Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SER) publiée le 10/10/2024
M. Patrice Joly attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice à propos des conditions de détention dans les prisons françaises.
Au-delà de la prégnante question de la surpopulation carcérale, encore non résolue (au 1er octobre 2023, la France a enregistré encore une fois un nombre de personnes détenues en hausse dans ses centres pénitentiaires : soit 74 342 personnes pour 60 850 places opérationnelles), divers abus et manquement aux droits élémentaires des détenus sont signalés.
En détention, selon des informations concordantes, il apparaît que les maux et abus se multiplient et accablent les personnes détenues : des atteintes à l'intimité et à l'hygiène des personnes détenues, obstacle à la délivrance de soins de qualité, obstacle à l'accès aux activités, conditions de détention insalubres, aggravation de la vétusté des locaux, multiplication des incidents, des rixes et des violences physiques ou sexuelles entre détenus en raison de co- détention avec des profils à risques...
Il est également évoqué des cas de tutoiements abusifs, des divulgations de motifs de détention, des violations au droit d'accès au travail pour des détenus.
Enfin, il est souvent relaté des problèmes persistants sur les manquements au respect du secret médical pour les patients en privation de liberté. Pourtant, la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale garantit aux personnes emprisonnées les mêmes droits de santé que la population générale. Or, dans les faits, l'accès aux soins est entravé en milieu carcéral. La présence imposée des agents, qui sont amenés à être en contact régulier avec les patients après leur consultation, est la cause de beaucoup de refus de soins et de non-recours aux faibles services médicaux disponibles. Dans ces conditions, il l'interroge sur les réformes que le Gouvernement compte entreprendre pour améliorer l'accès aux soins des personnes incarcérées dans le pays.
Enfin, les suicides ou tentatives de suicide mettent en lumière le problème du suivi psychologique de certains individus plus fragiles ou victimes de harcèlement, il souhaite donc connaître les statistiques nationales et les mesures prises par le Gouvernement en matière de conditions de détention dans les prisons françaises.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/08/2025
Le ministère de la Justice place l'amélioration des conditions de détention des personnes détenues au coeur de son action. Le nombre de personnes détenues s'élève au 1er avril 2025 à 82 921 pour 62 358 places opérationnelles, dont près de 5 000 matelas au sol. Le ministère de la Justice entend lancer une concertation sur la différenciation de prise en charge des personnes détenues selon leur dangerosité et la création de prisons thématiques. Ce changement de paradigme indispensable, allié à la construction rapide de nouvelles places de prisons, permettra de lutter contre la surpopulation carcérale en convainquant les magistrats de la crédibilité des peines de probation. La résorption des violences commises en détention est la condition d'un climat de travail sécurisé et apaisé pour les personnels et d'une exécution de la peine digne pour les personnes placées sous main de justice (PPSMJ). Le plan national de lutte contre les violences (PNLV), mis en oeuvre dès 2023, se décline en quatre axes visant à : Approfondir la connaissance et la compréhension du phénomène des violences ; Adopter une stratégie globale de lutte contre les violences en milieu fermé et en milieu ouvert grâce à une politique de formation volontariste ; Développer une nouvelle politique d'affectation des personnes détenues vers des régimes de détention adaptés à leurs besoins et/ou spécialisés dans un type de prise en charge ; Institutionnaliser la lutte contre les violences dans l'administration pénitentiaire en mettant en oeuvre une répression adaptée et systématique des faits de violence. S'agissant de l'accès au travail pour les personnes détenues, la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire et ses décrets d'application réforment entièrement le cadre juridique du travail pénitentiaire afin de rapprocher les conditions de travail en détention de celles de droit commun, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à la détention. Le contrat d'emploi pénitentiaire, effectif depuis mai 2022, crée une situation de travail proche de ce qui existe en milieu libre, avec un acte volontaire de candidature des personnes détenues (CV et lettre de motivation), des entretiens d'embauche et une vie de la relation de travail correspondant à ce qui existe en droit commun. Les droits sociaux des personnes détenues travaillant ont également été renforcés, facilitant la constitution de trimestres, créant la couverture des accidents de travail, maladies professionnelles et mettant en place, entre autres mesures, une médecine du travail. Également, le ministère de la Justice est particulièrement attentif à l'état de santé physique et psychologique des PPSMJ. Les personnes détenues doivent avoir accès à une qualité de soins équivalente à celle de la population générale. La loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 a confié au service public hospitalier la prise en charge sanitaire de la population pénale. L'article L. 322-3 du code pénitentiaire dispose que l'administration pénitentiaire doit respecter le droit au secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique. En outre, pour prévenir les risques de rupture de confidentialité, la feuille de route santé des PPSMJ 2024-2028 prévoit que les notions de secret médical et de secret professionnel pourront faire l'objet de formations auprès des personnels pénitentiaires. Cette question sera également prise en compte dans le cadre du développement de la télémédecine. Enfin, la prévention du suicide est une priorité majeure et ancienne de l'administration pénitentiaire. En 2024, 141 suicides de personnes détenues sont à déplorer, contre 149 pour l'année 2023. Afin de prévenir les risques de passage à l'acte, la direction de l'administration pénitentiaire déploie des formations à destination des personnels pénitentiaires, ainsi qu'à toute personne concourant au service public pénitentiaire. La mise en place de cellules de protection d'urgence (CProU) se généralise dans les établissements pénitentiaires pour placer en sécurité les personnes détenues présentant un risque suicidaire imminent. Le dispositif de codétenus de soutien (CdS) contribue également à la prévention du suicide. Il constitue un moyen d'alerte et de repérage en matière de prévention du suicide, avec des personnes détenues formées à repérer, soutenir, protéger un codétenu présentant une souffrance psychique et/ou un risque suicidaire.
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