Question de M. BREUILLER Daniel (Val-de-Marne - GEST) publiée le 02/03/2023

M. Daniel Breuiller interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement sur le financement de l'accélération du nucléaire par le Livret A.
L'article L518 2 du code monétaire et financier définit que « la caisse des dépôts et consignations (CDC) et ses filiales constituent un groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays. (...) Elle est chargée de la protection de l'épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d'organismes de retraite. (...) La caisse des dépôts et consignations est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative. Elle est organisée par décret en conseil d'État, pris sur la proposition de la commission de surveillance. »
Le 9 février 2023, le journal Les échos annonçait en exclusivité que le livret A était en lice pour financer les nouveaux réacteurs nucléaires en France. Lors des débats de novembre 2022, sur l'accélération du nucléaire, cette hypothèse n'a jamais été évoquée. Pas plus d'ailleurs, que celle d'affaiblir les exigences de sûreté en actant sans concertation le démantèlement de l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Après les fusions des offices à marche forcée, la fragilité des capacités d'investissements des offices due à la hausse des taux du livret A, cette annonce est un coup supplémentaire porté au logement social. Fin 2021, la CDC a affecté 170,7 milliards d'euros au financement du logement social et de la politique de la ville qui ont permis de construire et de réhabiliter plus de 160 000 logements sociaux.
« Le logement social, c'est la chance de notre pays » : il partage ces propos du ministre délégué chargé de la ville et du logement. Aussi, il lui semble inconcevable d'altérer son financement pour payer les plus de 52 milliards d'euros des réacteurs «European Pressurized Reactor » (EPR). Si le financement du mix énergétique est une mission d'intérêt général qui rentre dans le champ de compétence de la CDC, ce type d'arbitrage ne peut se faire sans étude d'impact sur les capacités de la CDC et repose sur la triangulation entre elle, l'État et le Parlement.
Il l'interroge sur le financement de l'accélération du nucléaire par le Livret A.
Il souhaite savoir s'il va laisser l'administration de Bercy faire les poches d'un levier historique et essentiel du financement du logement social auquel il sait qu'il est particulièrement attaché.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme publiée le 02/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 01/06/2023

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, auteur de la question n° 470, transmise à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Daniel Breuiller. Madame la ministre, j'attire votre attention sur le financement de l'accélération du nucléaire par le livret A.

En vertu de l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, « la Caisse des dépôts et consignations et ses filiales constituent un groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays ». À ce titre, la Caisse des dépôts « est chargée de la protection de l'épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d'organismes de retraite ». Placée « sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative », « elle est organisée par décret en Conseil d'État, pris sur la proposition de la commission de surveillance ».

Le 9 février dernier, le journal Les Échos annonçait en exclusivité que le livret A était en lice pour financer les nouveaux réacteurs nucléaires en France. En novembre 2022, lors des débats consacrés dans cet hémicycle à l'accélération du nucléaire, cette hypothèse n'a pourtant jamais été évoquée...

Après les fusions des bailleurs sociaux à marche forcée, et compte tenu de la fragilité avérée des capacités d'investissements des offices d'HLM due à la hausse du taux du livret A, une telle décision serait un coup supplémentaire porté au logement social.

À la fin de l'année 2021, la Caisse des dépôts a affecté quelque 170 milliards d'euros au financement du logement social et de la politique de la ville. Ces crédits ont permis de construire et de réhabiliter plus de 160 000 logements sociaux.

« Le logement social, c'est la chance de notre pays » : ces propos sont d'Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement, et j'y souscris pleinement. Je sais aussi que de nombreuses familles sont encore et toujours à la recherche d'un logement décent. C'est la raison pour laquelle il me semble inconcevable d'amputer le financement du logement social pour payer plus de 52 milliards d'euros d'EPR.

Madame la ministre, votre gouvernement va-t-il financer l'accélération du nucléaire par le livret A ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Breuiller, la mission historique de l'épargne réglementée, notamment du livret A, dont nous venons de parler, est bel et bien de financer le logement social.

Sur 12,8 milliards d'euros de prêts versés par le fonds d'épargne en 2022, quelque 11,2 milliards d'euros, soit une part de 88 %, ont été consacrés au logement social et à la politique de la ville. À son bilan, le fonds d'épargne détient un encours de prêts au logement social de 174 milliards d'euros sur un total de 195,9 milliards d'euros de prêts, soit 89 % de l'ensemble. De fait, le fonds d'épargne est de loin le premier financeur du secteur HLM.

Aujourd'hui, la collecte des livrets réglementés dépasse de très loin les montants nécessaires pour financer le logement social. Au reste, le fonds d'épargne finance d'ores et déjà d'autres projets d'intérêt général, quand le financement privé n'existe pas ou quand il se révèle insuffisant. C'est notamment le cas de projets menés par le secteur public local ; ils bénéficient d'une enveloppe de 28 milliards d'euros de prêts, ouverte jusqu'en 2027.

Afin de rémunérer son passif, à savoir l'épargne réglementée des particuliers, le fonds d'épargne doit dégager du rendement sur ses actifs. La recherche de cet équilibre suppose d'obtenir un rendement moyen supérieur au coût de sa ressource. Dans un contexte de forte collecte et de taux élevé du livret A, cet enjeu revêt une acuité particulière.

Dès lors, il est à la fois de bonne gestion et opportun pour le secteur HLM de diversifier les emplois du fonds d'épargne, précisément pour préserver son équilibre financier.

En résumé, il existe aujourd'hui bien plus de liquidités disponibles sur le fonds d'épargne que de besoins de prêts à accorder aux bailleurs sociaux. La responsabilité du Gouvernement est de faire en sorte que cet excès de liquidités soit utile à la collectivité, non seulement en finançant des projets d'intérêt public, mais aussi en servant une rémunération attractive aux épargnants.

Vous mentionnez le financement de l'accélération du nucléaire par le livret A. Il ne m'appartient malheureusement pas d'évoquer ici des mesures qui, à cette heure, n'ont été ni arbitrées ni rendues publiques.

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour la réplique.

M. Daniel Breuiller. Madame la ministre, si l'objectif est de garantir le rendement du livret A, le nucléaire n'est manifestement pas la bonne solution : il arrivera trop tard pour faire face à la crise climatique et il sera trop cher.

Quant au logement social, il ne dispose pas des financements indispensables à son développement et, vous le savez, sa situation s'est notablement aggravée au cours des dernières années. Le financement de ce secteur doit donc rester une mission absolument prioritaire. Il doit même être renforcé.

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