Question de M. ANGLARS Jean-Claude (Aveyron - Les Républicains) publiée le 02/11/2023

M. Jean-Claude Anglars attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les conséquences politiques néfastes du coefficient correcteur pour les communes rurales.
Le coefficient correcteur vise à compenser la suppression de la taxe d'habitation, par un calcul opéré par la direction générale des finances publiques, de sorte que le produit des nouveaux impôts, c'est à dire du foncier bâti perçu par la commune, corresponde à ce qu'elle avait avant, c'est-à-dire la taxe d'habitation et sa part de foncier bâti.
Cela est certainement correct mathématiquement pour le ministère de l'économie et des finances mais, politiquement, le compte n'y est pas.
La réalité est difficilement acceptable pour les élus locaux et difficilement compréhensible pour nos concitoyens, notamment dans les communes rurales, qui sont particulièrement pénalisées par le coefficient correcteur.
Outre les limites résultant de l'effet de seuil au-dessus de 10 000 euros qui changent drastiquement le coefficient, il attire son attention sur quatre difficultés majeures qui deviendront des problèmes politiques si elles ne sont pas prises en compte par le Gouvernement :
La taxe foncière est réorientée par l'État dans des proportions telles que le caractère « local » de cet impôt est très discutable. Par exemple, en Aveyron, à Saint-Saturnin-de-Lenne, 43 % des recettes de la taxe foncière sont affectées à d'autres communes éloignées. Seuls 57 % de la taxe foncière concerne la commune !
Le coefficient correcteur conduit donc à supprimer, en partie, le lien entre l'impôt local et le territoire concerné. Dans les communes qui ont un coefficient correcteur inférieur à 1, les contribuables payent pour d'autres communes.
Cette situation devient inacceptable quand on constate que les communes rurales reversent plus d'argent que les grandes villes à travers le coefficient correcteur. Les habitants des communes rurales se retrouvent donc à payer pour les habitants de communes plus favorisées. En Aveyron, cela concerne 265 des 285 communes !
Au total, le coefficient correcteur rend les impôts trompeurs pour les contribuables car des communes avec le même taux de taxe foncière n'auront pas le même produit fiscal pour leur territoire. Ainsi, les taux de fiscalité locaux perdent leur signification, alors qu'ils sont regardés avec attention par les habitants.
Dans un contexte déjà marqué par la fin annoncée du dispositif « zones de revitalisation rurale » (ZRR) et l'inflation généralisée, face à ces constats problématiques, difficilement compréhensibles et acceptables pour les maires et les habitants des communes rurales, il souhaite savoir ce que compte faire le Gouvernement.
Il lui demande s'il considère légitime que les propriétaires des communes rurales payent pour les habitants des communes urbaines.
Il lui demande également s'il ne considère pas que le lien fiscal entre le contribuable et son territoire est l'un des piliers de la démocratie locale et que la fiscalité locale dans les communes rurales doit servir aux développements des territoires ruraux.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la biodiversité publiée le 06/12/2023

Réponse apportée en séance publique le 05/12/2023

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, auteur de la question n° 902, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Jean-Claude Anglars. Le coefficient correcteur vise à compenser la suppression de la taxe d'habitation. Il s'agit de faire en sorte que le produit du foncier bâti par commune, qui comprend désormais l'ancienne part départementale et la part communale, corresponde à l'euro près à ce que la commune percevait auparavant. Ainsi, en fonction d'un calcul fait par la DGFiP, les communes dont le reversement de la part départementale est supérieur à la perte de la taxe d'habitation sont dites surcompensées et sont prélevées au bénéfice des communes dont la situation est, à l'inverse, sous-compensée.

Cette formule est certainement correcte mathématiquement pour le ministère de l'économie et des finances, mais, sur le terrain, le compte n'y est pas !

Il existe trois difficultés principales.

D'abord, ce coefficient sanctionne, en moyenne, les communes rurales, qui reversent plus d'argent que les communes les plus urbaines.

Ensuite, la taxe foncière est réorientée par l'État dans des proportions telles que le caractère local de cet impôt est désormais discutable. Par exemple, dans l'Aveyron, à Saint-Saturnin-de-Lenne, 43 % des recettes de la taxe foncière sont affectées au pot commun national, 57 % seulement restant à la commune. Ce schéma se répète pour 265 des 285 communes du département.

Enfin, le coefficient correcteur conduit à supprimer, en partie, le lien entre l'impôt local et son territoire, ce qui rend donc les impôts locaux trompeurs : avec un taux de taxe foncière inchangé, des communes n'ont pas le même produit fiscal pour leur territoire. Ainsi, une commune comme Rignac s'est vu prélever 818 000 euros sur le produit de ses recettes foncières en trois ans, soit 58 % des impôts de ses habitants : on ne peut plus dire que la fiscalité locale communale est exclusivement affectée au budget communal !

Ce dévoiement de la fiscalité directe locale ne manque pas de susciter le mécontentement des maires et des habitants des communes rurales. Comment le Gouvernement compte-t-il supprimer les effets négatifs du coefficient correcteur ?

M. le président. C'est une très bonne question, mon cher collègue. (Sourires.)

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Anglars, la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (THP) en 2020 a nécessité de revoir le schéma de financement des collectivités territoriales. Il s'agissait de garantir une compensation à l'euro près des collectivités, tout en leur affectant des ressources dynamiques.

Pour les communes, depuis le 1er janvier 2021, la suppression de la THP est compensée par le transfert à leur profit de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Au niveau national, la part départementale de TFPB étant inférieure à la THP correspondant à l'habitation principale supprimée, l'État compense la différence.

Dans l'Aveyron, 265 des 285 communes sont prélevées du fait d'un transfert de TFPB départementale supérieur à la THP perdue. Alors, oui, la taxe foncière prélevée dans ces communes ne va pas intégralement au budget de la commune, mais c'était déjà le cas auparavant : cette part allait au budget du département.

De plus, les communes dont le montant de la surcompensation est inférieur ou égal à 10 000 euros conservent cette surcompensation. C'est plutôt positif pour elles. Ce dispositif, à destination des communes rurales, a été pris en charge financièrement par l'État et a bénéficié à plus de 6 700 communes, dont 19 dans l'Aveyron.

Enfin, l'application du coefficient correcteur au produit de TFPB permet au mécanisme d'être évolutif et indexé sur la dynamique individuelle des bases de TFPB de chaque commune. Il tient compte d'une éventuelle baisse des bases de TFPB pour réduire le prélèvement des communes concernées, mais il n'influe pas sur la politique de taux des communes, car l'évolution de la TFPB résultant d'une hausse de taux n'est pas soumise à ce mécanisme, ce qui préserve ainsi un lien fiscal entre le contribuable et son territoire.

Au moment où je vous parle, le Gouvernement n'envisage pas de réformer le calcul du coefficient correcteur, mais je ferai remonter vos observations aux ministres chargés de la fiscalité locale.

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