Question de M. MALHURET Claude (Allier - Les Indépendants) publiée le 10/10/2024
M. Claude Malhuret attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les modalités d'assujettissement aux cotisations sociales des entrepreneurs indépendants non-agricoles exerçant leur activité dans une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés.
Parmi les entrepreneurs ici cités, figurent les artisans, les commerçants ainsi que les professionnels libéraux réglementés regroupant les activités de la santé, du droit, du chiffre et des autres activités dites techniques.
Ces acteurs de notre économie nationale représentent plusieurs millions d'entreprises et ils emploient environ 2,5 millions de salariés.
Dès lors qu'ils exercent leur activité dans une société dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés (IS), ces entrepreneurs perçoivent un revenu qui prend la forme d'un « salaire », ils peuvent éventuellement compléter leur revenu par un dividende versé par la société. Ces revenus sont alors soumis intégralement ou partiellement aux cotisations sociales selon qu'ils aient la nature d'un salaire ou d'un dividende.
L'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale prévoit en effet que l'assiette des cotisations sociales comprend outre le montant des revenus d'activité indépendante (le salaire), une quote-part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts (CGI) perçus par le travailleur indépendant. Ces articles concernent notamment les dividendes que la société verse à son dirigeant personne physique.
Le 19 octobre 2023, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n° 21-20.366) a rendu une décision qui met en grand danger l'intégralité des entrepreneurs indépendants.
En effet, dans cette affaire, un chirurgien-dentiste exerçait son activité au sein d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) soumise à l'IS, laquelle SELARL était détenue par une société holding fiscalement opaque contrôlée par le praticien. La SELARL a versé un dividende à la société holding et ce dividende est resté « logé » dans la société holding mère. Le praticien n'a donc perçu personnellement aucune somme relative à ce dividende, faute de distribution. Dans le cadre d'un contrôle diligenté par la caisse de retraite de chirurgiens-dentistes, la caisse a exigé que le dividende non perçu par le praticien et resté dans les comptes de la société holding soit intégré dans l'assiette des cotisations sociales personnelles du praticien, et ce en totale contradiction avec les dispositions définies par l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale. Sur pourvoi du professionnel libéral formé contre l'arrêt d'appel l'ayant débouté de ses prétentions, la Cour de cassation donne raison à la caisse de retraite, au mépris du principe de l'existence de la personnalité juridique d'une société.
Devant cette décision judiciaire qui paraît complètement contraire à la définition légale de l'assiette des cotisations sociales, il lui demande de lui confirmer que les dividendes non perçus par un travailleur indépendant ne doivent pas entrer dans l'assiette soumise aux cotisations sociales, quand bien même ces dividendes seraient versés à une société holding, soumise à l'IS de plein droit ou sur option, contrôlée par ledit travailleur indépendant.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 21/08/2025
La Cour de cassation a confirmé, le 19 octobre 2023, l'assujettissement à cotisations des dividendes versés par une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) à une société de participation financière des professions libérales (SPFPL), détentrice de la majorité des parts de la SELARL. Cette décision a provoqué de nombreuses réactions de représentants des professions libérales souhaitant savoir si elle était de nature à remettre en cause la définition de l'assiette sociale de ces professions, telle qu'elle résulte du droit actuel que la réforme de cette assiette issue de la LFSS pour 2024 n'a pas entendu modifier sur ce point. Depuis 2009, en effet, l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale prévoit la réintégration dans l'assiette de cotisations des travailleurs non-salariés des dividendes distribués par leur société et perçus au-delà d'un certain seuil par ces derniers. Ce principe de réintégration est justifié à raison de ce qu'au-delà d'un certain niveau, les dividendes versés par sa société au profit d'un travailleur non-salarié ne peuvent plus être considérés comme des bénéfices produits par la société et redistribués à son profit, mais sont en réalité une restitution par ce biais d'une partie des revenus d'activité de ce travailleur indépendant. Au regard de cette législation, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 19 octobre 2023 précité, confirmé la décision des juges du fond portant réintégration dans l'assiette sociale de cotisations dans un cas d'espèce précis : celui d'un gérant d'une SELARL de dividendes versés par cette société à une SPFPL, détentrice de parts de ladite société. Pour motiver sa décision, la Cour de cassation relève, comme l'avait fait précédemment la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, qu'en l'espèce le gérant de la SELARL était le seul associé professionnel en exercice au sein de cette société dont il détenait directement 1 % des parts, 99 % des parts étant détenus par la SPFPL bénéficiaire du versement des dividendes litigieux, cette dernière étant elle-même détenue à parts égales par ledit gérant et son épouse, étant entendu que la législation sur la réintégration des dividendes versés dans certaines conditions aux professionnels libéraux inclut également ceux distribués à leur conjoint. Il semble que la Cour de cassation, comme la Cour d'appel auparavant, a souhaité prendre en compte spécifiquement cette situation dans laquelle le seul gestionnaire et seul professionnel en exercice au sein de la SELARL, assurant donc à lui seul toute l'activité libérale de cette société, redistribue une partie des bénéfices sous forme de dividendes versés à la société holding de la SELARL, dont il est également le seul détenteur avec son épouse. Ce faisant, la Cour a certainement entendu tirer les conséquences d'une situation précise dans laquelle l'interposition d'une société holding n'a pu avoir pour autre objet que de contourner la législation sur la réintégration de certains dividendes distribués à un travailleur indépendant au sein de l'assiette de cotisations et de contributions sociales de celui-ci. En tout état de cause, compte tenu des particularités de l'espèce et de la conclusion prise en conséquence par le juge, cet arrêt ne saurait être regardé comme un arrêt de principe remettant en cause la distinction entre personnes morales et personnes physiques. Dès lors, il n'est pas prévu de tirer des conclusions juridiques générales en conséquence de cet arrêt, et cette position a été rappelée par l'Etat aux organismes de recouvrement de cotisations et contributions sociales.
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