Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 06/02/2025
M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur le grand nombre d'actes antisémites enregistrés en 2024.
Selon le rapport 2024 du Service de protection de la communauté juive (SPCJ) la vague d'antisémitisme déclenchée par les attaques du 7 octobre 2023 serait toujours en cours. En effet, le seuil de 1 000 actes antisémites aurait été dépassé pour la deuxième année consécutive, avec 1 570 actes antisémites recensés en 2024, contre 1 676 en 2023. À titre de comparaison, en 2022, 436 actes de ce type avaient été recensés.
Les atteintes aux personnes seraient en hausse de 5 points. Elles représenteraient 65,2% des actes antisémites en 2024 (dont 106 actes de violence physique), contre 60 % d'entre eux en 2023.
Par ailleurs, le rapport souligne une augmentation de 140 % des actes antisémites par rapport à la moyenne hebdomadaire lors de la période allant du 27 mai au 10 juin 2024, au cours de laquelle certains partis politiques candidats aux élections européennes ont particulièrement insisté sur la situation de la Bande de Gaza dans leur communication politique.
Enfin, le rapport souligne qu'au moins 192 actes antisémites auraient été commis dans le milieu scolaire en 2024, dont un grand nombre dans des écoles primaires. Ce rapport précise que la plupart des actes concernés ne font pas l'objet d'une plainte, ce qui ne permettrait pas d'en connaître le nombre réel.
À la lumière de ce rapport, il souhaite connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement afin de prévenir les actes à caractère antisémite sur l'ensemble du territoire et tout particulièrement dans les écoles.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 24/07/2025
L'article 1er de la loi de séparation des Églises et de l'État dispose que « la République assure la liberté de conscience » et « garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions éditées ci-après dans le respect de l'ordre public ». Les actes antireligieux touchent aux fondements de notre démocratie que sont les libertés de conscience, de culte et d'engagement de chaque individu, et seule la sécurité permet l'exercice plein de ces libertés. Pour cette raison, le ministère de l'intérieur est pleinement mobilisé pour sécuriser les lieux de cultes et prévenir et lutter contre ces actes antireligieux. S'agissant du judaïsme, les services du ministère de l'intérieur ont effectivement comptabilisé 1 676 faits antisémites au cours de l'année 2023, contre 436 en 2022, soit une augmentation de 284 %. Les atteintes aux personnes ont particulièrement augmenté (+319 %). Cette hausse touche à la fois les sphères privée, éducative, professionnelle ou encore politique. S'y ajoute la question majeure que constituent les contenus antisémites sur les réseaux sociaux. Sur l'ensemble de l'année 2024, 1 570 faits antisémites ont été recensés, soit une baisse de 6% par rapport à l'année 2023. Cette baisse relative est à mettre en perspective avec le niveau historiquement élevé de la fin de l'année 2023. Les actes antisémites sont majoritairement constitués d'atteintes aux personnes (65 %). Les actes antisémites représentent 62 % de l'ensemble des faits antireligieux, un chiffre constant par rapport à l'année précédente. Face à cette recrudescence, la mobilisation du ministère de l'intérieur est totale. Dès le 7 octobre 2023, plus de 900 sites sensibles israélites ont bénéficié d'une protection dynamique assurée par les forces de sécurité appuyées par la force Sentinelle, qui a pu mobiliser jusqu'à 7 000 militaires en simultané. Cette initiative a notamment permis l'interpellation d'individus pris en flagrant délit. Dans un contexte de posture « urgence attentat » et de menace terroriste élevée, ce dispositif reste déployé et fait l'objet d'une adaptation au quotidien sous le pilotage des préfets. La sécurisation des lieux de culte est le fait de la mobilisation de la police nationale et de la gendarmerie nationale, sous l'égide des préfectures, qui, dans la cadre des instructions permanentes du ministère de l'intérieur, mettent en place des dispositifs spécifiques. Ils s'articulent autour de deux volets : un volet prévention/partenarial et un volet opérationnel. En matière de prévention, les responsables des