 2006, le tribunal strasbourgeois décharge les polypensionnés du paiement de ces cotisations, dès lors qu'elles excèdent le montant de la pension de vieillesse perçue de la France. Le paiement des contributions (CSG, CRDS et CASA) est donc dû, à hauteur du montant de la retraite française.

Si, à la suite de ce jugement, les retraités concernés ont pu obtenir le remboursement des prélèvements effectués, il demeure un point de divergence en ce qui concerne l'interprétation de la jurisprudence. Certains ex-frontaliers continuent en effet de se voir réclamer des prélèvements sociaux sur le montant de leur retraite suisse.

Pour justifier ces prélèvements et priver les ex-travailleurs frontaliers des bénéfices de cette jurisprudence, les services fiscaux opèrent une distinction entre « rente de retraite » et « capital retraite ».

Ainsi, les retraités ex- frontaliers demeurent redevables du paiement des CSG, CRDS et CASA sur leur retraite suisse, lorsqu'ils ont fait le choix de la percevoir sous la forme de capital.

En conséquence, elle lui demande s'il entend demander aux services fiscaux de clarifier leur interprétation de la jurisprudence européenne et de revenir à une pratique plus conforme à celle-ci.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme publiée le 03/03/2023

Réponse apportée en séance publique le 02/03/2023

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 452, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

Mme Patricia Schillinger. Alors que nous entamons cet après-midi, ici, au Sénat, l'examen en séance du projet de loi réformant notre système de retraite, j'attire l'attention du Gouvernement sur la situation des retraités polypensionnés dont la carrière s'est partagée entre la France et la Suisse.

En effet, les ex-frontaliers ayant effectué une partie de leur carrière en Suisse ont la possibilité, au moment de liquider leur droit à la retraite, de choisir de la percevoir soit sous la forme d'une rente, soit sous la forme de capital.

La question s'est longtemps posée de l'assujettissement de ces retraites suisses au paiement de la contribution sociale généralisée (CSG), de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa).

Pour les autorités fiscales françaises, dès lors que le contribuable, ex-frontalier, était fiscalement domicilié en France et affilié à un régime obligatoire de sécurité sociale, celui-ci était redevable du versement de ces cotisations.

Depuis, le tribunal administratif de Strasbourg, suivant les conclusions de l'arrêt Nikula du 18 juillet 2006 de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), a limité le montant de ces prélèvements à hauteur du montant de la retraite française perçue par les retraités polypensionnés.

Toutefois, d'après le code général des impôts et l'interprétation qu'en font les services fiscaux, cette lecture ne s'appliquerait qu'aux retraites perçues sous forme de rente et non à celles qui sont versées en capital.

D'après certaines associations de défense des droits des travailleurs frontaliers, cette lecture pourrait être en contradiction avec la jurisprudence européenne et constituerait un frein à la libre circulation des travailleurs.

Aussi, pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, comment votre collègue ministre chargé des comptes publics entend lever cette ambiguïté et s'assurer que la pratique des services fiscaux français est conforme au droit européen ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme. Madame la sénatrice Schillinger, vous m'interrogez au sujet des retraités polypensionnés qui résident en France mais qui, ayant effectué une partie de leur carrière en Suisse, touchent à ce titre une pension française et une pension suisse. Le régime d'assujettissement se présente différemment selon que la pension suisse est versée en rente ou qu'elle fait l'objet, au choix de la personne, d'un versement en capital.

Vous vous interrogez, à juste titre, sur la cohérence de cette différence de traitement. Dans la première situation, celle du versement en rente de la pension suisse, la France s'est alignée sur la jurisprudence Nikula de la Cour de justice de l'Union européenne depuis un arrêt du Conseil d'État en date de 2019. Désormais, si la personne réside en France et bénéficie de prestations versées par la sécurité sociale française, notamment de prestations maladie, la France peut définir l'assiette de contributions en prenant en compte la pension française et la pension suisse.

Toutefois, en application de la jurisprudence de la Cour de justice, le montant de ces contributions ne peut pas excéder le montant de la pension française. La sécurité sociale française ne peut effectivement pas précompter des cotisations sur les rentes versées par l'institution de sécurité sociale suisse ; c'est bien ce qu'applique l'administration fiscale.

Dans la situation qui vous intéresse plus particulièrement, celle du versement en capital de la pension suisse, la France ne suit pas la même procédure pour l'établissement des contributions sociales dues. Le versement des pensions en capital est naturellement assujetti à la CSG, comme celles qui sont versées en rente, mais les modalités de fixation de la contribution ne peuvent pas être identiques. On ne peut effectivement pas comparer une imposition assise sur une retraite en capital, qui fait l'objet d'un versement unique, à une imposition qui correspond à une pension en rente, versée chaque mois.

Une application du plafonnement des cotisations au montant de la rente mensuelle française aux pensions versées sous forme de capital ne serait pas fondée parce qu'elle reviendrait à une exonération de fait pour la rente versée en capital.

C'est donc pour éviter cette situation qu'il est nécessaire d'assujettir les pensions versées sous forme de capital selon les modalités prévues par la législation française et indépendamment des principes issus de la jurisprudence européenne Nikula, qui sont inapplicables à ce cas précis.

M. le président. Je vous adresse mes compliments, madame la ministre déléguée, pour votre capacité à résumer une question de cette complexité en deux minutes et douze secondes !

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.

Mme Patricia Schillinger. Ce dossier des frontaliers suisse est très technique et, il est vrai, très complexe ; je pense que j'y reviendrai de nouveau. Un jour, il faudra vraiment l'examiner en profondeur.

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