Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 16/01/2025
M. Hervé Maurey rappelle à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire les termes de sa question n° 01098 sous le titre « Interdiction de l'acétamipride », qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 10/07/2025
Il n'existe plus qu'une substance de la famille des néonicotinoïdes (parmi les 5 familles connues), l'acétamipride, approuvée dans l'Union européene (UE), jusqu'en février 2033. Elle est en effet en cours de réexamen, eu égard à des signalements sur les risques ND (neurotoxicité développementale) et PE (perturbateur endocrinien) de la substance - les conclusions ne devraient pas être disponibles avant 2027. Il n'existe en outre aujourd'hui, plus qu'une substance présentant des modes d'action identiques aux néonicotinoïdes autorisée au niveau européen : la flupyradifurone (substance assimilée). Ces deux substances sont considérées comme un traitement de référence contre une large gamme d'insectes ravageurs. Concernant l'acétamipride, c'est un insecticide à effet neurotoxique qui agit sur un grand nombre d'insectes (pucerons, cochenilles, mouches, punaises, balanins, cicadelles, anthonomes, chenilles, acariens, psylles, etc.). En Europe, la substance est essentiellement utilisée en arboriculture (noisetiers, fruits à pépins, pêchers, cerisiers, pruniers, agrumes, framboisiers etc.) et en production de légumes. L'acétamipride est autorisé dans tous les autres États membres. En France par contre, depuis 2018, date à laquelle la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016 est entrée en vigueur, l'utilisation de l'acétamipride en protection des cultures n'est plus permise depuis l'interdiction d'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant une substance active de la famille des néonicotinoïdes (NNI). Pour rappel, l'interdiction était assortie de la possibilité de déroger jusqu'au 1er juillet 2020, par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé sur la base d'un avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Trois dérogations ont ainsi été accordées pour l'utilisation de l'acétamipride pour la lutte contre les pucerons du navet, la mouche du figuier et le balanin (coléoptère) de la noisette. À l'époque, l'Anses avait été mandatée (en 2016, rapport en 2018) pour recenser les alternatives et comparer les risques. En 2018, l'Anses avait conclu que sur 130 usages autorisés en NNI (qui concernaient pour 70 d'entre eux des usages insecticides), seuls 6 à l'époque n'avaient aucune alternative, chimique ou non chimique. Sur cette base, les dérogations accordées en 2019 ont concerné, pour de l'acétamipride uniquement, les filières noisette, figuier et navet (jusqu'en juillet 2020). En raison des difficultés rencontrées en 2020 par les producteurs de betteraves sucrières pour lutter contre la jaunisse virale, la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières a aménagé l'interdiction pour permettre, jusqu'au 1er juillet 2023, le traitement des semences de betteraves sucrières avec une substance NNI. Cette dérogation n'était pas applicable à l'acétamipride qui ne s'utilise pas en traitement des semences.Pour accompagner cette dérogation, le Gouvernement avait notamment mis en place un plan national de recherche et d'innovation (PNRI) mobilisant au total environ 20 millions d'euros (Meuros) (dont 7,2 Meuros de subventions) afin de faire face à la menace de la jaunisse, et d'apporter des solutions alternatives aux NNI qui soient techniquement et économiquement viables. Ce plan, inédit par son format, ses moyens et sa durée, permet aujourd'hui de disposer de meilleures connaissances sur les viroses de la jaunisse et sur les pucerons, vecteurs de ces viroses, ainsi que sur les différents leviers de luttes contre ces derniers afin de limiter la transmission de la maladie : pratiques agronomiques, produits et techniques de biocontrôle, génétique, etc. Le PNRI a mis en avant l'importance de la prophylaxie pour la gestion de la jaunisse, dont l'efficacité requiert un effort collectif au sein de la filière betterave à sucre, mais également en inter-filière avec les autres productions de betteraves (porte-graines, betteraves potagères), pour assurer la maîtrise des réservoirs viraux et réduire le niveau de pression de la maladie. Ces résultats sont diffusés vers l'ensemble de la filière par les acteurs du PNRI, et en premier lieu l'institut technique de la betterave (ITB). Par ailleurs en 2023, un nouveau plan d'action a été déployé afin d'assurer un soutien financier aux producteurs atteints par la jaunisse cette année-là, et poursuivre la recherche et le développement de nouvelles alternatives pour protéger ces cultures : cela a donné lieu à la décision du ministre chargé de l'agriculture de prolonger le PNRI via le nouveau dispositif « PNRI-C » (PNRI consolidé) qui est doté d'une enveloppe de 4 Meuros du compte d'affectation spécial pour le développement agricole et rural. Ce nouveau programme de recherche-expérimentations permettra d'opérationnaliser les leviers de lutte contre la jaunisse identifiés dans le PNRI 2020-2023. L'un de ces piliers est notamment un dispositif innovant d'expérimentation en conditions réelles sur des fermes pilotes, qui permet d'accélérer le transfert des solutions et de prendre en compte le retour d'expérience des agriculteurs. Enfin, face aux difficultés phytosanitaires rencontrées par les filières et afin de ne pas laisser les agriculteurs sans solution, le ministère chargé de l'agriculture délivre des autorisations de mise sur le marché au titre de l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 pour des alternatives à ces produits. Il a engagé également des financements sans précédents dans le cadre de la planification écologique de l'ordre de 140 Meuros pour financer la recherche d'alternatives [plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (PARSADA)] et des plans de filières associés. Dans le cadre de la proposition de loi (PPL) visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur votée au sénat en janvier 2025, plutôt que la réintroduction générale sans condition, portée par les 200 sénateurs cosignataires de la PPL, le Gouvernement a exprimé un avis de sagesse sur la nouvelle rédaction déposée en séance publique, ciblant les filières sans alternative et limitée dans le temps, à condition que la substance soit approuvée au niveau européen et à condition que des plans de recherches d'alternatives soient en place. Cette rédaction a été encadrée dans le cadre des travaux menés en commission mixte paritaire et est soumise à l'approbation de l'assemblée nationale, après celle du sénat, dans le cadre des lectures de conclusion sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire. Les travaux du comité des solutions, relancés par la ministre Annie Genevard en novembre 2024, ont permis d'identifier 59 couples « culture x ravageur » pour lesquels l'acétamipride est autorisé dans au moins un État membre. Dans les autres États membres, les usages autorisés en acétamipride ou flupyradifurone concernent des cultures ravagées par les pucerons, punaises et balanins, coléoptères phytophages (noisette, kiwi, cerisier, fraises, pommes de terres, asperge, porte-graines, betteraves ). Pour autant, la condition sur les alternatives prévue dans la disposition de la PPL (absence ou insuffisance manifeste) constitue un critère qui permettra d'encadrer les cas d'usages qui seraient ré-autorisés, après avis du conseil de surveillance prévu au L.253-8 -II bis du code rural. Le PARSADA continuera pour cette raison d'être un enjeu fort d'appui et d'accompagnement à la recherche d'alternatives pour les filières confrontées aux impasses de produits phytopharmaceutiques.
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