Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 23/01/2025

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie sur l'empreinte carbone croissante des terminaux numériques.

D'après une étude intitulée « Les télécoms : l'investissement au service de la connectivité », l'empreinte carbone des acteurs de l'économie numérique en France pourrait augmenter de 45 % d'ici 2030, par rapport à son niveau de 2020, passant de 17,2 à 25 Mt eq de Co2. L'étude indique que la contribution des réseaux et des datacenters à cette pollution est relativement faible par rapport à celle des terminaux qui émettaient, en 2020, 13,8 Mt eq de Co2 et pourraient en représenter 20 Mt eq de Co2.

Alors que le rapport « Donner un sens à l'intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne » du 28 mars 2018 soulignait déjà les risques de surconsommation énergétique et de matières (semi-conducteurs) liée au développement de l'industrie numérique, ces projections, 5 ans plus tard, ne semblent pas indiquer un infléchissement de cette tendance.

Le sénateur souhaite donc connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement afin de réduire l'empreinte carbone du secteur numérique sachant que la loi du 15 novembre 2021 adoptée à l'initiative du Sénat vise à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France et promeut, à ce titre, l'utilisation de datacenters et de réseaux numériques moins énergivores et la mise en oeuvre d'une stratégie numérique responsable dans les territoires. Il souhaiterait connaître l'impact de ce dispositif et l'utilité éventuelle de le faire évoluer.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie publiée le 26/06/2025

