Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 25/05/2023

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le fait que les requérants devant les juridictions administratives peuvent adresser leurs mémoires par la Poste. Lorsqu'une date est fixée pour la clôture de l'instruction d'un contentieux, il lui demande si cette date limite s'applique à l'envoi en recommandé d'un mémoire ou à la réception du recommandé par la juridiction. Compte tenu des grèves, des jours fériés et autres aléas, l'acheminement du courrier par la Poste n'est en effet plus aussi régulier que par le passé, ce qui peut créer des difficultés même lorsque l'envoi a été effectué plusieurs jours avant la date limite.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 03/08/2023

Le principe du contradictoire, selon lequel le juge ne statue qu'au vu des seules pièces du dossier communiquées aux parties et qu'après leur avoir permis d'y répondre, structure la phase d'instruction du procès administratif. Il s'agit d'un principe général du droit applicable même sans texte devant les juridictions administratives (CE, Section, 12 mai 1961, n° 40674). Corollaire du principe constitutionnel des droits de la défense (décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989) et élément fondamental du droit au procès équitable au sens de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH, 18 février 1997, Nideröst-Huber c/ Suisse), ce principe est aujourd'hui consacré à l'article L. 5 du code de justice administrative, au terme duquel « l'instruction des affaires est contradictoire ». Devant les juridictions administratives, les échanges contradictoires s'exercent dans le cadre de l'instruction. La clôture de l'instruction, qui a pour conséquence de figer le cadre du litige, intervient soit trois jours francs avant la tenue de l'audience en vertu de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, soit à la date fixée par ordonnance du président de la formation de jugement. Dans les deux cas, les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction, et ne sont pas pris en compte par la juridiction. Depuis le déploiement des téléservices Télérecours et Télérecours Citoyens, la place des échanges dématérialisés s'accroit continuellement devant les juridictions administratives. Ils constituent un procédé de communication fiable, simple et gratuit, pour les justiciables comme pour les juridictions. Ils renforcent l'accessibilité de la justice administrative et sécurisent les échanges entre les acteurs du procès. En vertu de l'article R. 611 8-6 du code de justice administrative, les parties sont réputées avoir reçu notification des communications de la juridiction effectuées par voie électronique dès qu'elles consultent le document ou, à défaut, dans un délai de deux jours ouvrés à la suite de sa mise à disposition. Quant à leurs propres communications, la juridiction doit en tenir compte dès leur versement sur le téléservice. Ils constituent donc le moyen de communication le plus direct et le plus sûr pour les échanges entre les parties et la juridiction. Néanmoins, si l'article R. 414-1 du code de justice administrative prévoit l'usage obligatoire de Télérecours pour les avocats et les personnes publiques autres que les communes de moins de 3 500 habitants, l'article R. 414-2 ne prévoit qu'une simple faculté, pour les particuliers, de faire usage de l'application Télérecours Citoyens. Ainsi, les personnes privées non représentées par un avocat peuvent librement choisir de mener leurs échanges avec la juridiction par voie électronique ou par voie postale. Dans ce dernier cas, il appartient aux justiciables de prendre leurs dispositions pour remettre leurs plis aux services postaux en temps utiles pour qu'ils parviennent à la juridiction dans le respect des différents délais d'instruction qui ont été fixés, et notamment avant la clôture d'instruction. Néanmoins, en cas de délais d'acheminement anormalement longs, le Conseil d'Etat juge recevables les productions reçues postérieurement à l'expiration du délai mais dont l'auteur rapporte la preuve qu'il avait été remis « en temps utile », compte tenu des « délais normaux d'acheminement » (par exemple : CE, 10 mars 2006, n° 274641, CE, 9 mars 2009, n° 309249). Ainsi, les dysfonctionnements des services postaux non imputables au justiciable ne préjudicieront pas à ses droits dans le cadre du procès. Enfin, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge peut rouvrir l'instruction lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de l'instruction. Au demeurant, « il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ». « S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser ». Par ailleurs, « dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision » (CE, Section, 5 déc. 2014, n° 340943). Ainsi, dans tous les cas, les mémoires et pièces produites par un justiciable postérieurement à la clôture de l'instruction sont susceptibles d'être examinés et d'être pris en compte par la juridiction.

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