Question de Mme LOISIER Anne-Catherine (Côte-d'Or - UC-R) publiée le 07/11/2024
Mme Anne-Catherine Loisier attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, chargée de l'énergie sur les problèmes de seuils d'obligation au dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE). Créé en 2005, le dispositif consiste à obliger les fournisseurs d'énergie (appelés « obligés ») à soutenir des actions d'économies d'énergie. Chaque fournisseur se voit attribuer, par période de 3 ou 4 ans, un nombre de kWh cumac à collecter au prorata de ses volumes de ventes. Pour y parvenir, les obligés doivent inciter les consommateurs à réaliser des travaux d'économies d'énergie. Les obligés répercutent le montant de kWh cumac collectés dans le prix des énergies qu'ils commercialisent (pour le carburant et le fioul environ 6 centimes d'euros/litre). Entre la première période (2006) et la cinquième période du dispositif (2022), le nombre d'obligés a été réduit de 2 466 sociétés à 129. Cette baisse a été obtenue par l'instauration de seuils-franchise, en dessous desquels les ventes ne donnent pas lieu à obligation (article R.221-3 du code de l'énergie) : 1000 m3 pour le fioul, 7000 m3 pour le carburant. Cela permet aux fournisseurs de carburants et de fioul, pour chacune de leurs filiales agréées comme entrepositaire agréé (EA) d'encaisser chaque année 485 000 euros (soit un gain sur la période 2022-2025 de 1,9 million d'euros), ou de vendre du carburant avec une remise d'environ 60-65 euros/m3, défiant toute concurrence. Les fournisseurs d'énergie sont donc incités à multiplier les filiales pour bénéficier au maximum de l'effet de seuil. La donnée mise à disposition par le comité professionnel du pétrole (CPDP) indique qu'entre 2019 et 2024, 113 entrepositaires agréés ont été créés (133 EA en mars 2019 et 246 EA en août 2024). Certains fournisseurs d'énergies en ont constitués récemment entre 20 et 30 filiales ! Cela leur permet de maximiser les mises à la consommation sous les seuils évoqués ci-dessus, soit mécaniquement un manque à gagner pour l'État de 55 millions d'euros par an. Cet avantage destiné à protéger les petits fournisseurs crée une réelle distorsion de concurrence et pénalise les sociétés ne démultipliant pas artificiellement les filiales sous statut d'EA. La Cour des comptes, dans son rapport rendu en septembre 2024, indique que « la suppression des franchises [...] nécessite d'être examinée comme d'autres alternatives, à l'image d'une consolidation des volumes de vente de toutes les filiales au niveau du groupe ». Elle lui demande donc si le Gouvernement a prévu de travailler sur ce sujet en prévoyant éventuellement la suppression des seuils qui contribuent à un manque à gagner important pour le dispositif des CEE qui connait déjà des difficultés de mise en oeuvre.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie
Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du tourisme publiée le 30/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 29/04/2025
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 186, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les seuils d'obligation au dispositif des certificats d'économies d'énergie (C2E).
Ce dispositif, créé en 2005, consiste à obliger les fournisseurs d'énergie, les « obligés », à soutenir des actions d'économies d'énergie. Chaque fournisseur se voit attribuer, par période de trois ou quatre ans, un nombre de kilowattheures à collecter au prorata de ses volumes de ventes. Pour cela, les obligés accompagnent les consommateurs qui réalisent des travaux d'économies d'énergie et répercutent les kilowattheures collectés dans le prix des énergies qu'ils commercialisent.
Entre la première période 2006 et la cinquième période 2022 du dispositif, le nombre d'obligés est passé de 2 466 à 129 sociétés. Cette baisse est liée à l'instauration de seuils de franchise, en dessous desquels les ventes ne donnent lieu à aucune obligation. Ces planchers ont malheureusement permis aux fournisseurs de carburant et de fioul d'encaisser chaque année, dans chacune de leurs filiales reconnues comme entrepositaire agréé (EA), presque 500 000 euros.
Les fournisseurs d'énergie sont donc incités à multiplier les filiales pour bénéficier au maximum de cet effet de seuil. Selon les données mises à disposition par le Comité professionnel du pétrole (CPDP), 113 entrepositaires agréés ont été créés entre 2019 et 2024. Certains fournisseurs d'énergie en ont constitué récemment entre vingt et trente filiales ! Cela leur permet de maximiser les mises à la consommation sous les seuils évoqués. Le manque à gagner pour l'État est estimé à environ 55 millions d'euros.
Cet avantage était initialement destiné à protéger les petits fournisseurs, mais il crée aujourd'hui une réelle distorsion de concurrence et favorise les entreprises qui démultiplient artificiellement leurs filiales sous statut d'EA.
La Cour des comptes indique, dans un rapport de 2024, que la « suppression des franchises [...] nécessite d'être examinée comme d'autres alternatives, à l'image d'une consolidation des volumes de vente de toutes les filiales au niveau du groupe ».
Madame la ministre, le Gouvernement travaille-t-il sur ce sujet, intéressant en cette période de recherche de ressources pour l'État, et prévoit-il en particulier de supprimer ces seuils, qui entraînent un important manque à gagner ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier, vous interrogez mon collègue Marc Ferracci au sujet des certificats d'économies d'énergie. Il s'agit d'outils permettant d'engager les énergéticiens dans une démarche d'efficacité énergétique.
Les acteurs « obligés » doivent ainsi atteindre un certain niveau d'actions en matière d'économies d'énergie, proportionnellement à leurs ventes, en fournissant à des particuliers, entreprises ou acteurs publics des financements pour des actions d'efficacité énergétique.
Comme vous l'indiquez, des seuils de franchise, en dessous desquels les énergéticiens ne sont pas assujettis aux obligations du dispositif, ont été prévus pour exonérer les acteurs ne disposant pas des capacités techniques et financières nécessaires à la réalisation de ces obligations.
Néanmoins, il est constaté que, pour se soustraire à ces obligations, les entreprises multiplient le nombre de metteurs à la consommation de fioul domestique et de carburant automobile, notamment par filialisation, et cela de manière abusive.
Cette situation conduit, d'une part, à une concentration des obligations sur un nombre plus restreint de consommateurs d'énergie et, d'autre part, à une distorsion de concurrence très importante entre les metteurs à la consommation assujettis et ceux qui se soustraient à leurs obligations par la filialisation susmentionnée. Cette situation n'est pas acceptable.
Aussi, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques, le Gouvernement a déposé un amendement visant à limiter cet effet d'aubaine, afin de rétablir un juste équilibre entre les obligés du dispositif des certificats d'économies d'énergie.
Cet amendement, adopté et figurant dans le texte qui sera examiné en mai prochain par la commission mixte paritaire, vise à préciser les conditions dans lesquelles sont fixés les seuils de franchise, afin que ceux qui sont applicables aux metteurs à la consommation de fioul domestique et de carburants automobiles reflètent la dynamique actuellement observée.
Je compte donc sur votre soutien en commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les sénateurs !
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