Question de M. GROSVALET Philippe (Loire-Atlantique - RDSE) publiée le 17/10/2024

M. Philippe Grosvalet attire l'attention de Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation sur les défis auxquels font face les communes nouvellement fusionnées dans le déploiement de leurs politiques publiques.

Afin de lutter contre le morcellement du territoire, la France cherche, depuis la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes dite « Loi Marcellin », à diminuer le nombre de ses communes. Si la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a apporté de nouveaux outils pour atteindre cet objectif, avec notamment la création du statut de commune nouvelle, la France regroupe encore 40 % des communes de l'Union européenne.

Les dispositifs actuels mis en place ne sont pas assez affinés pour correspondre de manière satisfaisante à la réalité du terrain. En effet, dans les territoires ruraux et en périphérie des grandes zones urbanisées, les communes nouvelles s'étendent sur de grandes superficies, avec des pôles de vie et d'activités distants les uns des autres.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, la commune nouvelle des Vallons-de-l'Erdre rassemble les communes déléguées de Bonnoeuvre, Maumusson, Saint-Mars-la-Jaille, Saint-Sulpice-des-Landes et Vritz sur un territoire de 189 kilomètres carrés. Pour mener à bien ses missions, le maire doit effectuer 30 000 kilomètres par an.

Si la gestion d'équipements municipaux identiques dans plusieurs communes déléguées vient augmenter les charges budgétaires, leur maintien est toutefois impératif pour garantir l'accessibilité des services publics à tous les habitants. Dans ce contexte, malgré les améliorations et les économies constatées par la mutualisation des moyens techniques et humains, l'organisation des services publics dans ces nouvelles collectivités demeurera, à long terme, très spécifique.

Aussi, pour continuer à réduire l'émiettement de nos territoires, il apparaît indispensable de leur proposer des dispositifs plus attractifs pour accompagner la nécessaire fusion et ses répercussions.

Par conséquent, il lui demande quels outils budgétaires et fiscaux vont être mis en oeuvre pour accompagner les élus locaux dans la création de communes nouvelles en conservant la continuité et la qualité des services publics.

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Transmise au Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation


Réponse du Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation publiée le 15/05/2025

