Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 27/02/2025
M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité sur les conséquences de la destruction des petits barrages et moulins à eau en matière de régulation des cours d'eau.
La circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en oeuvre par l'État et ses établissements publics d'un plan d'actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d'eau prévoit que « les ouvrages [moulins] non entretenus doivent de préférence être modifiés afin d'assurer par leurs caractéristiques mêmes la continuité écologique (arasement, brèches, démolition, etc.) ».
Selon les données de l'Office français de la biodiversité, plus de 7 000 seuils de moulins à eau ont été partiellement détruits et plus de 4 000 ouvrages ont été complètement détruits depuis 2010.
La Fédération française des associations de sauvegarde des moulins (FFAM) indique que 4 milliards d'euros auraient ainsi « été consacrés par les agences de l'eau « à la restauration des milieux aquatiques » dont la principale mesure consiste à détruire ces retenues traditionnelles pour faciliter la circulation des poissons migrateurs ».
Or, selon la FFAM, la destruction partielle ou totale des seuils de barrages et moulins à eau n'a pas permis le retour des poissons migrateurs et aurait accentué les externalités négatives des phases de crue (inondations) et de sécheresse (surcreusement du lit des cours d'eau entraînant la vidange de la tranche supérieure de la nappe alluviale et donc multiplication des phénomènes d'étiage).
À ce titre, l'article 49 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 (dite Climat et résilience) indique que « s'agissant plus particulièrement des moulins à eau, l'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l'exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages ».
Or, selon la FFAM, des destructions d'ouvrages se poursuivraient.
Il souhaite donc savoir si, effectivement, ces destructions d'ouvrages se poursuivent et, le cas échéant, pour quelles raisons et connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement afin de faire appliquer l'article 49 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et d'exploiter le potentiel des moulins à eau en matière de régulation des cours d'eau et de production d'énergie renouvelable.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ruralité publiée le 10/07/2025
La politique de restauration de la continuité écologique concilie les enjeux de restauration des fonctionnalités des cours d'eau avec le déploiement de la petite hydroélectricité, la préservation du patrimoine culturel et historique, ou encore les activités sportives en eaux vives. La plupart des interventions réalisées et financées sont des mises en place de dispositifs de franchissement avec maintien de l'ouvrage et de la retenue amont. Toutefois, de nombreuses études et publications scientifiques démontrent l'intérêt d'effacer des petits ouvrages en cours d'eau, tant pour la survie et la reproduction des poissons migrateurs que pour l'amélioration générale des fonctionnalités des rivières, de leur biodiversité et de la qualité des eaux. Le bon niveau de conciliation doit donc être adapté aux enjeux de chaque cours d'eau et bassin versant, en laissant une place suffisante à la suppression de seuils inutiles et obsolètes, seule solution de continuité permettant la restauration d'habitats et de la qualité de l'eau. Le règlement européen pour la restauration de la nature en fait d'ailleurs un objectif volontaire, preuve que ces solutions sont globalement positives et nécessaires chaque fois qu'elles sont possibles. Concernant la gestion quantitative de la ressource en eau, sur le plan scientifique, les petites retenues en cours d'eau ne jouent qu'un rôle mineur sur le soutien à l'étiage. Leur faible volume ne permet pas de conserver un débit minimal durable en période de sécheresse. Seules les grandes retenues (plusieurs millions de m3), majoritairement situées en amont des bassins versants, peuvent relâcher sur plusieurs semaines l'eau stockée pour maintenir un écoulement minimal dans les cours d'eau. L'effacement d'un petit nombre d'ouvrages n'est donc pas responsable des assèchements observés l'été sur de nombreux cours d'eau : il s'agit plutôt d'une conséquence du dérèglement climatique, souvent accentué par un usage trop intense de la ressource en eau sur cette période de basses eaux. Par ailleurs, le libre écoulement de l'eau au sein d'un bassin versant, notamment à travers son réseau de cours d'eau, est un processus structurant du grand cycle de l'eau. Cette eau qui s'écoule n'est donc pas perdue, elle est apportée gratuitement aux territoires en aval. Elle contribue au bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques naturels et au maintien de leurs services gratuits comme l'auto-épuration de l'eau et la dénitrification naturelle, la création de biomasse ou le maintien des zones humides et du soutien d'étiage naturel qu'elles peuvent assurer tout au long du linéaire. Aussi, en ce qui concerne la gestion qualitative de l'eau et des écosystèmes aquatiques, l'intérêt des petites retenues d'eau qui transforment des eaux courantes en eaux stagnantes, réchauffent les eaux et concentrent les sédiments et les pollutions, est contestable pour le maintien de la biodiversité aquatique et l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau. Et c'est pourquoi d'ailleurs, les suppressions de seuils ou plans d'eau réalisés par les collectivités ayant la compétence GEMAPI ont très souvent pour motivation l'amélioration de la qualité biologique et physico-chimique des cours d'eau, avec des résultats tout à fait positifs, liés à la restauration de la libre circulation des organismes aquatiques (poissons, macro invertébrés, etc.) et des sédiments, de la diversification des écoulements, des habitats et donc des espèces, et à la baisse de la température de l'eau ou encore à la disparition des cyanobactéries ou de l'eutrophisation. Enfin, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience ne proscrit pas la pratique de destruction de retenues d'eau, mais encadre celle-ci concernant le cas particulier des moulins situés sur les cours d'eau classés en « liste 2 » au titre du L214-17 du code de l'environnement, soit 11 % du linéaire des cours d'eau, en prévoyant que « S'agissant plus particulièrement des moulins à eau, l'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l'exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages. » Les agences de l'eau financent des décisions respectant les dispositions légales. Et, en outre, la cour administrative d'appel de Versailles dans sa décision du 18 novembre 2024 a reconnu légales les dispositions du programme d'intervention de l'agence de l'eau Seine-Normandie prévoyant le financement de suppressions d'ouvrages en lit mineur.
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