Question de M. NOUGEIN Claude (Corrèze - Les Républicains) publiée le 07/03/2024

M. Claude Nougein attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, sur les aéroports régionaux et les lignes d'aménagement du territoire (LAT) qui traversent aujourd'hui des zones de turbulence.
Depuis 2002, l'État a mis en place des obligations de service public sur des liaisons aériennes métropolitaines dans le but de desservir des destinations qui ne le seraient pas dans les conditions normales du marché.
Ces liaisons font donc l'objet de financement des personnes publiques, État et collectivités territoriales, afin de compenser leur absence de rentabilité économique.
L'aménagement du territoire exige en effet de ne pas laisser de côté les territoires isolés, parfois peu peuplés, et ne disposant pas d'autres moyens de déplacement que l'avion pour connecter leurs habitants aux principaux centres de décision économique du pays dans des délais rapides. Ces territoires sont également desservis de manière catastrophique par le réseau ferré.
En France métropolitaine, il existe actuellement huit liaisons sous délégation de service public subventionnées par les collectivités territoriales et l'État au lieu de onze il y a encore deux ans.
De nombreuses LAT étaient opérées historiquement par Air France puis par sa filiale Hop.

À la suite de la pandémie du Covid-19, l'État est intervenu pour aider massivement le groupe Air France-KLM avec 7 milliards d'euros de prêts en contrepartie, la commission des finances du Sénat a souhaité que la compagnie respecte les obligations qui lui incombent en matière de desserte des lignes d'aménagement du territoire.
Alors que s'est-il passé depuis cette date ? Comme il était pressenti, Air France a abandonné les territoires ruraux les uns après les autres, lors des renouvellements des obligations de service public (OSP).

Aujourd'hui, l'État, actionnaire à près de 30 % d'Air France, devrait pouvoir peser sur les décisions de la compagnie quant à sa participation à ces lignes d'aménagement du territoire. C'est une mission de service public de défendre ces territoires enclavés qui ne doivent leur développement qu'à ces lignes aériennes permettant de faire l'aller-retour à Paris dans la journée.

Il lui demande si l'État va demander à Air France de réviser sa position et de reprendre ces lignes d'aménagement du territoire soit en direct, soit en affrètement comme ce fut le cas dans de nombreux aéroports avant cet abandon tragique.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement publiée le 20/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 19/03/2024

Mme la présidente. La parole est à M Claude Nougein, auteur de la question n° 1133, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.

M. Claude Nougein. Monsieur le ministre, les aéroports régionaux et les lignes d'aménagement du territoire (LAT) traversent aujourd'hui des zones de turbulence.

Depuis 2002, l'État a mis en place des obligations de service public (OSP) sur des liaisons aériennes métropolitaines, afin que puissent être desservies des destinations qui ne le seraient pas dans les conditions normales du marché.

Ces territoires sont également desservis de manière catastrophique par le réseau ferré. Par exemple, dans mon département, la Corrèze, alors que le Capitole mettait trois heures quarante-cinq pour rejoindre Paris depuis Brive-la-Gaillarde en 1970, Intercités met aujourd'hui quatre heures trente au minimum - les retards sont fréquents - pour le même trajet. Admirez le progrès : quarante-cinq minutes en plus en cinquante ans ! (M. Christian Cambon s'exclame.)

De nombreuses lignes étaient opérées historiquement par Air France, puis par sa filiale HOP ! À la suite de l'épidémie de covid-19, l'État est intervenu pour aider massivement le groupe Air France-KLM, avec des subventions ou des prêts, à hauteur de 7 milliards d'euros - 3 milliards d'euros de prêts de l'État actionnaire et 4 milliards d'euros de prêts bancaires garantis par l'État, les PGE.

Que s'est-il passé depuis cette date ? En guise de remerciement envers la Nation, Air France a abandonné tous les territoires ruraux les uns après les autres lors des renouvellements des OSP. L'entreprise ne fait même plus acte de candidature !

La première victime de ce désengagement fut l'aéroport de Brive, dans mon département, puis ce fut le tour de tous les aéroports, à chaque renouvellement d'OSP. Par exemple, Air France a abandonné Rodez, Aurillac, Limoges, Le Puy-en-Velay, Castres, c'est-à-dire toute cette zone centrale de la France qui n'est pas desservie par le TGV. C'est un véritable abandon des territoires ruraux !

Est-ce une volonté de les abandonner purement et simplement ? L'abandon par Air France a-t-il été piloté par l'État, actionnaire à hauteur de 30 %, ce qui, me semble-t-il, lui donne son mot à dire ?

Monsieur le ministre, ma question est simple : allez-vous demander à Air France de réviser sa position et de reprendre ces lignes d'aménagement du territoire, soit en direct, soit en affrètement, comme il le faisait dans de nombreux aéroports avant cet abandon tragique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Claude Nougein, le Gouvernement vous rejoint sur l'importance qu'il convient d'accorder à la connectivité des territoires les plus enclavés.

Depuis la crise sanitaire, le trafic aérien en métropole a connu des évolutions structurelles, en raison notamment des changements des habitudes de travail. On observe une diminution très sensible du trafic lié aux voyages d'affaires : le nombre de passagers faisant des allers-retours dans la journée a baissé de 60 %. Tandis qu'en novembre 2023, le trafic aérien, en France, dans son ensemble, avait rejoint son niveau de 2019, le trafic domestique dépassait à peine 75 % de son niveau d'avant la crise.

Ce contexte a bien évidemment bouleversé l'équilibre économique de toutes les lignes d'aménagement du territoire. La baisse constatée du trafic et l'augmentation de certains postes de coûts ont provoqué une augmentation des compensations financières demandées aux collectivités locales et à l'État. Face à la hausse de ces compensations, certaines collectivités ont fait le choix de supprimer la délégation de service public, d'autres de réduire le service.

Le groupe Air France, qui exploitait quatre lignes d'aménagement du territoire avant la crise sanitaire, a tenu son engagement de ne pas dénoncer les délégations de service public en cours. Malgré les pertes, Air France et HOP ! ont ainsi été contraints d'aller jusqu'au terme de l'exécution des conventions de délégation de service public.

Dans le même temps, Air France doit mettre en oeuvre toutes les solutions permettant de mettre fin aux pertes rencontrées sur le réseau domestique, ce qui explique le désengagement progressif des LAT entrepris par la compagnie.

Face à cette réalité, l'État demeure aux côtés des collectivités qui renouvellent et financent les contrats de délégation de service public. En 2023, 22 millions d'euros y ont été consacrés, dont plus de la moitié pour les LAT métropolitaines.

Outre ces montants, l'État apporte également toute son aide technique aux collectivités pour la définition d'obligations de service public qui soient le mieux ajustées possible pour répondre à la défaillance du marché, à l'effondrement de la demande et remédier aux particularités des formes d'enclavement territorial.

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