lieux de culte peuvent bénéficier des conseils des référents sûreté de la police et de la gendarmerie nationales en matière de prévention situationnelle : sécurisation des abords et de l'accès au lieu de culte, la vidéoprotection, les bons réflexes, etc. Les missions du référent sûreté s'inscrivent dans le cadre de la démarche de prévention de la délinquance de la gendarmerie et de la police. Le volet opérationnel consiste en la mise en place de dispositifs de sécurisation, en lien avec les responsables de lieux de culte, les élus, les polices municipales et les militaires de l'opération Sentinelle, par rondes et patrouilles et points fixes aux abords des sites les plus sensibles/exposés, principalement lors des célébrations religieuses. Ces dispositifs sont renforcés et étendus pendant les principales fêtes religieuses et adaptés au contexte local et aux échanges établis entre force de sécurité intérieure et responsables des lieux de culte. Le ministère de l'intérieur est par ailleurs engagé depuis plusieurs années dans la lutte contre l'antisémitisme en finançant, par le programme K du fonds interministériel de prévention de la délinquance, la protection de lieux de culte. Entre 2015 et 2024, 32,1 millions d'euros ont été alloués aux édifices cultuels et écoles confessionnelles de la communauté juive. Sur le plan numérique, Pharos a poursuivi sa double action administrative, pour faire retirer les contenus illicites signalés, et judiciaire, en orientant ou initiant des enquêtes visant à identifier des éditeurs de contenus illicites, contenus que peuvent signaler des acteurs comme la LICRA, le CRIF ou encore le Service de protection de la communauté juive (SPCJ). L'objectif du ministère de l'intérieur est clair : ne rien tolérer en matière de propos antisémites en ligne et judiciariser chaque fois que cela est possible. Par ailleurs, la mission de sécurité des lieux de cultes et de lutte contre les actes antireligieux a été renforcée par un pilotage du ministère de l'intérieur qui se traduit par des rencontres régulières réunissant les représentants de la communauté juive (Consistoire central, consistoire de Paris, Fonds social juif unifié, Service de protection de la communauté juive) et les forces de sécurité intérieure pour s'assurer de la bonne prise en compte des enjeux de sécurisation des lieux de culte. Conscient de l'importance de sensibiliser les cultes aux enjeux de sécurité, le ministère de l'intérieur a également conçu un module de sensibilisation destiné aux acteurs locaux des cultes (ministres des cultes, président d'association cultuelle, etc.) déployé dans les territoires par les préfets et dispensé par les services de police et de gendarmerie. Le ministère de l'intérieur veille enfin à mobiliser, contre les lieux ou les individus qui promeuvent et diffusent l'antisémitisme, l'ensemble des outils de police administrative : outre les mesures de dissolution d'associations et les arrêtés de fermeture des lieux de culte pris sur ce motif, le ministère a procédé à plusieurs expulsions de personnalités comme l'imam Iquioussen, la militante du Front populaire de libération de la Palestine Mariam Abou Daqqa ou encore récemment l'imam Mahjoub Mahjoubi, pour ne citer que ces exemples emblématiques. L'antisémitisme étant un phénomène polymorphe, il appelle des réponses globales. C'est pourquoi les actions de sécurité déployées par le ministère de l'intérieur s'insèrent dans une logique interministérielle de prévention d'ensemble. La politique de lutte contre l'antisémitisme pilotée par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), sous l'égide du Premier ministre, fait ainsi intervenir l'ensemble des ministères et a permis d'initier un plan national de lutte contre l'antisémitisme. Le Gouvernement a en outre organisé les Assises de lutte contre l'antisémitisme en 2024 et 2025. Un rapport issu de travaux réalisés dans ce cadre et rendu public le 28 avril 2025, a, à cet égard, formulé plusieurs recommandations visant à prévenir l'antisémitisme dans le champ éducatif, d'une part, et à réfléchir aux nouvelles qualifications pénales de l'antisémitisme, d'autre part. Leur déclinaison est en cours, et des propositions de loi sont examinées au Parlement.
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