Question de Mme BELLAMY Marie-Jeanne (Vienne - Les Républicains-A) publiée le 26/12/2024
Mme Marie-Jeanne Bellamy attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les dispositions de l'article L.614-24 du code de la propriété intellectuelle (CPI).
Cet article contraint les déposants de demandes internationales de protection des inventions formulées en application du traité de coopération en matière de brevets (PCT) souhaitant obtenir une protection en France de passer par la voie du brevet européen, dite Euro-PCT, les empêchant de demander directement un brevet français.
Cette disposition du CPI complique la tâche des entreprises souhaitant protéger leurs innovations uniquement en France. Elle leur impose en effet de respecter une procédure qui ne répond pas obligatoirement à leurs objectifs stratégiques et engendre un surcoût inutile.
L'abrogation de cette disposition permettrait aux déposants, y compris aux déposants français qui ont une activité à l'international, de simplifier l'obtention d'un brevet ayant effet en France par la voie PCT, mais aussi de conserver la compétence du juge français dans les litiges sur la validité et la contrefaçon des brevets ayant effet en France. Des litiges qui relèvent aujourd'hui de la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet. Cette suppression permettrait enfin d'harmoniser, en le simplifiant, le droit français avec celui des autres pays européens. La France semble en effet être le seul grand pays européen à ne pas avoir abandonné une telle disposition. Certains pays, comme l'Allemagne, ne l'ont d'ailleurs jamais adoptée.
Aussi, elle demande au Gouvernement sa position sur cette question et s'il entend soumettre prochainement au Parlement un texte proposant l'abrogation de cette disposition.
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 22/05/2025
L'accessibilité de la protection des titres de propriété intellectuelle (PI) constitue un enjeu crucial pour la compétitivité et l'innovation des entreprises en France. Aussi, les retombées de la désignation de la France dans le cadre de la procédure internationale dite « PCT direct », permettant à un déposant implanté hors d'Europe d'obtenir directement un brevet français en application du traité de coopération en matière de brevets, méritent encore d'être évaluées. Cette désignation impliquerait la suppression de l'obligation actuelle de passer par l'office européen des brevets (OEB) - la procédure dite « Euro-PCT », actuellement en vigueur, conduisant à l'obtention d'un brevet européen applicable en France via un dépôt auprès de l'organisation modiale de la propriété intellectuelle (OMPI). En l'état, la mesure nécessite une expertise approfondie pour évaluer les conséquences concrètes du dispositif sur les coûts humains et financiers supportés par l'institut national de la propriété industrielle (INPI), tout comme les conséquences sur le nombre de contentieux à traiter par les juridictions françaises en matière de brevets. Il est estimé que la mise en oeuvre d'une telle mesure pourrait générer une augmentation significative du nombre de dépôts de brevets auprès de l'INPI, de l'ordre de 2 300 brevets par an. Il ne s'agirait pas de brevets supplémentaires par rapport à la situation actuelle, mais plutôt d'un transfert de brevets européens désignant la France vers des brevets français, entraînant ainsi un transfert de charge de l'OEB vers l'INPI pour ces 2 300 dossiers annuels. L'ouverture de la voie nationale PCT entrainerait l'examen et le traitement de ces dépôts par l'INPI, impliquant a minima le recrutement de 10 examinateurs supplémentaires. En cas d'internalisation des rapports de recherche actuellement sous-traités à l'OEB, ce besoin pourrait s'accroître jusqu'à 20 examinateurs additionnels, soit un besoin total de 30 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires. La remise en cause de l'accord de travail entre l'INPI et l'OEB, ainsi que des tarifs privilégiés sur les rapports de recherche dont bénéficient les déposants de brevets français, pourrait même générer 14 millions d'euros par an sur les dépenses de fonctionnement de l'INPI, ou le cas échéant sur les redevances payées par les déposants français. Par ailleurs, la procédure PCT direct va à l'encontre d'une politique de centralisation des droits de la propriété intellectuelle, et pourrait s'inscrire en contradiction avec la politique favorable au « brevet à effet unitaire » adoptée par la France au cours de ces dernières années. Cet engagement européen de la France s'est par ailleurs accru avec l'installation de la division centrale de la juridiction unifiée du brevet (JUB) à Paris le 1er juin 2023. Outre la France, le dispositif actuel Euro-PCT est également en vigueur dans 11 autres pays européens : Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Chypre, Grèce, Irlande, Lettonie, Lituanie, Monaco, Malte, Slovénie. Enfin, la proposition n'apparaît pas particulièrement prioritaire aujourd'hui, car elle concerne en premier lieu les déposants de brevets implantés hors d'Europe. S'agissant des déposants français, l'intérêt du dispositif apparaît très limité, voire défavorable compte tenu des risques financiers sur l'élaboration des rapports de recherche. À l'inverse, d'autres mesures déjà expertisées apparaissent plus prioritaires et sont très attendues des entreprises françaises, comme par exemple l'instauration de procédures de recours administratifs internes à l'INPI, dans le droit-fil des mesures en lien avec la propriété industrielle issues de la loi n° 2019-486 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.
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