Question de M. JADOT Yannick (Paris - GEST) publiée le 27/02/2025

M. Yannick Jadot attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les importations de trophées de chasse d'espèces protégées ou menacées en France.
En juillet 2015, le lion Cecil, mâle emblématique et dominant du parc national de Hwange au Zimbabwe, a été tragiquement abattu dans des circonstances qui ont suscité une indignation internationale. Un événement qui avait amené la ministre Ségolène Royal à interdire toute importation de trophées de chasse au lion. Si cette interdiction est à saluer, la France restait le 1er importateur européen de trophées de léopards, de lynx d'Eurasie et de guépards entre 2014 et 2018, le 3e plus grand importateur de trophées d'éléphants d'Afrique, de loups gris, d'hippopotames et d'oryx algazelle. Elle était, par ailleurs, le 2nd exportateur européen de trophées de chasse sur la même période.
Le règlement européen (CE) n° 865/2006 définit un trophée de chasse comme un animal entier ou une partie ou un dérivé facilement identifiable d'un animal. À l'heure de la 6e extinction de masse, la chasse aux trophées agit comme un accélérateur de la crise mondiale de la biodiversité en menaçant la survie des espèces chassées et en bouleversant les écosystèmes. Un business lucratif pour les opérateurs qui l'organisent et les trafiquants qui y sont liés, mais qui l'est beaucoup moins pour les communautés locales, contrairement à ce que les chasseurs revendiquent. À titre de comparaison, le tourisme d'observation de la vie sauvage génère bien plus de revenus pour la conservation des espèces et permet de créer bien plus d'emplois pour les populations locales. Un commerce qui alimente par ailleurs corruption et trafics.
Le 25 janvier 2024, le parlement belge a voté à l'unanimité une loi interdisant toute importation de trophées de chasse pour un grand nombre d'espèces protégées ou menacées, en conformité avec la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Par ailleurs, d'autres États européens, comme le Royaume-Uni ou la Pologne, planifient déjà l'interdiction d'importer des espèces animales protégées. Une proposition de loi visant à interdire l'importation et l'exportation des trophées de chasse d'espèces protégées a également été déposée le 21 novembre 2023 à l'Assemblée nationale. Votée en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, elle attend toujours d'être inscrite à l'agenda de l'Assemblée.
L'article 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) permet à un État membre de restreindre les importations de trophées et d'imposer des mesures nationales restrictives sur les importations, si les restrictions sont justifiées par des intérêts publics non-commerciaux, tels que la protection de la santé et de la sécurité des personnes, des animaux et des plantes. En outre, le Conseil d'État Belge a reconnu, dans son avis du 10 novembre 2023, que les États membres de l'UE sont compétents pour interdire l'importation de trophées de chasse de certaines espèces.
La France a déjà démontré qu'elle pouvait agir de manière souveraine sur ce sujet avec l'interdiction d'importation de trophées de lions en 2015. En conséquence, il lui demande quelles actions le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour mieux encadrer l'importation des trophées de chasses et cesser à terme d'émettre des permis d'importation pour les trophées d'animaux d'espèces figurant à l'annexe A et pour certains figurant à l'annexe B du règlement sur le commerce des espèces sauvages (règlement (CE) n° 338/97 du Conseil).

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Réponse du Ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche publiée le 12/06/2025

Le sujet de l'importation des trophées de chasse revêt une importance majeure au regard de la conservation des espèces concernées et des écosystèmes qui les hébergent. La question de l'importation des trophées doit être examinée dans le contexte de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Cet accord intergouvernemental réunit 183 Parties avec pour objectif de garantir un état de conservation des espèces, en encadrant leur commerce international. Dans le cas des États membres de l'Union européenne, tous Parties à cette convention, le cadre réglementaire résultant de la CITES est fixé par le règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce qui renforce cette convention sur de nombreux points. Les Parties adhérentes à la CITES ont adopté, en octobre 2016, une Résolution précisant « qu'une chasse aux trophées bien gérée est compatible avec la conservation des espèces et y contribue, dans la mesure où elle offre des possibilités aux communautés rurales d'améliorer leurs moyens d'existence, les incite à conserver les habitats et génère des bénéfices qui peuvent être investis dans la conservation ". C'est pour cette raison que la Commission européenne et les États membres ont lancé une démarche spécifique aux trophées de chasse dans le cadre du Plan d'Action de l'Union européenne contre le trafic d'espèces sauvages. En premier lieu, ce plan prévoit de renforcer le contrôle des importations de trophées de chasse et, plus précisément, d'étudier la pertinence d'imposer un permis d'importation pour davantage d'espèces. Pour mener à bien cette action, le Groupe d'Examen Scientifique CITES de l'Union européenne étudie actuellement une liste d'espèces en prenant en compte leurs statuts de conservation, la tendance de leurs populations et le nombre de trophées importés dans l'UE au cours de la période 2012-2021. Ces espèces pourraient ne plus bénéficier d'une dérogation, conduisant à l'absence d'émission de permis CITES pour leur importation, renforçant ainsi le contrôle sur les exportations et les importations de ces trophées de chasse. Il est important que cette analyse aille à son terme, afin que la science éclaire les réflexions préalables à la prise de décisions. Par ailleurs, le commerce d'espèces menacées étant un sujet de compétence communautaire, il est essentiel que les adaptations réglementaires soient décidées au niveau de l'Union européenne, afin qu'elles s'imposent aux 27 États membres et ne donnent pas lieu à des divergences de régimes réglementaires au sein de l'Union. La France prendra toute sa part lors de ces échanges.

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