Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 03/10/2024
M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le partenariat de coopération de la France avec la République populaire de Chine en matière de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique.
Selon des données du site de l'Agence française de développement (AFD), la République populaire de Chine percevrait chaque année un versement d'un peu plus de 100 millions d'euros par l'intermédiaire du groupe AFD et de sa filiale Proparco, dédiée au secteur privé. Cet engagement annuel s'inscrit dans le cadre d'un partenariat conclu en 2004 avec la Chine en vue de « développer des actions de coopération en matière de développement durable et de lutte contre le changement climatique ».
La convention renouvelée pour la période 2020-2024 fixe même une hausse de nos engagements avec un objectif de 200 à 300 millions d'euros par an. Ainsi, d'après le site de l'AFD, les restes à verser de l'AFD et de Proparco à la Chine dépassaient légèrement le milliard d'euros en 2022, pour plus d'1,4 milliard d'euros engagés depuis la signature du partenariat en 2004.
Au vu des résultats plus que discutables de la Chine en matière de lutte contre le dérèglement climatique, qui reste avec ses 15,6 milliards de tonnes de CO2 rejetés annuellement le premier émetteur de gaz à effet de serre devant les États-Unis, il souhaiterait l'interroger sur la pertinence d'indexer le niveau des aides financières versées par l'AFD à la réalisation concrète d'objectifs environnementaux par les pays bénéficiaires.
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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 17/07/2025
La Chine est responsable de plus d'un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre et d'environ un tiers des émissions mondiales de CO2, avec 15,6 milliards de tonnes de CO2 émises en 2023. Ces émissions ont reculé de 1 % au second trimestre 2024, une première depuis la fin de l'épidémie de Covid-19. La Chine reste toutefois à l'origine de 95 % des constructions de centrales à charbon sur l'année 2023 et continue de représenter la moitié de la demande mondiale de charbon. Plus de la moitié de la production mondiale de ciment et d'acier provient également de son territoire. La Chine est enfin le deuxième plus gros consommateur de pétrole au monde. Ce que révèlent ces chiffres, c'est l'impossibilité fondamentale d'une transition énergétique mondiale sans la Chine. Il est nécessaire, pour tenir nos engagements climatiques, d'accompagner la Chine dans sa transition. Pour mémoire, la trajectoire de la Chine en matière d'émission carbone s'inscrit dans le cadre des objectifs « double carbone » annoncés par le président Xi Jinping en 2020 : atteinte du pic des émissions de CO2 en 2030 et atteinte de la neutralité carbone en 2060. Il faut prendre la mesure du chemin parcouru, sans éluder ce qui doit encore être accompli. La transition énergétique chinoise est rapide. La Chine investit massivement : elle représente un tiers des investissements mondiaux dans l'installation de capacités de production d'énergie renouvelable en 2023 et 30 % de la capacité mondiale installée d'énergie hydroélectrique. L'an passé, pour la première fois, la production d'électricité chinoise renouvelable a dépassé celle de l'électricité produite à partir du charbon et du gaz. Ces efforts pourraient permettre à la Chine d'atteindre son pic d'émissions avant 2030. Ils restent toutefois insuffisants pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2060, comme elle s'y est engagée. Le Président de la République a échangé sur ce sujet avec le président Xi Jinping lors de sa visite d'Etat en mai dernier. La lutte contre le changement climatique est un axe de coopération essentiel pour la relation bilatérale franco-chinoise, comme en témoignent nos initiatives communes en la matière. Je pense au Centre franco-chinois de neutralité carbone, à la participation de la Chine à la Coalition de la haute ambition pour la planète et les peuples ou à l'initiative Buildings breakthrough. Par ailleurs, nos entreprises sont pleinement investies pour accompagner la Chine dans la décarbonation de son économie et notamment de son secteur énergétique. A l'occasion de la visite d'Etat du président Xi Jinping en France en mai, de nombreux partenariats entre entreprises françaises et chinoises ont été conclus dans ce domaine. Il s'agit, entre autres, de l'étude publiée conjointement par EDF et la Compagnie nucléaire nationale chinoise sur le rôle de l'énergie nucléaire dans la décarbonation (communément appelée blue book ou « livre bleu »), au protocole d'accord entre Suez et Envision, ou à l'usine de batteries d'Orano et Xiamen Tungsten New Energy à Dunkerque, en cours de construction. Les interventions de l'Agence française de développement (AFD) en Chine s'inscrivent dans ce contexte et dans le cadre juridique signé avec les autorités chinoises en 2004, autorisant le groupe AFD à opérer dans le pays. Ce document juridique ne fixe en aucun cas de cadre partenarial ou d'objectifs d'engagements annuels. Les montants évoqués dans la stratégie pays Chine 2020-2024 de l'AFD (200-300 millions d'euros) ne constituent pas des engagements contractuels vis-à-vis des partenaires, mais représentent des montants cibles. Entre 2018 et 2023, Proparco, filiale de l'AFD dédiée au secteur privé, a octroyé 140 millions d'euros de financements au secteur privé chinois. Elle n'a pas instruit de nouveaux projets depuis. L'AFD mobilise en Chine des prêts aux conditions du marché, c est-à-dire non bonifiés par des crédits budgétaires, conformément à la doctrine d'intervention dans les pays dits « très grands émergents ». Les montants renseignés en matière de versements dans les statistiques annuelles correspondent donc à des décaissements sur des prêts à taux de marché qui ne bénéficient d'aucune bonification sur budget de l'Etat. En d'autres termes, l'action de l'AFD en Chine ne coûte rien au contribuable français. Par ailleurs, depuis 2021, la France a décidé de ne plus comptabiliser ses relations financières avec la Chine en tant qu'aide publique au développement, quand bien même les flux en question respecteraient les critères d'éligibilité du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. Cette décision unilatérale vise à signaler, pour la France, que ses relations financières avec la Chine ne relèvent plus de l'aide au développement. Les projets financés par le groupe AFD font l'objet d'appels d'offre afin de garantir leur adéquation aux plus hauts standards environnementaux, sociaux, d'efficacité et de qualité. Ils contribuent ainsi à la transition écologique chinoise en apportant leur concours à des initiatives innovantes, aux retombées concrètes. L'expertise de la France est reconnue sur les questions environnementales. Elle est particulièrement recherchée en Chine, où le mandat de l'AFD porte sur les domaines du climat et de la biodiversité. Ainsi, la France joue pleinement son rôle, en valorisant l'expertise et le savoir-faire français et le rôle que nos entreprises peuvent jouer dans la mise en oeuvre de projets innovants, transformationnels et à impact, au service de la transition écologique de la Chine et de la préservation des biens publics mondiaux.
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