Question de M. BASQUIN Alexandre (Nord - CRCE-K) publiée le 06/03/2025

M. Alexandre Basquin attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la sous-évaluation des cancers professionnels en France.
Dans son dernier rapport annuel, l'assurance maladie indique que « le nombre de cas de cancer attribuables à l'activité professionnelle serait compris entre 69 600 et 102 100 ». Rapportés aux 433 000 nouveaux cas de cancer répertoriés durant l'année 2023, ceux qui sont imputables à un travail exposé à des cancérogènes représenteraient ainsi entre 16 % à 24 % des nouveaux cas annuels.
Une estimation que les chercheurs des groupements d'intérêt scientifique sur les cancers d'origine professionnelle (Giscop) de la Seine-Saint-Denis (93) et du Vaucluse (84) contestent. « C'est une estimation basse (...) Les cancers professionnels sont invisibilisés bien que massifs », estiment-ils dans le journal l'Humanité du 18 février 2025. Alors que, selon l'Institut national du cancer, les nouveaux cas ont doublé en trente ans, les salariés exposés à certains facteurs de risque professionnel, dont les agents cancérogènes, peuvent bénéficier d'un suivi par la branche accident du travail/maladie professionnelle (AT/MP) de la sécurité sociale. Mais, selon le chercheur au CNRS Moritz Hunsmann, « moins de 1 800 cancers sont annuellement reconnus comme étant d'origine professionnelle. Si l'on compare avec les estimations de l'assurance maladie, cela signifie qu'environ 95 % des cancers professionnels passent sous les radars ». Un pourcentage qui donne le vertige. Autant de maladies professionnelles non reconnues... c'est énorme et terriblement injuste.
Certes, l'exposition à un cancérogène ne se traduit pas obligatoirement par le déclenchement d'un cancer. Mais, selon l'enquête Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer) de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), 10 % de l'ensemble des salariés, soit près de 1,8 million de personnes, ont été exposés à au moins un produit chimique cancérogène au cours de la dernière semaine travaillée.
Aussi, il lui demande quelles mesures elle compte prendre pour remédier à cette sous-évaluation des cancers liés au travail, mais aussi pour en limiter drastiquement le nombre.

