Question de M. ANGLARS Jean-Claude (Aveyron - Les Républicains) publiée le 06/02/2025

M. Jean-Claude Anglars interroge Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les exigences sanitaires actuelles pour composter la laine en suint qui sont plus strictes que pour d'autres sous-produits animaux, comme le lisier ou le lait, rendant leur application en ferme très difficile.
La laine issue de la tonte des ovins connait depuis plusieurs années de grosses difficultés à être valorisée, voir même à être collectée de par sa classification en sous-produit de catégorie 3, alors même qu'il s'agit d'une matière naturelle aux multiples propriétés. Son absence de collecte dans certains secteurs, principalement en zone rustique, a conduit à l'accumulation de stocks importants en ferme pour lesquels la seule voie de transformation possible, en dehors de l'incinération, est le co-compostage en ferme avec du fumier.
Mais, en France, le domaine de la valorisation dans les sols des engrais organiques ou amendements obtenus à partir de sous-produits animaux via notamment un processus de compostage est au croisement de plusieurs réglementations.
La réglementation environnementale pose problème. La classification Installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) est en cours de traitement via l'article 17 du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture mais le volet sanitaire est, aujourd'hui, un frein avec des exigences demandées pour composter la laine en ferme supérieures à celles du fumier.
Ainsi, conformément aux règlements R.1069/2009 et R.142/2011, le compostage de la laine en ferme implique, notamment, pour les éleveurs, de disposer d'un agrément sanitaire spécifique (à l'instar des plateformes de compostage habilitées au traitement des sous-produits animaux) et que l'andain monte à 70°C à coeur durant plus de 5 jours consécutifs (du moment où la prise de température n'est réalisée qu'en un seul point de l'andain).
Pourtant, l'arrêté du 9 avril 2018 fixant les dispositions techniques nationales relatives à l'utilisation de sous-produits animaux et de produits qui en sont dérivés, en usine de compostage, prévoit des dérogations pour une liste définie de matières dans laquelle la laine ne figure pas alors que l'on y trouve le lisier, le lait, les oeufs.
L'article 13 de cet arrêté propose des dérogations au critère européen de 70 °C (interprété en France comme 70 °C pendant 5 jours) en adoptant divers couples température/durée (par exemple 55 °C pendant 14 jours, 60 °C pendant 7 jours ou 65 °C pendant 3 jours). Des essais validés par les autorités sanitaires montrent qu'il est souvent difficile de faire monter un tas de fumier composté à 70 °C à coeur, alors que l'atteinte de 65 °C est bien plus réalisable.
Or dans la fiche technique de l'application de l'article 13 de l'AM20180409, il est spécifiquement prévu pour le seul lisier composté et épandu sur la ferme, qu'un enregistrement au titre de l'article 4 puisse se substituer à l'agrément sanitaire habituellement exigé.

Il lui demande que la laine en suint puisse être traitée dans des conditions de compostage sécurisées et proportionnées, tout en évitant des contraintes administratives et techniques excessives pour les exploitants.
Par ailleurs, il souhaiterait connaître les raisons pour lesquelles la laine ne figure pas, à ce jour, dans la liste des dérogations de l'article 13. Il lui demande également si le Gouvernement entend reconnaître pour le compostage de la laine en ferme, les mêmes équivalences de couples temps-températures que celles déjà prévues (notamment 65 °C pendant 3 jours) et si le Gouvernement entend accorder pour le compostage de la laine en ferme par dérogation à l'obligation d'agrément sanitaire, un simple enregistrement au titre de l'article 4 de l'arrêté du 9 avril 2018 comme c'est le cas pour le lisier.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 21/05/2025

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2025

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, auteur de la question n° 290, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Jean-Claude Anglars. Les exigences sanitaires actuelles imposées au compostage de la laine en suint sont plus strictes que pour d'autres sous-produits animaux, comme le lisier, ce qui rend leur application très difficile en ferme.

La laine, matière naturelle dotée de multiples propriétés agronomiques et environnementales, est classée comme sous-produit animal de catégorie 3. Cette classification entraîne de fortes contraintes en matière de collecte et de traitement. L'absence de filière structurée conduit à une accumulation de stocks en ferme, pour lesquels le co-compostage avec du fumier constitue, en dehors de l'incinération, la seule solution viable.

Or la réglementation actuelle rend cette pratique excessivement complexe. En vertu des règlements (CE) n° 1069/2009 et (UE) n° 142/2011, le compostage de la laine en ferme impose aux exploitants de disposer d'un agrément sanitaire identique à celui qui est exigé pour les plateformes industrielles et de garantir une montée en température de l'andain à 70 degrés Celsius pendant cinq jours consécutifs, température relevée à coeur en un seul point. De telles exigences techniques sont difficiles à mettre en oeuvre dans le cadre d'une gestion en ferme.

Sont fixées dans l'arrêté du 9 avril 2018 les conditions nationales d'utilisation des sous-produits animaux en usine de compostage. Ce texte contient des dérogations aux critères européens de température ; toutefois, la laine ne figure pas dans la liste.

Par ailleurs, cet arrêté prévoit qu'un simple enregistrement peut se substituer à l'agrément sanitaire pour le compostage de lisier destiné à un usage sur exploitation. Cette souplesse administrative n'est pas non plus étendue à la laine, alors même que les enjeux sont comparables.

Madame la ministre, le Gouvernement entend-il reconnaître pour le compostage de la laine en suint d'autres couples temps-température déjà admis pour des sous-produits différents ? Pour renforcer la cohérence de la réglementation, est-il possible qu'une simple procédure d'enregistrement puisse se substituer à l'agrément sanitaire, comme pour le lisier ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Jean-Claude Anglars, les difficultés rencontrées pour la valorisation de la laine sont bien identifiées au sein de mon ministère. Mes services accompagnent d'ores et déjà le secteur ovin dans la structuration d'une filière laine, via différentes actions.

En application de la réglementation sanitaire européenne, la laine issue de la tonte des ovins est un sous-produit animal de catégorie 3. L'activité de compostage de sous-produits animaux de cette catégorie est soumise à agrément sanitaire.

Aussi, les services de mon ministère accompagnent la filière dans l'élaboration d'un dossier type de demande d'agrément sanitaire pour l'activité de compostage de la laine en exploitation agricole.

Une expérimentation a été lancée en juin 2024 dans deux exploitations agricoles pilotes pour déterminer les modalités de procédure les plus adaptées au contexte du compostage à la ferme. La fin de l'expérimentation, qui dépendra du bon déroulement de cette dernière, n'est pas encore définie.

En complément, mon ministère a saisi l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) afin d'identifier les risques que peut représenter la laine en suint pour la santé humaine, la santé animale et pour la préservation de l'environnement.

En outre, il a été demandé à l'Anses de proposer d'éventuelles recommandations générales sur les moyens de maîtriser ces dangers. Ces éléments seront utiles aux professionnels pour définir les méthodes de traitement de la laine en fonction de l'utilisation et de la valorisation envisagées. La publication de l'avis de l'Anses est attendue pour fin octobre 2025.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour la réplique.

M. Jean-Claude Anglars. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je vois que vous vous êtes engagée sur un sujet qui tient particulièrement à coeur aux habitants du département de l'Aveyron, qui compte plus de 1 million de brebis.

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