Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 24/10/2024

Mme Nathalie Goulet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la survivance dans les villes et villages de France de rues dénommées "rue aux Juifs " ou "rue de la Juiverie".
Sans faire montre de wokisme exacerbé, ces dénominations, qui datent souvent du Moyen-Âge et sont les vestiges d'une stigmatisation des populations juives , n'ont plus leur place en France. Ces rues pourraient être rebaptisées et la nouvelle dénomination pourrait porter la mention "anciennement rue aux Juifs" ou "anciennement rue de la Juiverie".
Le terme "juiverie" étant d 'ailleurs particulièrement péjoratif.
Elle souhaite savoir si le ministre de l'intérieur pourrait mettre un terme à cette situation, à l'heure où la multiplication des actes antisémites est particulièrement inquiétante en France.

- page 4147

Transmise au Premier ministre


Réponse du Premier ministre publiée le 17/04/2025

Le Gouvernement lutte contre l'antisémitisme sous toutes ses manifestations, dans tous les champs de la vie sociale, et notamment dans l'espace public. Le choix des toponymes relève néanmoins en premier lieu de la prérogative souveraine de l'édile municipal et de son conseil municipal. Il revient aux communes de trancher sur l'opportunité ou non de maintenir de tels toponymes. Le ministre de l'intérieur, par le truchement des préfets, n'est compétent pour intervenir que dans les cas où les toponymes votés portent ou véhiculent des messages ou des pensées heurtant l'ordre public ou sont contraires aux valeurs de la République, entachant ainsi d'illégalité la délibération qui le vote. Il apparaît dès lors impossible pour l'Etat, sauf à heurter la libre administration des collectivités locales, d'engager l'action systématique sollicitée. Par ailleurs, les toponymes « rue des Juifs », « rue aux Juifs », « rue de la Juiverie », sont le produit d'une histoire complexe dont l'origine est souvent médiévale. Si ces dénominations évoquent aujourd'hui la ségrégation et l'exclusion visant une population considérée de longue date comme étrangère et victime de mesures vexatoires, la réalité historique apparaît plus nuancée. Le processus de désignation d'une rue, voire d'un quartier, dans lequel les populations juives s'étaient installées, relève d'une logique qui a d'abord visé à rappeler la proximité d'établissements communautaires (synagogue, oratoire, bain rituel…). Le terme de « juiverie », dont la connotation péjorative est durement ressentie aujourd'hui, désignait initialement le quartier juif, sans intention particulièrement négative. Par ailleurs, certains de ces toponymes, notamment dans le Sud de la France, sont le fruit d'une mythification tandis que, dans d'autres cas, ils désignent des rues ou des parcelles où cohabitent Juifs et Chrétiens et non exclusivement des Juifs. Pour l'ensemble de ces raisons, effacer les « rues des Juifs » engage le risque d'effacer des pans entiers d'histoire locale qui servent bien souvent de point d'appui aux enseignants pour souligner l'ancienneté de la présence juive dans des territoires parfois très reculés, ainsi que les interactions entre Juifs et Chrétiens. Dans ces conditions, il peut paraître préférable, plutôt que de procéder à cet effacement systématique, de privilégier au moins dans certains cas la pédagogie par l'apposition de panneaux explicatifs resituant l'appellation dans son contexte historique. Dans les cas où une nouvelle dénomination apparaîtrait opportune, cette nouvelle dénomination pourrait être accompagnée de la mention "anciennement [nom de la rue] ". Cette problématique étant complexe, et sa résolution n'étant pas entièrement entre les mains de l'Etat, ce dernier entend poursuivre la réflexion pour permettre que ces éléments d'histoire locale soient mieux connus et médiatisés auprès de tous nos concitoyens.

- page 1905

Page mise à jour le