La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dite « RCT », a substitué au régime antérieur de la loi dite « Marcellin » la procédure de création d'une commune nouvelle prévue aux articles L. 2113-2 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT). Au 1er janvier 2024, la France compte 34 935 communes, dont 24 954 communes de moins de 1 000 habitants. Par cette loi récemment modifiée, le législateur a souhaité accompagner les élus locaux en renforçant les outils budgétaires et fiscaux qui peuvent être mis en oeuvre lors de la création de communes nouvelles. En effet, la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 a prévu l'institution d'une dotation en faveur des communes nouvelles, par prélèvement sur les recettes de l'État, en remplacement de la mesure prévue au pacte de stabilité qui avait été introduit par la loi de finances pour 2020. Cette nouvelle dotation est destinée aux communes nouvelles de moins de 150 000 habitants l'année suivant leur création et est composée de deux parts : la part dite « d'amorçage » et la part dite « de garantie », dont les modalités de répartition sont inscrites à l'article L. 2113-22-1 du CGCT, dans sa rédaction issue de la loi de finances initiales pour 2024. La part dite « d'amorçage » est destinée à aider les communes nouvelles à faire face, durant les trois premières années suivant leur création, aux coûts inhérents à la fusion. Le montant annuel de cette dotation est de 15 euros par habitant pour toutes les communes nouvelles éligibles, soit un montant en hausse par rapport à la dotation d'amorçage du pacte de stabilité, dont le montant annuel était de 6 euros par habitant, majoré à 10 euros par habitant pour les communes de moins de 3 500 habitants. L'augmentation du montant de la dotation d'amorçage répond à une demande des élus locaux et a été introduite dans la loi de finances par un amendement sénatorial avec avis favorable du Gouvernement. La part dite « de garantie » instaure une dotation pérenne destinée à compenser toute perte de DGF de la commune nouvelle à la suite de sa fusion. Elle est égale à la différence entre une DGF de référence, à savoir la somme des DGF perçues par les communes l'année précédant la fusion, à laquelle est appliqué le taux d'évolution annuel de la DGF du bloc communal, et la DGF calculée de la commune nouvelle l'année de la répartition. Pour les communes nouvelles déjà existantes en 2023, le montant de la part de garantie de la dotation est calculé par rapport à la DGF perçue par la commune nouvelle la dernière année d'éligibilité au pacte de stabilité, conformément à la volonté des parlementaires lors de l'examen de la loi de finances. Cette part de garantie est pérenne : une commune nouvelle se voit ainsi garantir dans le temps un niveau de DGF au moins égal à celui perçu pour l'ensemble des communes avant la fusion. Ce dispositif produit des résultats notables : le montant perçu par habitant d'une commune nouvelle de DGF et de dotation en faveur des communes nouvelles s'élève à 230 euros en 2024, un montant supérieur à celui perçu sous le régime du pacte de stabilité en 2023 (225 euros), et largement supérieur au montant moyen de DGF par habitant au niveau national, soit 172 euros en 2024 (169 euros en 2023). Ainsi, le montant de dotation par habitant pour les communes nouvelles est supérieur de 34 % par rapport à la moyenne nationale. Au-delà de la DGF, d'autres outils d'accompagnement financier des communes nouvelles existent. La loi de finances pour 2023, enrichie par celle pour 2024 prévoit, pour les communes nouvelles créées à compter du 2 janvier 2022 et jusqu'au second renouvellement du conseil municipal, le maintien de la dotation particulière élu local (DPEL) à hauteur de la somme des montants perçus par les communes fusionnées l'année précédant la fusion. Concernant les dotations d'investissement, l'article L. 2334-33 du CGCT dispose que les communes nouvelles dont au moins une des communes fusionnées était éligible à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) l'année précédant la fusion y sont éligibles de droit pendant 3 ans. Par ailleurs, ces renforcements des outils budgétaires s'accompagnent d'outils institutionnels permettant d'accompagner les élus locaux dans la création de la commune nouvelle. Dès lors que les anciennes communes d'une commune nouvelle ont souhaité instituer des communes déléguées (art. L.2113-10 du CGCT), le maire délégué occupe les fonctions d'adjoint au maire de la commune nouvelle (art. L.2113-13 du CGCT). Le maire délégué prendra place, jusqu'au premier renouvellement du conseil municipal de la commune nouvelle, immédiatement après le maire dans l'ordre du tableau. Une annexe de la mairie est également créée dans la commune déléguée, dans laquelle seront établis les actes d'état civil, les mariages célébrés et les PACS enregistrés (art. L.2113-11 du CGCT). Afin de faciliter la coordination de l'action publique sur le territoire de la commune nouvelle, le conseil municipal d'une commune nouvelle dispose de la faculté de créer une conférence du maire et des maires délégués, présidée par le maire et qui se réunit au moins une fois par an à l'initiative de son président ou à la demande de l'ensemble des maires délégués (art. L. 2113-12-1 du CGCT). En outre, pour satisfaire aux attentes des élus, le législateur a permis au maire délégué de bénéficier d'une délégation de la part du maire de la commune nouvelle (art. L.2113-13 du CGCT). L'information et la consultation des communes déléguées concernant les affaires dont l'exécution est prévue en tout ou partie sur leur territoire doit être assurée et fait l'objet d'un règlement spécial (art. L. 2113-17-1 du CGCT). En matière de gouvernance, une commune déléguée est systématiquement représentée avec voix consultative dans les syndicats auxquels participe la commune nouvelle (à l'exception des syndicats mixtes ouverts). Enfin, la loi visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité modifie l'article L. 2113-8 du CGCT et étend la période transitoire de l'effectif du conseil municipal d'une commune nouvelle jusqu'au troisième renouvellement général. Cette évolution constitue une forte avancée, en garantissant plus longtemps une meilleure représentativité des communes historiques au sein des communes nouvelles. Dans la continuité de cette évolution, un groupe de travail dédié à la question des communes nouvelles a récemment été annoncé par le Gouvernement. Ses travaux, conduits en lien étroit avec les associations d'élus et les parlementaires, visent à identifier les freins à la création de communes nouvelles et à proposer des mesures concrètes pour y remédier. Plus largement, le travail engagé permettra de mieux prendre en compte les spécificités des communes nouvelles, en dégageant les leviers permettant de lutter contre les effets de seuils fiscaux, financiers ou institutionnels qui peuvent encore dissuader certains élus de s'engager dans cette démarche. Le Gouvernement reste ainsi pleinement mobilisé pour garantir un cadre incitatif, stable et lisible au service de la cohésion des territoires.

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