Concernant l'empreinte carbone du numérique en France : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ont publié en janvier 2025 la mise à jour de l'étude sur l'empreinte environnementale du numérique en France. Cette étude estime que le numérique représente désormais 4,4 % de l'empreinte carbone nationale (données de 2022), soit 29,5 MtCO2 de GES, contre 2,5 % dans la publication de 2020. Cette mise à jour inclut désormais les impacts des centres de données installés à l'étranger et utilisés pour des usages en France. Cette étude rappelle que 50 % de l'impact carbone du numérique est lié à la fabrication et au fonctionnement des terminaux (téléviseurs, ordinateurs, smartphones, IoT, etc.), 46 % est lié aux centres de données et 4 % aux réseaux. Concernant l'action de la France en matière de réduction de l'empreinte carbone du numérique : la France est l'un des premiers pays de l'Union européenne (UE) à avoir formalisé un cadre réglementaire (notamment avec les lois Climat et Résilience, AGEC et REEN) et une feuille de route « Numérique et Environnement » publiée en février 2021 qui entend développer les connaissances sur l'empreinte environnementale du numérique, soutenir un numérique plus sobre et faire du numérique un levier d'innovation pour la transition écologique. Par ces actions, la France se positionne en pionnière du sujet au niveau européen. Aujourd'hui, ces actions sont structurées sous le pilotage du Haut comité pour le numérique écoresponsable (HCNE), cadre politique d'impulsion de la planification écologique sur le numérique écoresponsable. Celui-ci est co-présidé par les ministères chargés de la transition écologique, de l'énergie et du numérique. Dans le cadre de France 2030, 4 lauréats à hauteur de 6,5 Meuros ont été sélectionnés lors de la première relève l'appel à projets « ECONUM - Soutien au développement d'une économie numérique innovante, circulaire et à moindre impact environnemental ». Les quatre lauréats sont : Emmaüs Connect avec TNRS, qui lutte contre la précarité numérique en reconditionnant des équipements et en visant l'inclusion numérique de 2 millions de ménages d'ici 2027 ; AzurIA avec PLUG IA, qui développe un boîtier intelligent pour détecter en temps réel les incendies et renforcer la réactivité des secours ; Sens Technologies, leader français du reconditionnement Apple, qui optimise la réparation des MacBook et iPad pour rendre ce secteur plus compétitif face à la concurrence internationale ; Le GSM, le CEA et l'INP Grenoble avec REPEX, qui innovent dans l'effacement sécurisé des données par rayons X pour favoriser le réemploi des équipements numériques. Concernant les services numériques, la loi relative à la réduction de l'empreinte environnementale du numérique (loi REEN) a confié à l'Arcep et l'Arcom la définition, en lien avec l'ADEME, du contenu d'un référentiel général de l'écoconception des services numériques (RGESN). Ce référentiel à destination des concepteurs de services numériques y compris des services utilisant l'IA propose une méthode pour s'assurer que le service opérationnel ou en cours de conception s'inscrit dans une démarche d'écoconception. Ce référentiel représente l'un des principaux leviers à disposition de la France pour aller vers des solutions numériques, y compris des solutions utilisant l'IA, plus durables. Ce référentiel peut être complété par AFNOR Spec IA frugale, fruit d'un travail collaboratif piloté par l'Ecolab du Commissariat général du développement durable (CGDD) et qui a mobilisé une centaine d'experts issus du monde de la recherche, de l'industrie, du milieu associatif et des pouvoirs publics. L'AFNOR Spec IA frugale définit des principes et des bonnes pratiques pour concevoir et utiliser l'IA de manière sobre et efficace, en minimisant son impact environnemental. Elle est mise à disposition gratuitement. Ce travail a été mis en avant lors du sommet IA afin d'entamer une démarche d'internationalisation du référentiel. Concernant la réduction de l'empreinte environnementale des centres de données : s'agissant particulièrement de la réduction de l'impact des centres de données, depuis 2024, les centres de données d'une puissance de plus de 500 kW doivent remonter chaque année leurs données auprès de la Commission européenne qui proposera des seuils de performance environnementale en 2025. Par ailleurs, les États membres devront s'assurer que les nouveaux centres de données ayant une puissance installée dépassant 1 MW valorisent la chaleur fatale, sauf impossibilité technique ou économique. Au niveau national, le décret tertiaire, issu de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), impose des objectifs ambitieux de réduction de la consommation énergétique pour les gestionnaires de centres de données. Est attendue une réduction de 40 % de leur consommation d'ici 2030, 50 % d'ici 2040 et 60 % d'ici 2050. Enfin, en juillet 2023, la filière du numérique (terminaux, datacenters, réseaux, services numériques) a présenté aux pouvoirs publics sa feuille de route de décarbonation du numérique[1] lors du Haut comité numérique écoresponsable. Elaborée dans le cadre de l'article 301 de la loi du 22 août 2022, dite « Climat et Résilience », ce plan commun présente les actions que le secteur s'engage à mettre en oeuvre pour décarboner ses activités, notamment en matière d'économie circulaire, de réemploi, de reconditionnement et d'écoconception. Il contribuera à l'élaboration d'un objectif d'évolution de l'empreinte carbone du numérique et d'un plan d'action associé dans le cadre de la prochaine Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Concernant la mise en oeuvre d'une stratégie numérique responsable dans les territoires : depuis le 1er janvier 2025, les communes et les intercommunalités de plus de 50 000 habitants doivent élaborer une stratégie dédiée. À cet égard, une boite à outils et un programme d'accompagnement expérimental a été mis en place par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour accompagner les collectivités dans leur démarche. L'ANCT a accompagné six collectivités pilotes entre novembre 2022 et février 2023 afin d'identifier les besoins et créer des ressources mutualisables (outils, méthodes, bonnes pratiques). Cette expérimentation a abouti à une « boîte à outils nationale du numérique responsable ». Une des catégories de leviers de cette boite à outils correspond à la « transformation du SI » au sein de laquelle les sujets stockages sont visés (réduction, optimisation, conservation des données, virtualisation des serveurs par exemple)[2]. En 2023, l'ANCT a élargi son accompagnement à 18 collectivités supplémentaires, intégrant communes, établissements publics de coopération communale (EPCI) et mutualisateurs. Cette phase a permis de diffuser les méthodologies et d'ancrer la démarche dans les territoires. Depuis le 1er janvier 2025, l'ANCT relance son accompagnement pour accompagner les collectivités - communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) - dans la définition, le montage et la mise en oeuvre de leurs projets, via le renouvellement de son accord-cadre d'ingénierie. Cet accord-cadre dispose d'un lot numérique & environnement avec deux modules : le premier portant sur les projets numériques au service de la transition écologique (projets de territoires connectés et durables) et le second sur la réduction de l'empreinte environnementale du numérique (sobriété numérique). Aujourd'hui, l'enjeu est d'établir un bilan de ces stratégies. L'ANCT travaille sur un bilan plus qualitatif, qu'elle souhaite étendre à l'ensemble des collectivités pour réaliser un bilan sur l'obligation établie à l'article 35 de la loi REEN. [1] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/05.07.2023_Synthese_Feuille_de_route_numerique.pdf [2] http://lesbases.anct.gouv.fr/ressources/demarche-numerique-responsable#le-guide-methodologique-3

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