- page 964

Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi publiée le 19/06/2025

La prévention des risques professionnels est une priorité pour le ministère chargé du travail. A ce titre, le code du travail prévoit des mesures de prévention spécifiques relatives aux substances toxiques voire Cancérogènes, mutagènes, ou toxiques pour la reproduction (CMR) : mesures de protection pour minimiser les expositions, aussi bas que techniquement possible, et dispositions en matière de surveillance médicale renforcée notamment. Le décret du 4 avril 2024 fixant des valeurs limites d'exposition professionnelle contraignantes pour certains agents chimiques et complétant la traçabilité de l'exposition des travailleurs aux agents CMR, a par ailleurs introduit de nouvelles dispositions imposant à l'employeur d'établir la traçabilité de l'exposition des travailleurs aux agents CMR à compter du 5 juillet 2024. L'employeur est ainsi tenu d'établir une liste nominative et actualisée des travailleurs susceptibles d'être exposés aux agents CMR. Cette liste précise, pour chaque travailleur, les substances CMR auxquelles il est susceptible d'être exposé ainsi que les informations connues sur la nature, la durée et le degré de son exposition. Par ailleurs, le plan de santé au travail, la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, ou encore la stratégie nationale de biosurveillance portent comme priorité la prévention de l'exposition aux substances CMR et à la recherche sur ces questions. Ainsi, dans le cadre du plan interministériel sur les substances per- ou polyfluoroalkylées, également appelées les polluants éternels (PFAS), les services du ministère chargé du travail se sont associés à la saisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) pour établir un bilan de la contamination des différents milieux par les PFAS et orienter ainsi les mesures de gestion des risques sanitaires et de leurs effets à mettre en place. Cette saisine, dont les résultats sont attendus pour avril 2025, doit notamment définir les priorités de surveillance des expositions professionnelles aux PFAS (secteurs d'activités les plus exposés). Concernant la réparation des pathologies professionnelles, plus de 35 tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale et au code rural et de la pêche maritime permettent d'ores et déjà aux travailleurs de faire reconnaître l'origine professionnelle de leur cancer. Parmi les cancers les plus cités dans les tableaux, on retrouve les leucémies, les cancers broncho-pulmonaires primitifs, les carcinomes hépato-cellulaires, les épithéliomas cutanés et les cancers de la vessie. D'autres cancers sont également visés par les tableaux : cancers du larynx et de l'ovaire, mésothéliomes, ou encore cancers de la prostate. En outre, il convient de préciser que le système principal de reconnaissance des maladies professionnelles est basé sur une reconnaissance automatique de l'origine professionnelle de la maladie via ces tableaux : dès lors que le travailleur remplit les conditions fixées par l'un de ces tableaux, son cancer est réputé posséder une origine professionnelle. De plus, si l'ensemble des critères d'un tableau n'est pas rempli ou si la maladie ne figure pas dans l'un de ces tableaux, le travailleur peut tout de même demander la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie. Il doit alors s'adresser à la caisse primaire d'assurance maladie, dont la décision suit l'avis rendu par un Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) fondé sur un diagnostic individuel. Afin de favoriser la reconnaissance des maladies professionnelles devant ces comités, la direction générale du travail, en lien avec la direction de la sécurité sociale et la caisse nationale d'assurance maladie, pilote les travaux d'actualisation d'un guide constituant une aide à la décision à l'usage des médecins siégeant dans les CRRMP. Sa dernière version vient d'être publiée sur le site de l'institut national de recherche et de sécurité. En 2023, plus de 2 600 cancers ont été reconnus comme pathologies d'origine professionnelle. Sur ce total, 250 cancers provoqués par l'inhalation de poussières d'amiante ont été reconnus par les CRRMP comme maladies d'origine professionnelle, dans le cadre de dossiers qui ne remplissaient pas l'intégralité des conditions des tableaux n° 30 et 30 bis correspondants, soit plus de 150 cancers broncho-pulmonaires et près de 70 mésothéliomes. Il convient d'améliorer les reconnaissances des maladies professionnelles. Ainsi, les travaux de la Commission spécialisée relative aux pathologies professionnelles (CS4) du conseil d'orientation des conditions de travail, saisie et consultée sur l'évolution des tableaux existants et la création de nouveaux tableaux, s'appuient sur des expertises scientifiques, en particulier de l'ANSES. Suivant ces procédures consultatives des partenaires sociaux de la CS4, des tableaux ont été récemment publiés pour tenir compte des dernières études scientifiques confirmant un lien avéré entre les activités des travailleurs et le développement de cancers. Par exemple, au sein du régime général, peuvent être cités le tableau n° 101 relatif aux affections cancéreuses provoquées par le trichloréthylène (publié en 2021), le tableau n° 102 relatif au cancer de la prostate provoqué par les pesticides (publié en 2022) et le tableau n° 30 ter relatif aux cancers du larynx et de l'ovaire provoqués par l'inhalation de poussières d'amiante (publié en 2023). Par ailleurs, d'autres travaux sont actuellement menés au sein de la CS4 afin de prendre en compte les résultats d'une expertise de l'ANSES faisant suite à une saisine des services du ministère chargé du travail, relative à la mise à jour de l'ensemble des tableaux des maladies professionnelles existants. Le rapport de l'ANSES sur ce sujet fait notamment état d'un niveau de preuves avéré entre les cancers de la vessie, de la plèvre ou du péritoine (mésothéliome) et la profession de pompier, en s'appuyant notamment sur les monographies du centre international de recherche sur le cancer. Ainsi, les services du ministère chargé du travail ont déjà entamé les démarches nécessaires à la révision ou modification des tableaux n° 30, n° 15 ter et n° 16 bis, afin d'intégrer les liens entre ces cancers et l'exercice de la profession de pompier. La révision des tableaux de maladies professionnelles correspondants figure bien dans le programme de travail de la CS4 et fera l'objet d'une priorisation. En outre, les services du ministère chargé du travail ont également saisi l'ANSES afin d'étudier les liens entre les cancers du sein et différents facteurs d'exposition professionnels, ainsi que les liens entre les cancers cutanés et l'exposition professionnelle aux rayons ultra-violets. Les résultats à venir de ces saisines alimenteront également le programme de travail de la CS4 en vue d'une actualisation des tableaux concernés.

- page 3514

Page mise à jour le